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Ballets de Monte-Carlo
26 avril 2018 : Violin Concerto (G. Balanchine) / Abstract/Life (J.C. Maillot) au Grimaldi Forum
Violin Concerto (chor. George Balanchine)
Dans le cadre du Printemps des Arts de Monaco,
Jean-Christophe Maillot propose au public du Forum Grimaldi une double
affiche : en première partie, le célèbre Violin Concerto de Balanchine, chorégraphié sur le Concerto pour violon et orchestre en Ré majeur de Stravinsky, puis, en seconde partie, Abstract/Life, une création du chorégraphe sur une partition pour violoncelle et orchestre de Bruno Mantovani.
On l'aura compris, ce diptyque traduit la volonté de mettre en regard
deux œuvres émanant d'une collaboration entre un chorégraphe et un
musicien – la structure musicale pour cordes et orchestre venant
renforcer ici l'effet de miroir entre les deux volets. Le parallélisme
s'arrête toutefois là, car les deux pièces, au fond, s'opposent presque
terme à terme. Le Violin Concerto,
œuvre « abstraite », tout en
géométrie déstructurée, s'inscrit dans la
veine des Balanchine en noir et blanc inaugurée par Les Quatre Tempéraments,
là où la pièce de Maillot paraît au contraire vouloir transcender
l'abstraction, imposée de fait par le titre de la partition de Mantovani
- Abstract -, en y instillant une forme de vie - Life
-, fût-elle imaginaire ou dystopique. Par ailleurs, quand la pièce de
Balanchine s'impose par sa concision millimétrée, celle de Maillot,
malheureusement contraint dans l'affaire par une partition de près de
cinquante minutes, semble étirer son propos au-delà du nécessaire.

Violin Concerto (chor. George Balanchine)
Les Ballets de Monte-Carlo n'avaient pas donné de Balanchine depuis une
dizaine d'années, alors qu'ils possèdent, depuis leur création, dix-neuf
de ses ballets à leur répertoire. Comme l'explique Jean-Christophe
Maillot, la compagnie, en s'appropriant les pièces de chorégraphes
d'aujourd'hui, tels Marco Goecke, Sasha Waltz ou Sidi Larbi Cherkaoui,
avait pris ces dernières années une orientation plus contemporaine et
dès lors un peu délaissé le travail particulier, et fondamentalement classique,
qu'exigent les ballets de Balanchine. Le renouvellement récent de la
compagnie, avec la venue de danseurs aux profils plus académiques, ainsi
que la collaboration fructueuse avec le Bolchoï autour, notamment, de La Mégère apprivoisée,
auront ainsi permis un retour aux sources, en l'occurrence à une voie
classique que le chorégraphe souhaite approfondir dans les années qui
viennent.
Violin Concerto (chor. George Balanchine)
Des couleurs aux formes en passant par les sons, Violin Concerto évoque fortement Agon
- en bien plus drôle et emballant. Au-delà des académiques, de
l'ambiance noir et blanc sur fond bleu, on y retrouve, à foison, cette
curieuse plastique qui signe le style balanchinien : les déhanchés, les
positions en-dedans, les petits mouvements de poignets, inspirés des
danses géorgiennes, une géométrie bizarre sans cesse contaminée par la
gestuelle des danses de caractère. Créé initialement en 1941, avant
d'être épuré et recomposé entièrement en 1972 pour le New York City
Ballet, le ballet est structuré autour de deux pas de deux, aussi typés
que complexes dans leurs enroulements - le premier plus belliqueux, le
second plus lyrique -, eux-mêmes encadrés par des ensembles en miroir.
Les danseurs, particulièrement bien coachés à l'occasion de cette
reprise par Bart Cook et Maria Calegari, s'y montrent extrêmement
affûtés, précis dans leurs intentions, sans jamais paraître réciter une
leçon comme on le voit trop souvent à l'Opéra de Paris dans ce type de
répertoire. Le second pas de deux est notamment sublimé par la présence
du couple formé de Ekaterina Petina et Matej Urban, dont la technicité
parfaite n'éteint en rien l'expressivité et même un certain sens,
latent, du drame.
Abstract / Life (chor. Jean-Christophe Maillot)
Abstract/Life n'est pas
exactement le fruit d'une collaboration «en direct» ou «au fil de
l'eau» entre Jean-Christophe Maillot et Bruno Mantovani, avec lequel le
directeur des Ballets de Monte-Carlo avait déjà précédemment travaillé.
