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Michael Powell - Emeric Pressburger / Carlotta Films

Vidéo : Les Chaussons rouges (Michael Powell - Emeric Pressburger)


les chaussons rouges dvd blu ray


Les Chaussons Rouges (The Red Shoes) paraît en France, simultanément en DVD et en Blu-Ray, dans la version restaurée, parrainée par Martin Scorsese, sous le label Carlotta. Ce film mythique avait été présenté, dans ses nouveaux atours, au festival de Cannes en 2009, et avait été immédiatement diffusé dans les pays anglo-saxons. On ne manquera pas de s’interroger sur les raisons qui ont conduit à la commercialisation de ce vidéogramme avec plus de deux ans de retard dans l’Hexagone, qui lèse les balletomanes-cinéphiles à double titre, puisque le film, sous sa forme destinée au public anglophone, est vendu pour l’équivalent de 10 €, alors que le coffret «francisé» est annoncé à un tarif deux fois plus élevé (20 € environ). Cette inflation est d’autant moins justifiée que la version anglo-américaine comporte elle aussi un second DVD de documentaires et d’interviews autour de la réalisation du film. Par ailleurs, Les Chaussons rouges avaient fait l’objet d’une première édition réhabilitée par l’Institut Lumière, à Lyon, en  collaboration avec les studios Warner, commercialisée à partir de 2006 dans un emballage luxueux, mais déjà beaucoup trop onéreux. Toujours est-il que ce document est aujourd’hui indisponible hors marché de l’occasion et déstockage (à prix prohibitif), et qu’il ne restera d’autre choix aux francophones que de se rabattre sur la nouvelle parution de chez Carlotta. Ceux qui maîtrisent la langue de Shakespeare et peuvent se passer de sous-titres ou de doublages, pourront se procurer à meilleur compte un exemplaire vendu au Royaume-Uni.

La plus-value apportée par la restauration réalisée par des laboratoires américains et indiens ne sera réellement évidente que pour des technophiles ou des forcenés du comptage de pixels. Un visionnage comparé du DVD sorti (en anglais uniquement) chez Carlton en 2002 et de la version «Scorsese» ne révèle pas de différences susceptibles de justifier un nouvel achat. Au mieux les couleurs sont-elles un peu plus homogènes, avec piqué de l’image davantage prononcé. En revanche, le DVD et le Blu-Ray nés de la restauration de 2009 offrent une différence de taille, et pourtant discrète : Les Chaussons rouges durent à présent… 8 mn de plus, et retrouvent ainsi leur longueur originelle. La plupart des précédents reports avaient en effet usé d’un subterfuge pour faire tenir le film et les bonus sur un seul disque, en accélérant le défilement de l’image d’environ 4%, ce qui est, il est vrai, quasi imperceptible à l’œil. Seul le DVD diffusé par Criterion en 1999 respectait jusqu’alors le format initial du film, au prix d’une dégradation de la définition de l’image (704 x 480 pixels en NTSC DV au lieu des 720 x 576 pixels du format PAL D1 pour les éditions concurrentes).

En ce qui concerne le film lui-même, il appartient davantage à l’Histoire qu’à la critique, et même s’il a connu, lors de sa sortie en salle en 1948, des débuts difficiles (les recettes furent décevantes en regard des sommes faramineuses investies dans la production), il s’est par la suite imposé comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma de l’après-guerre. Les balletomanes seront pour leur part intéressés par la présence à l’affiche d’une pléiade de grands noms de la danse : Moira Shearer, Robert Helpmann, Ludmilla Tchérina et, bien évidemment, Léonide Massine. En 1951, on les retrouvera, en compagnie de Frederick Ashton, dans une autre réalisation majeure du duo Michael Powell - Emeric Pressburger, Les Contes d’Hoffmann, qu’il eût été intéressant de proposer en coffret avec Les Chaussons rouges, tant les deux films sont étroitement liés.

