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Ballet National de
Bordeaux
07 juillet 2019 : Notre-Dame de Paris
(Roland Petit) au
Grand Théâtre de Bordeaux
Notre-Dame de Paris (chor. Roland Petit)
Avec Notre-Dame de Paris,
c’est une nouvelle entrée au répertoire de grand
prestige dont bénéficie le Ballet de l’Opéra
national de Bordeaux, grâce à son partenariat actif avec
l’Opéra de Paris. Le ballet de Roland Petit,
créé en 1965, marqua son époque par les moyens
qu’il mobilisait et par le succès populaire qu’il
rencontra, succès qui ne s’est jamais démenti
depuis. L’incendie dramatique qui a consumé la charpente
millénaire de la cathédrale, sous les yeux
horrifiés des Parisiens, donne tout d’un coup un
éclairage nouveau à cette reprise et le public venu
remplir le Grand-Théâtre était certainement
animé de sentiments divers. Quoi qu’il en soit le ballet
de Roland Petit est devenu un classique du XXème siècle
dans le genre du ballet à grand spectacle. Il témoigne
d’une époque où la création
chorégraphique en France rencontrait un nouveau public, le
public du baby boom. Au même moment, le rival de toujours Maurice
Béjart créait sa Neuvième symphonie, puis la Messe
pour le temps présent, dans un esprit humaniste très sixties qu’on retrouve en partie ici. C’est en pensant à ce contexte qu’il faut regarder Notre-Dame de Paris, avec ses qualités, ses points faibles, ses aspects datés et ses résonances actuelles.
Ayant reçu carte blanche de la part de l’administrateur de
l’Opéra de Paris, et fidèle à sa conception
du ballet théâtral, Roland Petit choisit un support
romanesque. On ne saura jamais si le choix du roman populaire de Victor
Hugo répondait à une réelle attirance personnelle
ou bien s’il recherchait un simple prétexte à une
histoire colorée, aux personnages forts et aux situations
violentes. Face à un tel parrainage, il est naturel de chercher
ce qui relie l’œuvre dansée au roman et ce qui les
sépare. Réduisant l’intrigue touffue à
quatre personnages principaux, Roland Petit s’est attaché
à décrire aux moyens de la seule danse, sans pantomime,
les sentiments qui opposent ces personnages : amour, haine,
crainte, tendresse, mépris…, et par quelques solos faire
leur portrait psychologique.
Notre-Dame de Paris (chor. Roland Petit)
On ne cherchera pas le souffle hugolien, en dépit des moyens mis
en œuvre, ni les considérations métaphysiques du
grand poète, mais s’il est un point qui rapproche le
ballet du roman, c’est dans le rôle dévolu à
la foule. Le corps de ballet, presque toujours en scène, y
compris devant les solistes, prend rang de personnage essentiel,
figurant tour à tour les spectateurs de la fête des fous,
les mendiants de la cour des miracles, soldats, prostituées,
paroissiens, badauds. Turbulent, versatile, manipulé,
révolté, joueur ou violent, fervent ou insolent, il
traverse la narration avec une diversité d’expressions par
la seule force des danses d’ensembles. Certes,
intrinsèquement les mouvements ne sont pas d’un grand
raffinement, et souvent répétitifs, mais Roland
Petit a su faire ressentir par sa chorégraphie ce moment de
bascule cher à Hugo où la foule est sur le point de
devenir peuple. Renforcé par un grand nombre de danseurs
supplémentaires, la compagnie bordelaise a su faire sien cette
gestuelle saccadée et dynamique, grâce probablement
à un long travail avec Luigi Bonino et Gillian Whittingham.
C’est une belle démonstration de force qui restera en
mémoire.
Du côté des solistes, tout n’est pas
également à retenir. Pris individuellement chacun des
interprètes est à la hauteur de son rôle mais leur
association ne donne pas entièrement satisfaction. La
distribution est certainement dominée par la Esméralda de
Sara Renda. Tranchante et ciselée, cette ballerine aux pointes
acérées et aux lignes parfaites qu’on n’avait
pas revue depuis quelque temps a acquis une maturité qui en fait
l’égale des grandes interprètes de la gitane,
évoquant même par instants la grande Claire Motte,
créatrice du rôle. Cette Esméralda ambivalente
n’est plus une enfant, mais c’est par elle que seront
tirés les fils de l’ananké, la fatalité.
