Dansomanie : critiques : La belle au bois dormant
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La belle au bois dormant

20 novembre 2004, 19h30 : La belle au bois dormant à l'Opéra Bastille

 

Petite surprise pour la reprise de la Belle au bois dormant à l'Opéra Bastille, avec Myriam Ould-Braham qui remplaçait au pied levé Véronique Doisneau dans le rôle de la fée Canarie. Surprise divine, en vérité car sa variation du premier acte fut si merveilleuse de drôlerie que l'on aimerait bien la revoir bientôt dans ce rôle, même si ce qu'on lui souhaite, c'est évidemment de réussir en Aurore, qu'elle incarnera le 4 décembre prochain! Excellente variation aussi pour Fanny Fiat (fée Violente), dont le retour sur scène était attendu avec impatience. Après une année d'absence, Mlle Fiat nous revient en pleine possession de ses moyens, avec un style toujours fin, élégant et propre. Même élégance aussi pour Laurence Laffon, valeur sûre du corps de ballet, qui ouvrait le cortège des fées. Emilie Cozette a hérité de la troisième variation, difficile à mettre en place mais peu gratifiante sur le plan de la chorégraphie. En revanche, Karin Averty a pu faire valoir toute sa virtuosité technique dans la sixième, extrêmement exigeante et spectaculaire.

Dans l'Adage à la Rose, on aura surtout remarqué Florian Magnenet, prince de belle prestance dans un rôle pourtant aride et qui ne laisse que peu de place à la danse véritable. Un artiste des plus prometteurs en tout cas.

Au nombre des amies d'Aurore, on remarquait surtout Nathalie Aubin, également étincelante émeraude dans le pas de cinq des pierres précieuses, au 3ème acte, et à ses côtés, Sabrina Mallem, qui depuis sa promotion au grade de Coryphée l'an passé, n'arrête pas de surprendre très agréablement.

Dans le corps de ballet - fort bien réglé et très homogène - se distinguaient Aurore Cordellier, Alexandra Cardinale, Sarah Kora Dayanova - rayonnante - et Christine Peltzer, qui semble décidément fort heureuse qu'on la distribue depuis quelque temps dans des ballets plus classiques. Chez les messieurs, l'on remarquait surtout Martin Chaix et Emmanuel Thibault, dont le talent mériterait cependant mieux qu'une place d'anonyme au sein de la troupe. Son Oiseau bleu à venir ne sera à manquer sous aucun prétexte.

Caïd du commando des trois fileuses aux ordres de la méchante Carabosse (Stéphanie Romberg, superbement féroce), Ghyslaine Reichert a déployé une fort belle verve comique, se dépensant sans compter pour donner une consistance réelle à ce rôle secondaire.

Mais venons en à l'essentiel, avec la princesse Aurore de Laëtitia Pujol. Après l'excellente impression laissée par sa Giselle à Marseille, on espérait une confirmation, et elle fut au rendez-vous. Techniquement impeccable, et surtout sans sécheresse ni excès d'énergie. Les déboulés étaient nets, mais sages, comme il sied à une princesse de bonne éducation, les retirés bien hauts, les pirouettes vives et droites. Du très bon travail, qui ne laisse rien à redire.

Le magnifique deuxième acte (les décors et les costumes vert d'eau y sont époustouflants de beauté) marque l'entrée en scène du Prince Désiré, avec le très attendu Jean-Guillaume Bart. Sur le plan physique, M. Bart est l'archétype même du prince, élégant et noble. Sa danse est à l'image du personnage, propre, brillante mais sans exagération, peut-être un tout petit peu trop prudente au troisième acte. De plus, Jean-Guillaume Bart et Laëtitia Pujol forment à la scène un couple très bien assorti, tout comme Mélanie Hurel et Benjamin Pech, très applaudis dans le pas de deux de l'Oiseau Bleu.

Autre couple remarquable, Laure Muret et Stéphane Elizabé, d'une inénarrable drôlerie dans le duo du Chat botté et de la Chatte blanche. Ce pas de deux, très valorisant pour les interprètes, nécessite, pour produire tout son effet, de solides qualités d'acteur de demi-caractère, et là, Mlle Muret et M. Elizabé ont régalé le public, qui le leur a bien rendu.

Enfin, l'orchestre était convenable et  fort heureusement pas trop bruyant. La direction de Paul Connelly aurait gagné à un peu plus de nervosité, avec des tempi plus allants, mais cette relative modération a agréablement surpris de la part d'un chef d'ordinaire plutôt enclin à une impétuosité excessive. Les musiciens et leur directeur ont d'ailleurs été ovationnés.

Un bien beau spectacle en tout cas, qui n'a pas pris une ride depuis que son créateur, Rudolf Nouréev, nous a quittés.

 

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