Le scénario des Chaussons rouges, qui prend pour prétexte une adaptation chorégraphique du conte éponyme de Hans Christian Andersen, se lit aussi comme une évocation romanesque de l’épopée des Ballets russes. L’action se déroule à Londres, puis à Paris (plusieurs séquences ont été tournées au Palais Garnier), et enfin à Monaco (là aussi, la salle Garnier et le Casino ont servi de cadre au film). Serge Diaghilev est portraituré sous les traits de Boris Lermontov (Anton Walbrook), impresario colérique et intransigeant. Les interprètes principaux, sont eux, liés de manière plus ou moins directe aux Ballets russes : Moira Shearer, élève de Nicolas Legat, Ludmilla Tchérina, membre de la troupe du Colonel de Basil, établie à Monte-Carlo à partir de 1932,  Robert Helpmann, ex-partenaire d’Anna Pavlova, sans parler, évidemment, de Léonide Massine. Marie Rambert, qui, entre 1912 et 1913, fut brièvement membre des Ballets Russes de Diaghilev, fait également une apparition furtive dans Les Chaussons rouges. On signalera aussi que, pour les plans captés lors de cours et de séances de répétition, Michael Powell a fait appel à de vrais danseurs, provenant pour l’essentiel du Sadler’s Wells Theatre Ballet, fondé en 1946 par Ninette de Valois - marraine du Royal Ballet  en 1931 -, deux ans avant le tournage des Chaussons rouges.

Par ailleurs, divers ouvrages du répertoire des Ballets russes sont cités explicitement dans le film, avec d’assez larges extraits de la Boutique fantasque, ainsi qu’une évocation plus fugitive de Pétrouchka.

Certaines de ces évidences sont rappelées par Nicolas Le Riche dans le bonus de trente minutes joint à la nouvelle édition française des Chaussons rouges. On regrettera néanmoins que les réalisateurs n’aient pas choisi d’interviewer plutôt d’anciens artistes ayant une vraie légitimité à évoquer l’histoire des Ballets Russes, tels Frederick Franklin ou Jo Savino, tout deux encore en vie, et qui, comme les principaux protagonistes du film, étaient liés à la fois à la troupe (dans sa période monégasque) et à la danse anglo-saxonne. Cela aurait contribué a faire de ce «revival» un véritable objet de collection pour les amoureux du ballet, d’autant que l’intérêt des deux autres documents proposés en complément des Chaussons rouges est tout relatif : l’historique du tournage, «Il était une fois Les Chaussons rouges (Profile of the Red shoes)» figurait déjà sur quasiment toutes les parutions précédentes, et la «Rencontre avec Thelma Schoonmaker Powell», ex-épouse du réalisateur, se cantonne à des banalités.

Ceci étant dit, tout ceux qui désirent une version doublée ou sous-titrée en français saisiront évidemment l’aubaine de cette parution pour compléter leur filmothèque. Les amateurs de technologies nouvelles seront tentés d’acquérir le Blu-ray, vendu cinq euros plus cher que le double DVD. 


 

Romain Feist © 2010, Dansomanie

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Les Chausson rouges (The Red shoes)
Réalisation : Michael Powell & Emeric Pressburger
Scénario : Emeric Pressburger, d'après Hans Christian Andersen
Musique : Brian Easdale
Chorégraphie : 
Robert Helpmann & Léonide Massine
Dialogues :  Keith Winter
Directeur de la photographie : Jack Cardiff
Décors et costumes :  Hein Heckroth

Vicky Page – Moira Shearer
Julian Craster – Marius Goring
Boris Lermontov –  Anton Walbrook
Grischa Ljubov –  Léonide Massine
Ivan Boleslawsky –  Robert Helpmann
Sergei Ratov –  Albert Bassermann
Irina Boronskaja –  Ludmilla Tchérina
Livingstone 'Livy' Montagne –  Esmond Knight

Royal Philharmonic Orchestra, dir. Sir Thomas Beecham

2 DVD et un Blu-Ray Carlotta Films
Durée : 135 mn  + 67 mn (4 bonus)
Version restaurée en 2009 d'après les négatifs originaux de 1948
Prix public conseillé : 19,99 € (DVD) - 25 € (Blu-Ray)


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