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Ballet National de
Bordeaux
30 septembre 2018 : Blanche-Neige
(Angelin Preljocaj) au
Grand Théâtre de Bordeaux
Neven
Ritmanic (Le Prince) - Diane Le
Floc'h (Blanche-Neige)
Après
une période pleine des remous qui ont accompagné le
changement de direction, le Ballet de Bordeaux affiche clairement ses
nouvelles orientations. Ayant conclu des conventions de partenariat sur
plusieurs années avec d’une part l’Opéra
national de Paris et d’autre part le Ballet Preljocaj, deux
institutions à l’abri du besoin (à deux
degrés différents bien sûr), il réduit de
fait ses ambitions de présenter un répertoire original
propre. Il n’est que de voir la programmation de la saison
2018/2019 pour constater que ces collaborations prennent tout leur
sens. Avec deux grandes productions du répertoire parisien, deux
ballets de Preljocaj, sur quatre spectacles, il ne reste que des
miettes pour aller voir ailleurs, dont la création
dévolue au gagnant du concours de jeunes chorégraphes.
Sentant le danger, Marc Minkowski et Eric Quilleré ont
d’entrée de jeu proposé à Angelin Preljocaj
de faire une création. Prudemment, et afin de se familiariser
avec la compagnie et ses danseurs, «fédérer la
troupe», selon ses mots, le chorégraphe a
préféré initier un travail de longue haleine en
donnant à danser un de ses plus grands succès de ces
dernières années, Blanche-Neige,
créé à Lyon il y a dix ans. Un ballet narratif
pour une compagnie essentiellement classique, un conte de fée
dans un théâtre prestigieux à l’architecture
rayonnante, pour un public supposé sage, l’idée a
un je-ne-sais-quoi de trop évident. On attend le second
degré, le clin d’œil. Ils ne viendront pas et ce
sera la principale déception.
Anna Guého (La Reine)
La
narration suit strictement le conte dans la version des frères
Grimm. Le spectacle s’ouvre sur la naissance du personnage-titre
et la mort en couches de la mère. Il se terminera sur
l’épilogue moins connu de la marâtre
condamnée à danser jusqu’à la mort,
chaussée de souliers de fer chauffés à blanc.
Entre-temps nous aurons vu la petite fille grandir à la vitesse
de l’éclair, devenir une belle princesse courtisée
par des prétendants, puis prendre la fuite car mise en danger
par sa marâtre…etc. Les éléments les plus
poétiquement évocateurs du conte en sont
délaissés, comme le désir préalable de
maternité à la vision des trois couleurs
conjointes : blanc comme neige, rouge comme sang, noir comme
ébène. S’appuyant sur les interprétations
psychanalytiques de Bruno Bettelheim, le ballet fait succéder
paradoxalement des illustrations assez plates et aligne des personnages
sans véritable consistance. Nous sommes nourris depuis plusieurs
générations de cette recherche de l’inconscient et
ces interprétations œdipiennes nous paraissent maintenant
évidentes quelle que soit la manière dont on
perçoit les contes. Elles étaient probablement aussi
évidentes pour nos aïeux, d’une manière plus
diffuse. Les mythes grecs sont là pour nous le rappeler,
d’où leur utilisation par Freud.
Alvaro Rodriguez Piñera (Le Roi) - Neven
Ritmanic (Le Prince) - Diane Le
Floc'h (Blanche-Neige)
Mais chez Preljocaj, beaucoup d’éléments semblent
inutilement posés, comme si le spectateur avait tort de
s’y intéresser. Qui est ce roi qui recueille le petit
bébé puis reste assis la plupart du temps sans aucun
emploi sur son trône suspendu? Est-il le véritable
père? On ne pourra l’affirmer. On aurait aimé voir
souligner des moments plus riches d’ambiguïté qui
semblent mal exploités. Il est intéressant par exemple de
constater que l’interprète de la mère de
Blanche-neige incarne aussi le reflet de la marâtre dans le
miroir, mais il n’est guère possible de le distinguer sur
scène. De fait, les moments de langueur, voire de vide,
reviennent à plusieurs reprises, parce que la magie, les
arrière-plans, les sous-entendus sont absents, et la plupart du
temps à cause d’une chorégraphie sans relief.

