Cette
année, la LGV met la capitale à seulement deux heures de Bordeaux. Dans le
cadre de la saison culturelle «Paysages Bordeaux 2017» et du
festival «Gare à l’Opéra», l’Opéra National de Bordeaux a choisi de
programmer La Vie Parisienne
pour célébrer ce rapprochement. On pourrait parler de la superbe Gabrielle d’Anne-Catherine
Gillet, de l’humour de la mise en scène de Vincent Huguet, ou encore vanter la
direction de Marc Minkowski, mais c’est ici la place du ballet qui nous
intéresse, car le chorégraphe Kader Attou a été convié à la fête pour inclure
la compagnie de danse bordelaise à la scénographie. Le défi est audacieux et
l’on se réjouit d’avance de voir une scène dansante et bouillonnante de vie.
Les danseurs
entrent en scène dès l’ouverture. Jeans, baskets, blousons. Les costumes de
Clémence Pernoud se font discrets tant ils se fondent dans notre quotidien. La
danse est insouciance et pulsations. Le vocabulaire est principalement
classique, mais se veut également urbain et actuel. C’est la jeunesse des
terrasses que semble présenter Kader Attou, avec son dynamisme et sa variété.
La musique d’Offenbach est si dansante que l’on voudrait avoir tout au long du
spectacle cette présence du ballet, mais la scène est rendue aux chanteurs
jusqu’à l’entracte. C’est seulement à ce moment-là que les danseurs reviennent
et invitent le public à sortir pour les retrouver à l’extérieur.
La Vie parisienne
Le
parvis de la Place de la Comédie se transforme alors en scène de spectacle pour
six minutes de danse hybride, sur un enregistrement mixant du dubstep, des
leitmotivs de La Vie Parisienne et les bruits de la ville. La
chorégraphie est syncopée. Elle emprunte au locking et prend de timides airs
hip-hop, tout en se reposant sur un néoclassicisme bien mieux maîtrisé par la
compagnie. Cette incursion du spectacle dans la ville veut connecter les
Bordelais à la «vie parisienne». Qu'apporte-t-elle cependant au
spectacle? D’autres initiatives hors les murs se sont avérées plus
pertinentes pour ouvrir les portes de l’opéra. Cette intervention se fait sans
transition et est déconnectée de la trame narrative. Plus que surprenante, elle
est confuse. Une illustration de la vie parisienne contemporaine? On
peine à y croire. Elle manifeste finalement une volonté de liaison qui manque
manifestement de... liant.
La Vie parisienne
La
danse s’éclipse ensuite et ne revient que pour le final. Celui-ci se déroule
dans un cadre offrant une ingénieuse reproduction des toits du Palais Garnier,
que l’on doit au remarquable travail de la décoratrice Aurélie Maestre.
Toujours en baskets, mais cette fois vêtus de tutus de willis, les danseurs imitent
des mouvements de Giselle. Offenbach
voulait faire une satire de la société, on croirait là à une satire du ballet.
La chorégraphie est un pur divertissement et la voltige de Diane Le Floch vient
répondre à la traditionnelle effervescence du public lors du final d’une
opérette. Malgré tout, les danseurs ne déméritent pas et assurent leur rôle en
présentant un ensemble décent. Mais pourquoi choisir un grand nom de la
chorégraphie française pour un travail aussi en retrait de l’œuvre?
Le
spectacle lyrique, sa mise en scène, sont assurément une réussite. On ne peut
pas en dire autant de l’intégration de la danse dans la scénographie. Les
contraintes techniques sont assurément fortes et lorsque le plateau est rempli
de chanteurs, acteurs et choristes, il est difficile pour les danseurs de
trouver leur place. Néanmoins, il n'est nul besoin de grands ensembles chorégraphiés.
La danse a suffisamment à apporter en termes d’expression et de narration qu’il
est dommage de l’utiliser uniquement en faire-valoir de la scène lyrique. Cette
soirée a de quoi ravir les lyricomanes, mais laisse à l'amateur de danse un
goût amer, celui des siècles passés où le rôle du ballet se limitait à
l’animation des intermèdes.
Fabien
Soulié © 2017, Dansomanie