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critiques et comptes rendus
XVII Festival International de Ballet du Mariinsky

09 avril 2017 : Gala de clôture du Festival international de ballet du Mariinsky


Cesar Corrales et Nadezhda Batoeva dans Don Quichotte


La soirée débutait par une création d'un danseur de la compagnie, Anton Pimonov, intitulée étrangement «Кот на дереве» («Le chat sur l'arbre»). Aucune note d'intention n'est venu précisé le sens de ce titre. La musique de l'ouvrage était quand à elle signée Nico Muhly, habituel comparse de Benjamin Millepied.

Malheureusement, la chorégraphie d'Anton Pimonov était elle aussi une parodie (involontaire, évidemment) maladroite des pièces de Benjamin Millepied ; on s'ennuyait ferme devant l'enchaînement de duos vus et revus, et on se demande bien quel intérêt certains jeunes créateurs russes peuvent avoir à reprendre à leur compte les poncifs de la danse contemporaine occidentale, si ce n'est pour 
«faire moderne». La partition de Nico Muhly - composée de plusieurs chansons américaines «à texte» -, dégoulinante de bons sentiments, n'arrangeait rien à l'affaire et on se dit qu'il est grand temps que les chorégraphes russes développent à nouveau un style, une école personnelle et retrouvent leur place dans l'avant-garde mondiale, comme naguère Fokine, Nijinsky, Lifar ou... Balanchine, formé à Saint-Pétersbourg.

Les capacités de la distribution de grand luxe dont bénéficiait «Кот на дереве» étaient largement sous employées, et il n'était vraiment pas besoin de réunir trois couples formés de - excusez du peu - Viktoria Tereshkina / Alexander Serguéïev, Ekaterina Kondaurova / Andreï Yermakov et Nadezhda Batoeva / Alexeï Timofeïev pour venir à bout de ces vingt minutes de banalités.

Ekaterina Kondaurova et Viktoria Tereshkina dans The Cat on the tree («Кот на дереве»)

Le 
«divertissement» qui faisait suite s'inscrivait dans la tradition des soirées de ballet du XIXème siècle, avec une alternance de pièces classiques et actuelles. Anastasia et Denis Matvienko ont été les premiers à entrer en piste, avec Tarentelle, de Balanchine. Cette pièce humoristique, souvent donnée dans les galas, a été fort bien dansée, mais il manquait un je-ne-sais quoi de panache, de folie, qui aurait vraiment soulevé l'enthousiasme. Le couple Matvienko est resté un peu trop sage, un peu trop au premier degré.

Après, venait Spiral Twist, de Russell Maliphant, interprété par Lucia Lacarra et Marlon Dino. On n'imaginait pas les anciennes stars du Bayerisches Staatsballett jouir d'une telle popularité à Saint-Pétersbourg : elles reçurent une ovation triomphale, et, lors des saluts finaux, ce furent encore elles qui reçurent l'essentiel des faveurs du public. Il faut dire que la pièce de Maliphant est assez spectaculaire et que les deux ex-artistes munichois formaient un couple très harmonieux.

Spiral Twist
Lucia Lacarra et Marlon Dino dans Spiral Twist

Le numéro suivant était Diane et Actéon, un pas de deux d'une virtuosité hallucinante créée - cela s'impose à Saint-Pétersbourg - par Agrippina Vaganova afin d'être inséré dans Esmeralda. On retrouvait le couple Renata Shakirova / Daniel Camargo qui avait officié trois jours auparavant dans Don Quichotte. Cette fois, la hiérarchie a été inversé, et c'est le soliste du Het Nationale Ballet qui a, de manière inattendue, pris l'ascendant sur sa consœur du Mariinsky, parfois trop fébrile (la jambe de terre tremblait souvent dans les arabesques, on ne sait pourquoi).

Diane et Actéon
Renata Shakirova et Daniel Camargo dans Diane et Actéon

Retour au contemporain avec Celestial, de Garrett Smith, un chorégraphe américain natif de Salt Lake City, et dont je découvrais pour la première fois une œuvre. Celestial reprend aussi pas mal de lieux communs de la danse contemporaine occidentale - costumes blancs sur fond blanc pour souligner le 
«dépouillement» de la musique baroque etc... - mais M. Smith maîtrise mieux son sujet qu'Anton Pimonov, et - Thomas Tallis et Antonio Vivaldi aidant -, Celestial s'est avéré bien plus plaisant que «Кот на дереве». La pièce était de surcroît servie par un beau septuor de solistes (Sofia Ivanova-Skoblikova, Valeria Martynyuk, Yekaterina Osmolkina, Yana Selina, Alexander Serguéïev, Vasily Tkachenko, Maxim Zyuzin), traités à égalité, et dont aucun n'émergeait vraiment au détriment des autres.

