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Ballets de Monte-Carlo
29 juillet 2018 : The Lavender Follies (J. Hernandez) / White Darkness (N. Duato) à l'Opéra Garnier
White Darkness (chor. Nacho Duato)
La
principauté de Monaco grouillant tout au long de
l’année d’une foule cosmopolite, les Ballets de
Monte-Carlo n’ont finalement pas pris un si gros risque en
programmant au plein cœur de l’été deux
chorégraphes contemporains. Il est vrai que Nacho Duato est un
artiste reconnu dans le monde entier et son White Darkness
est l’une de ses œuvres les plus célèbres. En
l’associant pour une soirée à un jeune
chorégraphe qui fait encore ses armes, Jean-Christophe Maillot a
fait mouche en suscitant la curiosité du public de la salle
Garnier.
Joseph
Hernandez, ancien danseur des Ballets de Monte-Carlo, à
présent danseur et chorégraphe au Semperoper Ballett de
Dresde fait, avec la création de The Lavender Follies,
succéder la perplexité à la curiosité. Sa
proposition séduit, étonne, se regarde sans
déplaisir, mais intrigue et déconcerte. La raison
principale de cet embarras est la multiplicité des allusions et
des références qui émaillent la pièce dans
tous les sens et dont on ne saisit pas toujours la cohérence. En
l’occurrence, le mystère confine à
l’hermétisme et on s’interroge souvent sur
l’objectif visé. Néanmoins, le désir
d’une deuxième vision est signe que le spectateur est
touché, du moins dans le cœur si ce n’est dans
l’esprit.
The lavender Follies (chor. Joseph Hernandez)
«Au fond d’une ruelle sans nom,
Se trouve un cabaret sans âge...»
C’est
ainsi que débute la note d’intention et elle est
signée des trois noms Joseph Hernandez, Yannick Cosso et Jordan
Pallagès. Ces deux derniers sont deux artistes plasticiens
monégasques qui participent de la plupart des créations
du chorégraphe. Détail à remarquer : tous les
trois ont exactement le même âge.
Après un
roulement de tambour annonciateur, les danseurs traversent la
scène de jardin à cour, le buste droit, puis, dans le
même sens, le dos courbé, déjà
accablés par leur condition. Au premier «Welcome,
Bienvenue» lancé au micro par la meneuse de revue, on
songe à Bob Fosse et son Cabaret. Cette référence
au Berlin d’avant-guerre est confirmée par la
reconstitution dans un coin de la scène du portrait de Sylvia
von Harden, tableau d’Otto Dix emblématique de
l’expressionnisme allemand. C’est un danseur travesti en
robe lavande qui prête à la journaliste ses traits
anguleux, monocle et cigarette à l’appui. Hormis cette
femme attablée qui observera le spectacle d’un bout
à l’autre, et les deux lustres qui éclairent la
scène, nul décor ne vient préciser
l’évocation. Dommage pour l’atmosphère, car
la bande-son de Johannes Till alterne de son côté des
expressions très diversifiées, passant de la techno
à la musique concrète ou autres styles plus
légers.
The lavender Follies (chor. Joseph Hernandez)
Les ruptures de ton auraient pu être mieux soulignées
visuellement. D’autant plus que la scène fourmille de
personnages hétéroclites, qui exposent chacun une
manière différente de nous interpeller, sans jamais se
rejoindre dans les ensembles habilement composés. De Charon aux
trois Nornes, on passe de la mythologie grecque à la mythologie
nordique, voire wagnérienne, et d’un tablier rustique de
jardinier à des vamps en lamé or. L’irruption
d’un certain Dr Weltschmerz (douleur du monde) nous renvoie cette
fois-ci à la dépression du siècle romantique.
Après s’être dépouillé de sa tenue de
chirurgien celui-ci sera emporté tel un paquet par Charon vers
un destin infernal. Moment plus gracieux avec la chanson nostalgique de
la dame en vert (superbe Candela Ebbesen). Moment plus viril avec
l’impressionnant combat acharné des deux lutteurs
(Benjamin Stone et Simone Tribuna).
«... Artistes sans nom, artistes sans âge,
Célèbrent l’humanité ...»
Il est visible
que la pièce est essentiellement une œuvre collective,
où les visions subjectives d’un passé révolu
se brouillent les unes les autres. Certes la scénographie prend
souvent le pas sur la danse. Il n’empêche que
l’œuvre soutient l’attention et qu’elle
mérite une relecture.
White Darkness (chor. Nacho Duato)
Avec White Darkness,
Nacho Duato abordait en 2001 un sujet difficile, l’addiction
à la drogue, inspiré par un drame personnel.
Adoptée par de nombreuses compagnies à travers le monde,
l’œuvre a toujours su conquérir tous les publics par
sa force de conviction. La partition dense pour quatuor à cordes
Karl Jenkins, les effets lumineux de Joop Caboort concourent à
une grande unité de ton, qui atteint son climax dans la vision
finale, pluie de poudre blanche.
Le langage chorégraphique rappelle, parfois en le citant, le Jiří Kylián de Petite Mort
(l’enchaînement des différents pas de deux, les
extensions et développés infinis, les glissades, la
sensualité). Ajoutons-y un sens de l’occupation de
l’espace évident. Le mélange de virtuosité
et de souplesse exige énormément des interprètes.
Le Ballet de Monte-Carlo sait se montrer à la hauteur tandis que
le couple principal apporte sa sensibilité propre. Francesco
Mariottini, plutôt discret dans Lavender Follies, est ici tour
à tour séducteur, autoritaire ou ambigu. Anna Blackwell
fait preuve d’un engagement poignant dans la fragilité. Un
ballet qui s’impose de lui-même.
Jean-Marc Jacquin © 2018, Dansomanie
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White Darkness (chor. Nacho Duato)
The Lavender Follies
Musique : Johannes Till
Chorégraphie : Joseph Hernandez
Scénographie et costumes : Yannick Cosso & Jordan Pallagès
Lumières : Samuel Thery
Sylvia Von Harden – Asier Edeso
Madame – April Ball
L'Assistant de Madame – Francesco Mariottini
Les Nornes – Maude Sabourin, Kaori Tajima, Taisha-Barton-Rowledge
Les Lutteurs – Benjamin Stone, Simone Tribuna
Charon – Alvaro Prieto
Dr Weltschmerz – Michaël Grünecker
La Dame en vert – Candela Ebbesen
Les Danseurs – Elena Marzano, Cristian Assis
The Lavender Follies - Album photo
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White Darkness
Musique : Karl Jenkins (Adiemus Variations, Quatuor à cordes nº 2)
Chorégraphie : Nacho Duato
Mise en scène : Thomas Klein
Scénographie : Jaffar Chalabi
Costumes : Nacho Duato
Lumières : Joop Caboort
Avec :
Anna Blackwell, Francesco Mariottini
Anjara Ballesteros, Koen Havenith
Anissa Bruley, George Oliveira
Kaori Tajima, Daniele Delvecchio
Alessandra Tognoloni, Christian Tworzyanski
White Darkness - Album photo
Ballets de Monte-Carlo
Musique
enregistrée
Dimanche 29 juillet 2018,
Opéra Garnier, Monaco
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