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Ballet du Capitole de
Toulouse
13 mars 2019 : soirée Marin / Soto / Belarbi au Théâtre
de la Cité, Toulouse
Solène Monnereau dans Liens de table (chor. Kader Belarbi)
La programmation danse a pris une place importante dans la ville rose.
La multiplicité des salles toulousaines de toutes dimensions,
des théâtres de quartiers parfois minuscules, aux grandes
institutions de la ville, ajoutée au rôle actif du CDCN
Toulouse/Occitanie, nouvellement nommé «la Place de la
Danse», en matière de création contemporaine,
irriguent un maillage culturel vigoureux dans cette ville foisonnante.
Délaissant ses salles habituelles, après le
casino-théâtre ou l’église Saint-Pierre des
cuisines en passant par le théâtre Garonne, c’est
cette fois-ci dans le grand amphithéâtre du
Théâtre de la Cité que le Ballet de Capitole nous
invite. A défaut d'une création, remise à une
prochaine saison, trois reprises et une importante entrée au
répertoire nous sont proposées, quatre pièces
dégageant chacune une atmosphère très
particulière, tout en suggérant de mystérieuses
correspondances de l'une à l'autre.

Ramiro GomezSamon et Natalia de Froberville dans Fugaz (chor. Cayetano Soto)
C'est le chorégraphe barcelonais Cayetano Soto qui nous offre avec Fugaz
l'œuvre la plus forte de la soirée. La pièce
crée en 2007 a été inspirée au
chorégraphe par la maladie et le décès de son
père. Pourtant il n'y a rien de lugubre dans cette succession
haletante de solos et de duos. Elle rassemble quatre danseuses et deux
danseurs sur le plateau sans décor. Les costumes sont
simplissimes, couleur chair pour les filles, uniformément
sombres pour les garçons, la bande-son semble bien anodine, et
pourtant la danse nous emporte bien vite dès les premiers
moments et concentre toute notre attention d'un bout à l'autre.
Mouvement saccadés ou au contraire très fluides,
extensions infinies, tension de tous les instants, ce langage
indubitablement contemporain apparaît magnifié par des
danseurs de formation essentiellement classique. Les danseurs
toulousains s'y montrent sous leur meilleur jour. On admire en
particulier les deux duos où Natalia de Froberville et Ramiro
Samón (couple merveilleusement assorti qu'on a hâte de
revoir), puis Julie Charlet et Timofiy Bykovets rivalisent de
beauté.
Florencia Chinellato dans Fugaz (chor. Cayetano Soto)
Le phénomène le plus caractéristique de la
pièce de Cayetano Soto est sa fin bien abrupte au moment
où l'on si attend le moins. Au baisser du rideau le spectateur
est laissé en état de manque.
Délibérément sans doute. Comme si c'était
là la clé de l'œuvre, comme pour signifier le vide
de l'absence après la mort d'un être cher. Voilà
une entrée au répertoire marquante.
Philippe Solano et Tiphaine Prévost dans Liens de table (chor. Kader Belarbi)
La pièce de Kader Belarbi du programme, une des premières
qu'il a présentée au public toulousain avant même
sa prise de fonction à la tête du Ballet du Capitole se
caractérise au contraire par sa structure très logique
avec un début, un déroulement et une fin. Liens de table
nous raconte la confrontation de quatre personnages au sein d'une
famille qui verra le fils se révolter. Portée à la
création (à sa re-création à Toulouse plus
exactement) par quatre danseurs d'exception, dont on a plaisir à
rappeler les noms: Paola Pagano, Maria Gutierrez, Davit Galstyan et
Valerio Mangianti, elle nous avait laissé un souvenir
très fort. Sur le bouleversant 8ème quatuor de
Chostakovitch, les allures quelque peu fantomatiques de ces personnages
n'en restent pas moins constamment expressifs, oscillant entre violence
sourde et tendresse retenue. Les accessoires de décor font
partie intégrante de la chorégraphie (la table
astucieusement utilisée et la corde rouge symbole du lien).
Ramiro Gomez Samon dans Liens de table (chor. Kader Belarbi)
Si pris individuellement les interprètes d'aujourd'hui sont
à la hauteur de leurs devanciers, surtout côté
masculin (Ramiro Samón et Philippe Solano sont superbes de
souplesse et de jaillissements), l'interaction entre les personnages
est devenue plus difficile à lire. Défaut d'osmose ou
vision différente, ils apparaissent plus souvent comme des
étrangers l'un à l'autre. Néanmoins l'œuvre
est tellement puissamment écrite sur le plan
chorégraphique qu'elle mérite plusieurs lectures.