Le 
«divertissement» s'achevait par le grand pas de deux du dernier acte de Don Quichotte, avec Nadezhda Batoeva et Cesar Corrales, le bouillant Cubain venu de l'English National Ballet. Les choses auraient pu très mal se terminer pour Mlle Batoeva, suite à un porté-poisson complètement raté par Cesar Corrales, et on est vraiment passé à deux doigts de l'accident. A la décharge de ce dernier, Nadezhda Batoeva est une partenaire un peu grande pour lui. En même temps, Cesar Corrales n'en n'est pas moins un danseur exceptionnel, et, cet incident mis à part, on a eu droit à du très grand spectacle : sauts incroyables, manèges d'une fougue irrésistible, enfin ce qu'on attend dans Don Quichotte. Cesar Corrales illustre parfaitement le style extraverti de l'école cubaine, et sa danse explosive contrastait fortement avec la sage élégance pétersbourgeoise de Nadezhda Batoeva.

Symphonie en Ut
Le ballet du Mariinsky dans le finale de Symphonie en Ut

Le gala s'achevait en apothéose par Symphonie en Ut, de Balanchine - décidément à l'honneur cette année au Festival du Mariinsy - dans une production légèrement différente de celle de l'Opéra de Paris, avec des costumes de couleur. Parmi les solistes, on aura surtout apprécié Yekaterina Osmolkina, impériale aux côtés de Maxim Zyuzin - son mari! - dans l'Allegro vivo liminaire, Yekaterina Kondaurova dans l'adagio (avec pour partenaire Yevguény Ivanchenko, insipide mais solide) et les couples Elena Yevseyeva / Philipp Stepin (scherzo) et Nadezhda Gonchar (d'une distinction superbe) / Alexeï Timofeyev (finale).

Mais le vrai héros de cette Symphonie en Ut fut incontestablement le corps de ballet, d'une unité, d'une discipline et en même temps d'une vivacité époustouflantes. Jamais je n'avais vu des lignes si droites, des mouvements si parfaitement synchronisés tant au niveau des ports de bras que des jambes (les entrechats du finale, une vraie merveille), tout en préservant élégance et moelleux. Rien n'apparaissait martial, raide, et il faut remercier la troupe du Mariinsky d'avoir sur conclure ce XVIIème festival sur une telle apothéose, toute à la gloire de l'école pétersbourgeoise de ballet et de sa prestigieuse tradition.



Romain Feist © 2017, Dansomanie



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Кот на дереве
Nadezhda Batoeva et Alexeï Timofeïev dans The Cat on the tree («Кот на дереве»)



Première partie - création


The Cat on the tree
(«Кот на дереве»)
Musique : Nico Muhly, Teitur Lassen
Chorégraphie : Anton Pimonov
Lumières : Konstantin Binkin
Costumes : Arina Bogranova

Avec : Viktoria Tereshkina, Alexander Serguéïev / Ekaterina Kondaurova
Andreï Yermakov / Nadezhda Batoeva, Alexeï Timofeïev

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Deuxième partie - divertissement


Tarentella
Musique : Louis Moreau Gottschalk
Chorégraphie : George Balanchine

Avec : Anastasia Matvienko, Denis Matvienko

Spiral Twist
Musique : Max Richter
Chorégraphie : Russell Maliphant

Avec : Lucia Lacarra, Marlon Dino

Diane et Actéon
Musique : César Pugni
Chorégraphie : Agrippina Vaganova

Avec : Renata Shakirova, Daniel Camargo (Het Nationale Ballet, Amsterdam)

Celestial
Musique : Thomas Tallis, Antonio Vivaldi
Chorégraphie : Garrett Smith

Avec : Sofia Ivanova-Skoblikova, Valeria Martynyuk, Yekaterina Osmolkina, Yana Selina
Alexander Serguéïev, Vasily Tkachenko, Maxim Zyuzin

Don Quichotte
, pas de deux, Acte III
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie : Alexandre Gorsky

Avec : Nadezhda Batoeva, Cesar Corrales (English National Ballet, Londres)

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Troisième partie - finale


Symphonie en Ut
Musique : Georges Bizet
Chorégraphie : George Balanchine, remontée par Colleen Neary
Costumes : Irna Press

1. Allegro vivo

Avec : Yekaterina Osmolkina, Maxim Zyuzin / Viktoria Krasnokutsnaya, Yekaterina Ivannikova
Vasily Tkachenko, Yevgueny Konovalov

2. Adagio
Avec : Ekaterina Kondaurova, Yevgueny Ivanchenko / Xenia Ostreikovskaya
Svetlana Ivanova, Yaroslav Pushov, Boris Zhurilov

3. Allegro vivace (scherzo)
Avec : Elena Yevseyeva, Philipp Stepin / Elena Androsova, Xenia Dubrovina
Alexeï Nedviga, Andreï Arseniev

4. Allegro vivace (finale)
Avec : Nadezhda Gonchar, Alexeï Timofeïev / Yuliana Chereshkevich, Zlata Yalinich
Alexander Beloborodov, Roman Belyakov


Ballet du Mariinsky
Orchestre Symphonique du Mariinsky, dir. Boris Grouzine
Lyudmila Sveshnikova, piano solo


Dimanche 09 avril 2017,  Théâtre du Mariinsky (Mariinsky II)


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