Commandée par le Printemps des Arts, la partition, découpée en cinq
mouvements, alternant moments symphoniques et passages plus intimistes, a
été livrée au chorégraphe, telle un produit fini, sous le titre Abstract. Comme pour marquer son territoire, Maillot lui accole aussitôt un slash oxymorique (ironique?), suivi d'un mot, Life,
qui lui ressemble bien davantage. Sa pièce n'est pas pour autant une
pièce narrative, une pièce «à livret» - et l'on serait bien en peine
de rapporter de manière articulée ce qu'elle raconte, au sens littéral.
Plus axée sur le groupe que sur les individualités, elle donne à voir,
au rythme de ses cinq mouvements, des images, souvent fulgurantes, mais
bien peu euphoriques, d'un infra-monde, un univers en clair-obscur,
coincé entre le mythe, celui d'un monde primitif et tribal, et la
science-fiction. On pense tout autant à une cérémonie sacrificielle, aux
réminiscences de Sacre du printemps, qu'aux atmosphères de fin des temps à la Blade Runner.
Abstract / Life (chor. Jean-Christophe Maillot)
La musique de Mantovani, sans être irritante, apparaît ici comme un bloc
de béton un peu massif, un peu pompeux, que Maillot n'a pas forcément
cherché à illustrer ou à accompagner note à note. Dès lors, c'est avec
les images, visuelles et chorégraphiques, plus ouvertement qu'avec les
sons, que le chorégraphe, sensible depuis toujours aux arts plastiques, a
semblé vouloir entrer en dialogue. Maillot réutilise ici, de son propre
aveu, des phrases oubliées de ses ballets plus anciens – sa «banque
d'images» comme il l'appelle -, mixées et retravaillées pour
l'occasion. Cette recomposition s'appuie conjointement sur la mise en rêve
visuelle proposée par la jeune scénographe Aimée Moreni. Délestées de
leur individualité (au point qu'on ne reconnaît presque plus les
danseurs, en-dehors de «l’Élue», Mimoza Koike), les créatures d'Abstract/Life
émergent de l'inquiétante nuit qui les environne grâce à un dispositif
luminescent fixé à leurs combinaisons d'outre-tombe. Le spectacle se mue
alors en une véritable féerie apocalyptique, que magnifient des
ensembles puissants, où les danseurs, telle une gigantesque sculpture
animée, ne paraissent plus former qu'un seul être organique.
Bénédicte Jarrasse © 2018, Dansomanie
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Abstract / Life (chor. Jean-Christophe Maillot)
Violin Concerto
Musique : Igor Stravisnky (Concerto pour violon et orchestre en Ré majeur)
Chorégraphie : George Balanchine, remontée par Bart Cook et Maria Calegari
Lumières : Ronald Bates, recréées par Dominique Drillot
Aria I – Debora Di Giovani, Alexis Oliveira
Aria I I – Ekaterina Petina, Matèj Urban
Avec :
Kathrin Schrader, Candela Ebbesen, Taisha Barton-Rowledge, Alessandra Tognoloni
Ksenia Abbazova, Gaëlle Riou, Kaori Tajima, Anissa Bruley
Jaat Benoot, Edgar Castillo, Edoardo Boriani, Artjom Maksakov
Koen Havenith, Le Wang, Asier Edeso, Simone Tribuna
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Abstract / Life
Musique : Bruno Mantovani
Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot
Scénographie et costumes : Aimé Moreni
Lumières : Dominique Drillot
Avec :
Mimoza Koike, Alessandra Tognoloni, Kathrin Schrader, Anne-Laure Seillan
Kaori Tajima, Gaëlle Riou, Elena Marzano, Candela Ebbesen, Anissa Bruley
Taisha Barton-Rowledge, Ksenia Abbazova
Alexis Oliveira, George Oliveira, Francesco Mariottini, Avaro Prieto, Daniele Delvecchio
Michael Grünecker, Simone Tribuna, Lennart Radtke, Koen Havenith, Benjamin Stone
Christian Assis, Christian Tworzyanski
Abstract/Life / Violin Concerto - Album photo
Ballets de Monte-Carlo
Liza Kerob, Violon solo
Marc Coppey, Violoncelle solo
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, dir. Pascal Rophé
Jeudi 26 avril 2018,
Grimaldi Forum, Monaco
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