Créé en
septembre dernier au CCN de La Rochelle, Immerstadje
s'invite dans la
programmation du Festival International des Arts de Bordeaux
Métropole, avant d'être donné en tournée
à travers la France. Les deux
représentations données au Carré de
Saint-Médard-en-Jalles ont d'ores et déjà
permis à la compagnie «Hors-série» de retrouver son public, qui
connaît bien le danseur/chorégraphe Hamid Ben Mahi en raison de son
implication dans la vie culturelle bordelaise.
La pièce qu’il
présente intrigue par son nom : Immerstadje. Ce mot abstrait a
été créé par le chorégraphe pour nous immerger dans un monde
imaginaire, une bulle onirique, où les rêves de chacun se font
réalité. Immerstadje,
c’est aussi l’union de deux mots :
«immer» qui signifie «toujours» en
allemand et «stad», «ville» en
néerlandais. «Toujours la ville». C’est dans
ses
souvenirs de jeunesse, empreints de culture urbaine et populaire,
qu’Hamid Ben Mahi est allé puiser son inspiration. On
pense aux
aventures collectives d’un soir d’Halloween ou encore aux
Goonies
se lançant dans une partie de Jumanji [jeu de
société inspiré du film éponyme du
réalisateur américain Joe Johnston, ndlr] . Quand les
années sources de
la culture hip-hop rencontrent les chimères de l’enfance,
l’éventail des possibles parait s'ouvrir à l'infini.
Immerstadje, chor. Hamid Ben Mahi
L’entrée en scène des protagonistes en roller quad
s'apparente à un voyage nostalgique. Les cinq danseurs
évoluent dans une atmosphère hypnotique. Tout est
travaillé pour
fausser les repères des spectateurs afin qu’ils
s’abandonnent et
plongent sans retenue dans ce monde fantastique. Ce tableau liminaire
installe certes l’univers de la pièce, mais ne convainc
pas totalement en
raison d’une chorégraphie un peu rudimentaire. Bien que
maîtrisant les
techniques élémentaires du roller - un «crasy
legs»
bien rythmé en atteste -, les danseurs ne soutiennent pascependant
la comparaison avec des
patineurs confirmés. Les équilibres sont parfois
vacillants et la glisse s’en trouve moins aisée. Mais une
fois la
terre ferme retrouvée, il en va tout autrement, et la
fluidité devient
alors le maître-mot de la danse qui s'offre au spectateur.
Immerstadje, chor. Hamid Ben Mahi
Hamid
Ben Mahi compose sa pièce comme une poésie du corps. Son
vocabulaire chorégraphique se fonde sur la technique du hip-hop,
mais avc une touche plus contemporaine. La
gestuelle est parfois sinueuse, parfois sèche, mais toujours
très mobile. En fait, Immerstadje
résulte avant tout de la rencontre de
cinq artistes. Danseurs, acteurs, chorégraphes, ils ont tous
déjà un
long parcours, très varié, qui leur a donné une
identité
propre et marquée. Chacun insuffle à l'œuvre sa
singularité, ce qui n’est en rien une entrave à la
complicité et à l'envie de danser
ensemble.
Immerstadje, chor. Hamid Ben Mahi
Métissage de
styles, la pièce mixe aussi les genres et flirte
parfois avec le «nouveau cirque». La rêverie se compose de tableaux
semblables à des numéros pour lesquels de nombreux accessoires sont
utilisés : des roller quad évidemment, mais aussi une jante de vélo, réminiscence du cerceau des jeux de l'enfance, ou encore un ballon,
prétextes à des mouvements de jonglage-contact ou
à des percussions corporelles. Les idées foisonnent et
visent au spectacle total. Une attention particulière est
portée à la lumière, à la vidéo et
à la musique. Souvent
répétitifs et minimalistes, ils soulignent
néamoins le propos du chorégraphe. Les
costumes de Philippe Guillotel - qui a bénéficié
de l'expertise des
ateliers de l’Opéra National de Bordeaux - contribuent
aussi à créer cet irréel urbain, avec, par
exemple, un
pull à quatre manches se nouant autour de la taille ou des
vestes
amples, entre capes ethoodies.
Cette
soirée, très créative, s'adresse à un
public sensiblement plus large que celui des habitués de
l’Opéra. Elle est aussi une invitation au partage, qui
s'acheve dans une ambiance festive : à la fin du spectacle, la
scène s'ouvre aux spectateurs désireux d’exprimer
leur
envie de danser.Avec Immerstadje, la compagnie «Hors série» démontre que la recherche et
l’expérimentation chorégraphiques peuvent mener à une œuvre
qui parle à tous.
.
Fabien
Soulié © 2017, Dansomanie