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Ballet du Capitole de
Toulouse
20
octobre 2017 : Giselle
(Kader Berlarbi) au Théâtre du Capitole
Ramiro
Gómez Samón (Albrecht), Natalia de Froberville
(Giselle), Juliette Thélin (Myrtha)
A l'orée de la saison 2017/2018, le Ballet du Capitole
semble sans faire de bruit prendre un tournant intéressant.
Depuis un an, une vague de nouveaux danseurs venus de tous les horizons
a intégré la compagnie. Cette
internationalisation n'est en soi pas nouvelle. Les 35 danseurs de la
troupe toulousaine où une douzaine de
nationalités différentes sont
représentées forment un creuset
d'échanges culturels parfois étonnants et sans
doute fructueux. Ce chiffre de douze varie peu au gré des
départs et des nouvelles arrivées. Ce qui change,
et qui semble faire sens cette année, c'est le parcours
personnel antérieur des nouvelles recrues. Beaucoup de ces
danseurs étaient déjà premiers
solistes, ou principals comme disent les anglo-saxons, au sein de
compagnies de danse renommées, dans des villes comme
Johannesburg, Perm, Kazan, Kiev, Copenhague, Milan, Dortmund. Ils
arrivent forts d'une expérience certaine. Ils se sont
affrontés aux premiers rôles des ballets
classiques, ceux qui sont dansés partout dans le monde. Ils
ont connu les derniers saluts et les bouquets de fleurs au baisser de
rideau. Ils ont parfois été choisis par tel ou
tel chorégraphe pour une reprise ou une création
contemporaine. Cette évolution remarquable est propre
à galvaniser une troupe de ballet qui affiche sans complexe
de hautes ambitions, pendant que d’autres traversent
une période plus morose.
Natalia de
Froberville (Giselle)
Natalia de Froberville, depuis un an à Toulouse est
l’exemple le plus emblématique de cette
nouvelle vague. Elle connaît sur le bout des pointes le
rôle de Giselle qu’elle a dansé sur
plusieurs scènes européennes. En reprenant le
rôle-titre dans la version de Kader Belarbi, elle s'est
fondue avec une conscience de grande artiste dans la vision du
personnage que lui proposait le chorégraphe-directeur. Les
passages techniques les plus difficiles sont là, les
ballottés, la diagonale sur pointe, les arabesques, mais
jamais dans la démonstration, toujours au service d'une
expression sensible. Sa Giselle est d'emblée une
fraîche jeune fille pleine de joie de vivre, gracieuse au
possible, énergique et joueuse. Naïve
peut-être quand elle est dans les bras de son amoureux
(épisode de la fleur), elle ne prête
guère attention aux menaces d'Hilarion ou aux avertissements
de sa mère, mais suscite un bref moment de franche
complicité avec Bathilde, moment qui deviendra
rétrospectivement bien amer (c'est une des belles
idées de Kader Belarbi que de donner un rôle
véritablement dansant à ce personnage de
princesse habituellement compassé). Après une
scène de folie sobre et qui n'en est que plus poignante, on
retrouve Mlle de Froberville transfigurée au
deuxième acte, semblant à peine
réelle, comme en apesanteur, grâce à
l'effet d'une technique superlative dans le travail du mouvement, au
moelleux infini et indéfinissable.
Natalia de
Froberville (Giselle), Ramiro Gómez Samón
(Albrecht)
L'allure princière de Ramiro Gómez
Samón semble le destiner aux emplois nobles et c'est tout
naturellement que le jeune danseur cubain, devenu à
présent premier soliste se voit distribué en
Loys/Albrecht. Si la qualité de sa batterie et de ses lignes
fait merveille, la construction de son personnage est
cohérente et crédible. Il peut certes encore
gagner en densité au premier acte (il paraît
frêle face à l'expression puissante de l'excellent
Norton Fantinel en Hilarion, autre danseur à suivre), mais
il atteint l'émotion artistique la plus évidente
dans le deuxième acte, sans aucune chute de tension d'un
bout à l'autre, jusqu'à l'épilogue
mélodramatique souvent coupé où
Albrecht se réveille d'un mauvais rêve sur la
tombe de Giselle. Son remords douloureux sonne alors comme un
écho de la folie mortelle de la jeune paysanne.
Natalia de
Froberville (Giselle), Ramiro
Gómez Samón (Albrecht),
La Myrtha de Juliette Thélin donne le ton de ce
deuxième acte où rien ne pèse.
Immobile, spectrale dans ses menées sur pointes
aériennes, elle conduit inexorable une cohorte de wilis
fantomatiques. Le corps de ballet féminin est à
l'unisson, comme une réplique à l'infini de la
jeune fille 1830 : cheveux noirs en bandeaux, chignon bas, allure
réservée, robe en tulle de soie blanche. Cette
version du ballet, qui a si fortement impressionné il y a
deux ans lors de sa création grâce à la
conjugaison de talents qui y ont contribué, fourmille de
mille détails qui rendent sa fraîcheur
à cette histoire éternelle. Du
cimetière à peine aperçu au fond du
décor du premier acte (splendide perspective des voiles de
tulle superposés), au lièvre offert en cadeau par
le garde-chasse, ou bien de la danse débridée des
deux ivrognes aux fières évolutions des
courtisans, c'est la cohérence et l'intelligence de
l'ensemble qui frappe. Les styles de danse différents se
succèdent ou se conjuguent avec fluidité, sans
perdre de vue une narration clairement lisible. Pantomime, pas
académiques, mouvements d'apparence spontanée
font vivre les villageois devant nous, proche de nous, comme au
naturel. Le célèbre divertissement des
vendangeurs, ici pas de quatre, s'intègre sans heurt au
milieu de la fête des vignerons (et fait briller d'autres
solistes toulousains). L'acte blanc qui revient vers un pur classicisme
n'en apparaitra que plus irréel. Une Giselle
destinée décidément à
devenir une version de référence d'un classique
du ballet.
Jean-Marc
Jacquin © 2017, Dansomanie
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Juliette
Thélin (Myrtha)
Giselle
Musique : Adolphe Adam
Chorégraphie
: Kader
Belarbi, assisté de Laure Muret
Décors
: Thierry Bosquet
Costumes : Olivier Bériot
Lumières : Sylvain Chevallot
Giselle – Natalia de Froberville
Loys/Albrecht – Ramiro Gómez
Samón
Hilarion – Norton Ramos Fantinel
Berthe – Estelle Fournier
Wilfried – Pierre-Emmanuel Lauwers
Bathilde – Aleksandra Surodeeva
Le Duc de Courlande – Dennis Cala Valdes
Myrtha – Juliette Thélin
Pas de quatre des
Vendangeurs – Tiphaine
Prévost, Ichika Maruyama
Philippe Solano, Amaury Barreras Lapinet
Deux Ivrognes – Minoru Kaneko,
Nicolas Rombaut
Deux Wilis – Aleksandra
Surodeeva, Scilla Cattafesta
Ballet du Capitole
de Toulouse
Orchestre
du Capitole de
Toulouse,
dir. Nathan Fifield
Vendredi
20 octobre 2017,
Théâtre du Capitole, Toulouse
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