Les
beaux passages ne manquent pourtant pas isolément. Après
un long bal de cour intéressant par sa géométrie
mais qui semble sans véritable but, l’entrée de la
méchante reine fait basculer l’action dans une autre
dimension. Son caractère jaloux et vindicatif est
souligné à plaisir par son accoutrement en simili-cuir
(les costumes de Jean Paul Gaultier apportent pour leur lot de
fantaisie). La performance d’Anna Guého est d’autant
plus remarquable qu’elle doit faire vivre son personnage à
plusieurs reprises de dos devant le grand miroir. Sa danse
échevelée finale à l’avant-scène,
où pour une fois un peu d’humour affleure, vient à
la manière d’un bis de concert. Le duo de la pomme avec
Blanche-Neige est le moment le plus inventif de la chorégraphie.
Violent jusqu’à la convulsion, il fait sortir les
danseuses d’elles-mêmes.

Diane Le
Floc'h (Blanche-Neige) - Anna Guého (La Reine)
Autre moment célèbre et qui fait toujours son effet, la
danse verticale des sept nains (ici des moines mineurs), suspendus en
rappel le long d’une falaise, associée curieusement
à la marche funèbre de la Première symphonie
de Gustav Mahler. Mise à part une danse circulaire assise, la
suite de leurs évolutions ne soutiendra plus
l’intérêt. Les grands vainqueurs du spectacle sont
finalement les interprètes du couple principal. Diane Le
Floc’h et Neven Ritmanic, de part leur charisme naturel,
électrisent la salle à chacune de leurs apparitions. Leur
duo du réveil, aux réminiscences de Roméo et Juliette,
réussit à nous émouvoir, malgré des
personnages jusque-là peu caractérisés. Ils ne
sont pas pour peu dans le succès du spectacle qui inaugure une
nouvelle phase dans l’histoire du Ballet de Bordeaux..
Jean-Marc
Jacquin © 2018, Dansomanie
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Diane Le
Floc'h (Blanche-Neige) - Neven
Ritmanic (Le Prince)
Blanche-Neige
Musique : Gustav Mahler, 79D
Chorégraphie : Angelin Preljocaj
Décors : Thierry Leproust
Costumes : Jean-Paul Gaultier
Lumières : Patrick Riou
Blanche-Neige –
Diane Le Floc'h
Le Prince –
Neven Ritmanic
La Reine – Anna Guého
Le Reflet de la Reine –
Pascaline Di Fazio
Le Roi
– Alvaro Rodriguez Piñera
La Mère – Pascaline Di Fazio
Les Chats-gargouilles – Marina Guizien ou Marini Da Silva, Hélène Bernadou ou Mélissa Patriarche
Les Reflets des gargouilles – Marina Guizien ou Marini Da Silva, Hélène Bernadou ou Mélissa Patriarche
Les Prétendants – Ashley Whittle, Ryota Hasegawa
Les Courtisans –
Kase Craig, Guillaume Debut, Pierre Devaux, Alexandre Gontcharouk,
Marin Jalut-Motte, Diego Lima, Austin Lui, Marc-Emmanuel Zanoli
Les Courtisanes –
Hélène Bernadou, Natalia Butragueño, Emilie
Cerruti, Marini Da Silva Anna Guého ou Pascaline Di Fazio ou
Nicole Muratov, Marina Guizien, Marina Kudryashova, Mélissa
Patriarche, Clara Spitz, Perle Vilette
Les Amoureux –
Perle Vilette, Natalia Butragueño, Emilie Cerruti, Marina
Kudryashova, Guillaume Debut, Marc-Emmanuel Zanoli, Diego Lima, Austin
Lui
Les Chasseurs –
Ashley Whittle, Felice Barra, Ryota Hasegawa
Le Renne –
Clara Spitz
Les sept Moines –
Guillaume Debut, Kase Craig, Alexandre Gontcharouk, Marin Jalut-Motte, Diego Lima, Austin Lui, Marc-Emmanuel Zanoli
Blanche-Neige enfant –
Rosalie Rousseau ou Emma Cara (élèves du Conservatoire)
Ballet National de Bordeaux
Musique enregistrée
Dimanche 30 septembre 2018 - 15h00, Grand
Théâtre de Bordeaux
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