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Marlène Ionesco / Delange Production
Vidéo : Une Vie de ballets - Ghislaine Thesmar, Pierre Lacotte (Marlène Ionesco)
Les amateurs de ballet connaissent bien Marlène
Ionesco, réalisatrice et productrice de nombreux films sur la danse.
Plutôt que des documentaires au sens strict, ses films se présentent
avant tout comme des portraits sensibles, consacrés en priorité aux
danseurs qu'elle aime - des portraits de famille pour ainsi dire.
Au hasard des rencontres et des amitiés
personnelles, on a pu voir cette famille, toute spirituelle, s'agrandir
peu à peu au fil des ans. Marlène Ionesco s'est ainsi intéressée
successivement à des personnalités aussi différentes que Larrio Ekson,
Carolyn Carlson ou encore Agnès Letestu. Plus récemment, c'est Dominique
Khalfouni et son fils, Mathieu Ganio, qu'elle a filmés de manière très
attachante. Pour son dernier long-métrage, intitulé Une Vie de ballet, c'est à un autre duo, celui formé de Ghislaine Thesmar et de Pierre Lacotte, qu'elle rend hommage.
Marlène Ionesco choisit ici de privilégier
l'histoire d'un couple – de manière chronologique. Lorsque Pierre
Lacotte rencontre Ghislaine Thesmar, celle-ci n'a que 19 ans. Bien
qu'elle ait par la suite dansé au New York City Ballet, sous la
direction de Balanchine, ainsi que pour d'autres grands chorégraphes, sa
carrière d'interprète reste intimement liée à celle de Pierre Lacotte.
Le rôle-titre de La Sylphide,
premier grand ballet romantique remonté par Pierre Lacotte, permet ainsi
à Ghislaine Thesmar, formée au Conservatoire, d'être engagée
directement à l'Opéra de Paris comme étoile. La danseuse elle-même
considère dès le départ son chorégraphe de mari comme son pygmalion :
«j'aurais souhaité tout au monde sauf le décevoir..., je voulais
l'étonner», confesse-t-elle à plusieurs reprises. C'est du reste cette
complicité artistique et spirituelle, auréolée d'une élégance d'un autre
temps, qui est mise en valeur dans tout le film, que ce soit dans les
extraits choisis ou dans les entretiens, réalisés pour l'essentiel dans
la propriété du couple, cadre pastoral idyllique et hors du temps - à
leur image. L'un comme l'autre sont les vivants porte-paroles d'un monde
perdu, d'une culture oubliée - c'est là que réside aussi le sens de
leur témoignage.
S'il laisse largement la parole aux deux
protagonistes, le film fait également la part belle aux images de danse,
intelligemment insérées en marge des interventions. Il y a certes du
plus ou moins connu dans tout ça, mais aussi beaucoup d'extraits
inédits, tout à fait étonnants pour le public d'aujourd'hui, dont
certains tirés des archives personnelles du chorégraphe. Le film permet
ainsi de découvrir les premiers ballets de Pierre Lacotte, aujourd'hui
oubliés : des ballets très ancrés dans l'esthétique des années 50,
proches de la comédie musicale, illustrés par des musiques de Duke
Ellingtion ou par la voix d'Edith Piaf. On est encore loin du "style
Lacotte" – tutus romantiques et broderie complexe de petits pas – que
l'on connaît aujourd'hui. On apprendra au passage que Lacotte, bien
avant de se consacrer au répertoire romantique, avait chorégraphié une Dame aux camélias, ainsi qu'un Hamlet, un tantinet déroutant, avec Ghislaine Thesmar dans le rôle d'Ophélie.
La redécouverte du répertoire romantique, qui a
fait la réputation du chorégraphe, constitue évidemment le coeur du
film. On appréciera à cet égard les larges extraits offerts de La Sylphide (avec Ghislaine Thesmar et Michael Denard), de Marco Spada (avec Ghislaine Thesmar et Rudolf Noureev), de Nathalie ou la Laitière suisse (avec Ekaterina Maximova), de La Fille du Danube
(avec Ghislaine Thesmar et Michael Denard, dans des images inédites
filmées au Teatro Colon de Buenos-Aires, images dont la beauté et
l'émotion ne sont nullement diminuées du fait de leur médiocre qualité)
ou encore de la récente Ondine
(avec Evguénia Obraztsova et Léonide Sarafanov). On pourra admirer là le
style et la technique hors-pair de Ghislaine Thesmar - celle de son
partenaire Michael Denard aussi -, aussi remarquables dans le répertoire
romantico-lacottien que dans le Corsaire.
Rendre accessibles au public ces extraits, inédits ou difficiles
d'accès, permet de relativiser certains raccourcis faciles et trop
entendus sur les incroyables progrès de la technique de danse. A voir
ces deux étoiles-là en tout cas, on est plus circonspect sur la
supériorité supposée de la danse d'aujourd'hui, celle qu'on voit au plus
haut niveau. En revanche, on se dit que le long extrait de La Fille du Pharaon,
aisément accessible en DVD, aurait pu être, sinon évité (l'invitation
au Bolchoï a tout de même son importance dans la carrière de Lacotte),
du moins écourté, tout comme ceux de Paquita.
Bien que, pour ce dernier ballet, Marlène Ionesco ait eu accès à des
images d'autres distributions que celle du DVD officiel, le principal
intérêt du chapitre Paquita
réside dans l'insertion d'une scène de répétition menée par Ghislaine
Thesmar, avec Ludmila Pagliero et Mathieu Ganio dans les rôles
principaux, magnifiques tous deux. Les danseurs actuels de l'Opéra sont
d'ailleurs à l'honneur à la fin du film, avec les créations récentes et
inédites en France, réalisées par Lacotte au Japon, La Veuve joyeuse et Les Trois Mousquetaires.
A la fin du film, quelques questions demeurent en
suspens. Tout d'abord, si Lacotte aime toujours à évoquer avec
tendresse la figure de son professeur, Lubov Egorova, qui lui a transmis
le répertoire russe et éveillé sa vocation d'"archéologue" de la danse,
on aurait sans doute aimé en savoir un peu plus sur les secrets de
fabrication de ses "reconstructions" - qui n'en sont pas tout à fait.
Par ailleurs, même si le ton du film est clairement à la célébration et
non à la polémique et à l'amertume, il eût été intéressant de connaître
les raisons qui ont conduit Lacotte à monter à l'étranger, et non sur la
scène de son cher Opéra (où il se fait un peu complaisamment filmer),
la quasi totalité de ses ballets "reconstruits".
Quoi qu'il en soit des mystères d'"une vie de
ballet", on ne peut qu'adresser un grand merci à Marlène Ionesco d'avoir
préservé pour la postérité, par le verbe et par l'image, le témoignage
précieux de ces deux figures majeures de la danse.
B. Jarrasse © 2012, Dansomanie
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intellectuelle.
Une Vie de ballets
Realisation: Marlène Ionesco
Production: Delange Production & Wide Management
Co production: Supersonic
Chef Opérateur : Elizabeth Prouvost
Caméra : Cyril Delettre & Jorge Amat
Montage : Michèle Loncol
Post production : Supersonic Productions
Montage & mixage son : Elise Jiffard
Etalonnage & conformation : Julien Houillon
1 DVD Atypik Video
Format : 16/9 & 4/3
Son : stéréo
Langue originale : français, version anglaise annonçée
Durée : 95 mn
Prix public conseillé : 22 € (DVD)
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