C’est un Quasimodo expressionniste que compose Oleg Rogachev,
dont on peut saluer la performance. Doté de moyens physiques
impressionnants, il s’investit entièrement dans ce
personnage difforme et pathétique. Simplement il
n’apparaît pas dans le même registre que ses
partenaires dont la sobriété d’expression
paraît plus en situation. On ne peut s’empêcher de
penser que Roman Mikhalev aurait pu nous présenter un
intéressant Quasimodo en spectacle d’adieu, plutôt
que dans une pièce plus anecdotique des quatre tendances.

Notre-Dame de Paris (chor. Roland Petit)
Le Frollo de Neven Ritmanic apparaît de prime abord comme un
contre-emploi. Son poids dramatique semble encore insuffisant pour le
sombre et torturé archidiacre, dont l’autorité
naturelle doit imposer la soumission de son seul regard. Le pas de
trois du meurtre, un des meilleurs passages sur le strict plan de la
chorégraphie, y perd son équilibre. Il
n’empêche que sa manière de traverser l’espace
en deux grands jetés est toujours aussi enthousiasmante. Son
solo avec la main désynchronisée (symbole de son tourment
intime qu’il ne maîtrise plus) fonctionne magnifiquement,
main associée au tambour de basque de la gitane, qui continuera
de retentir même après la mort de celle-ci.
Le quatrième personnage, le capitaine Phœbus, quelque peu
sacrifié, nous éloigne du médiocre soudard
dépeint par Victor Hugo. C’est qu’il est vu à
travers les yeux amoureux de la jeune Esméralda. Image un peu
floue, à la beauté solaire, à l’instar de
son nom-même, entouré d’un halo (les cheveux
peroxydés sont un passage obligé pas forcément
très heureux), c’est bien ainsi que le conçoit
Marin Jalut-Motte, à l’élégance jamais prise
en défaut.
Notre-Dame de Paris (chor. Roland Petit)
Fidèle à un principe qu’il voulait faire perdurer,
Roland Petit avait su s’entourer de grands noms de son
époque. Maurice Jarre pour la musique était alors en
pleine gloire hollywoodienne. La partition qu’il concocta pour
l’occasion a gardé toute son efficacité.
Très rythmique, elle fait la part belle aux percussions et une
collection extraordinaire d’instruments à percussions les
plus divers garnissent ainsi les loges d’avant-scène du
théâtre de Victor Louis, tandis que dans la fosse le
timbalier Aurélien Carsalade s’acquitte avec fougue de la
partie virtuose qui lui est réservée.
Les costumes d’Yves Saint Laurent ont peut-être moins bien
vieilli. Leurs couleurs de vitraux s’accordent pourtant
harmonieusement avec le décor de René Allio. La
silhouette écrasante de la cathédrale, vue sous plusieurs
angles au fil des tableaux, donne le sens profond du drame
d’amour et de mort qui s’est joué sous nos yeux.
Jean-Marc
Jacquin © 2019, Dansomanie
N.B. Les images d'illustrations proviennent de la
répétition générale et ne correspondent que
partiellement avec la distriibution chroniquée. Nous nous en
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Album-photo (cliquer sur la mosaïque)
Notre-Dame de Paris
Musique : Maurice Jarre
Chorégraphie : Roland Petit
Costumes : Yves Saint-Laurant
Décors : René Allio
Lumières : Jean-Michel Désiré
Esméralda –
Sara Renda
Quasimodo – Oleg Rogachev
Frollo – Neven Ritmanic
Phoebus –
Marin Jalut-Motte
Ballet National de Bordeaux
Chœur de l'Opéra National de Bordeaux , dir. Salvatore Caputo
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. David Garforth
Dimanche 07 juillet 2019 - 15h00, Grand
Théâtre de Bordeaux
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