Julie Charlet et Davit Galstyan dans Eden (chor. Maguy Marin)
A défaut d'avoir pu s'installer durablement avec sa compagnie
dans la Ville rose, Maguy Marin fait des passages de plus en plus
fréquents à Toulouse, ville où par ailleurs elle
est née. En attendant une création prévue pour une
prochaine saison, le Ballet du Capitole reprend les deux pièces
de la chorégraphe française inscrites à son
répertoire. Deux pièces que l’on peut rapprocher
par leur utilisation de masques sur les danseurs, qui sont de ce fait
volontairement dépersonnalisés.
Julie Charlet et Davit Galstyan dans Eden (chor. Maguy Marin)
Le fascinant duo d'Eden, sans
début ni fin, se présente comme un moment volé
à l’éternité et en même temps une
vision du couple originel, ou du couple éternel. Sans
décor, le couple de danseurs apparaît dans une
nudité tirée vers l'abstraction, visages aux yeux
dessinés, d’où toute expression est absente,
recouverts d'une épaisse chevelure rousse. Ils déroulent
leurs gestes lents à travers le plateau, la danseuse menant le
plus souvent le jeu en s'enveloppant autour de son partenaire. Le chant
monotone de la pluie, à peine troublé par quelque bruit
d'orage lointain participe de l'effet hypnotique jusqu'au fondu au noir
final. Dans ce duo qu'ils maîtrisent parfaitement, Davit Galstyan
oppose sa solidité impavide à l'agilité de liane
de Julie Charlet.
Evangeline Ball et Nicolas+Rombaut Groosland (chor. Maguy Marin)
Le programme se termine par le toujours réjouissant Groosland.
Le préambule nous fait tout d'abord douter de la
réalité de ces personnages tous semblables. Marionnettes
de chiffon transportées en vrac sur des chariots par des
machinistes, elles vont s'animer à la seconde où la
rebondissante musique de Bach s'élève. Sur les rythmes de
deux Concertos brandebourgeois,
leurs corps opulents et leurs allures pataudes ne les
décourageront pas de se lancer dans de savantes combinaisons
d'ensembles, et de multiplier sauts et tours, malgré des efforts
rendus volontairement apparents. De plus ils abandonneront
bientôt toute pudeur en se dévoilant entièrement,
le petit chapeau rond toujours vissé sur la tête pour les
messieurs, ou la coiffure bien mise pour les dames. Nous sommes bien en
face d'une sorte de célébration du pouvoir euphorisant de
la danse. Dans le duo de la séduction sur l'andante du
2ème concerto, Evangeline Ball et Nicolas Rombaut sont
succulents. Et la gigue finale emmènera tous les danseurs vers
une jubilation qu'ils communiquent sans mal au public. Succès
assuré.
Jean-Marc
Jacquin © 2019, Dansomanie
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Groosland (chor. Maguy Marin)
Eden (duo)
Chorégraphie, scénographie et bande-son : Maguy Marin
Costumes
: Monserrat Casanova
Lumières
: Alexandre Béneteaud
Avec : Julie Charlet, Davit Galstyan
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Liens de table
Musique
: Dimitri Chostakovitch
Chorégraphie
et mise en scène : Kader Belarbi
Costumes
: Michaela Buerger
Lumières
: Sylvain Chevallot
Avec : Solène Monnereau, Tiphaine Prévost, Ramiro Gómez Samón, Philippe Solano
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Fugaz
Musique
: Georges Ivanovitch Gurdjieff
Chorégraphie, mise en scène, costumes et lumières : Cayetano Soto
Costumes
: Michaela Buerger
Lumières
: Sylvain Chevallot
Avec : Avec Natalia de Froberville, Ramiro Gómez Samón
Julie Charlet, Timofiy Bykovets
Florencia Chinellato, Solène Monnereau
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Groosland
Musique
: Jean-Sébastien Bach
Chorégraphie : Maguy Marin
Costumes : Montserrat Casanova
Lumières : Alexandre Béneteaud
Pas de deux – Evangeline Ball, Nicolas Rombaut
Pas de quatre – Martin Arroyos, Simon Catonnet, Minoru Kaneko, Jérémy Leydier
Ballet du Capitole
de Toulouse
Musique enregistrée
Mercredi 13 mars 2019,
Théâtre de la Cité, Toulouse
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