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Le Ballet de l'Opéra de Rome au Théâtre des Champs-Élysées
13 janvier 2017 : La Chauve-Souris (Roland Petit) au Théâtre des Champs-Elysées
La Chauve-souris (chor. Roland Petit)
La Chauve-Souris
de Roland Petit a été créée le 2 juin 1979 à l'Opéra Garnier de
Monte-Carlo, avec une distribution qui réunissait alors, dans les trois
rôles principaux, Zizi Jeanmaire (Bella), Denys Ganio (Johann) et Luigi
Bonino (Ulrich). A peine six mois après les premières représentations
sur la Côte d'Azur, l'ouvrage a été mis à l'affiche, avec la même
distribution, du Théâtre des Champs-Elysées. La création fut filmée et
diffusée à la télévision, puis publiée en vidéocassette, dans une
production signée Franca Squarciapino pour les costumes, et Giulio
Coltellacci pour les décors. Si les habits sont demeurés les mêmes, les
décors, eux, furent refaits par l'architecte Jean-Michel Wilmotte et
cette Chauve-Souris relookée fut
captée en 2003 à la Scala de Milan et commercialisée en DVD dans la
foulée. La scénographie de Wilmotte s'inspire du style Art Déco (clin
d'oeil à l'Opéra de Marseille, la «maison» de Roland Petit?), et
s'intègre de ce fait remarquablement bien au Théâtre des Champs-Elysées,
au point de donner la sensation d'une continuité entre la salle et la
scène. Seules fausses notes, la reproduction racoleuse de la porte à
tambour (et de l'enseigne) du célèbre restaurant «Chez Maxim's» et une
«batmobile» hippomobile – un fiacre, quoi! – rétive et un peu ridicule.
Zizi Jeanmaire dans La Chauve-souris
Soyons francs, la Chauve-Souris n'est pas du meilleur Roland Petit. La chorégraphie, passablement putassière, s'inscrit dans la ligne de Proust ou Les Intermittences du cœur
(1974) : effets faciles et appuyés, qui confinent très vite à la
vulgarité. C'est un peu la marque de la décennie 1970-1980, où Roland
Petit, fort de la notoriété acquise avec d'authentiques chefs-d’œuvre
tels Les Forains, Le Jeune homme et la Mort, Le Loup, ou de belles réussites (Carmen, Notre-Dame de Paris), cherche davantage à flatter le grand public.
La Chauve-Souris ne peut
survivre au crash que si elle est portée par des interprètes
d'exception. Ce fut le cas lors de sa création, avec une chorégraphie
entièrement bâtie autour de Zizi Jeanmaire, de retour d'une longue
éclipse de quatre ans consécutive à une blessure au pied. L'épouse de
Roland Petit faisait alors figure de «miraculée de la médecine», les
chirurgiens étant parvenus à lui greffer un tendon d'Achille artificiel
en lieu et place de celui qui s'était rompu un soir de 1975, alors que
la danseuse faisait sa première apparition sur la scène de l'Opéra de
Paris depuis... 1944.
Michele Satriano (Johann) et Rebecca Bianchi (Bella)
Eleonora Abbagnato, nouvelle directrice du Ballet de l'Opéra de Rome,
avait probablement bien conscience de la nécessité de disposer de
danseurs doués d'un charisme sans faille, en invitant, pour la première
Parisienne – qui avait lieu - signe du destin? - le 13 janvier 2017 - le
jour même de l'anniversaire de Roland Petit -, deux stars du
Staatsballett de Berlin pour renforcer la compagnie transalpine. Las,
Iana Salenko et Marian Walter, initialement annoncés, ont été transférés
à l'ultime moment sur la représentation du 14/01, on espère pour de
bonnes raisons, et ce sont finalement Rebecca Bianchi, Michele Satriano
et Antonello Mastrangello qui ouvrirent le bal au Théâtre des
Champs-Élysées, respectivement en Bella, Johann et Ulrich. Rebecca
Bianchi, nominée l'an passé aux Benois de la danse, à Moscou, est une
danseuse fine, délicate, et sans doute trop subtile pour camper une
grande bourgeoise libertine. Elle danse joliment, mais doit forcer sa
personnalité, et les œillades et les déhanchés tombent un peu à plat et
virent paradoxalement au vulgaire, tant ils paraissent en décalage avec
le véritable tempérament de la ballerine. Dommage, car c'est plutôt une
nouvelle Eleonora Abbagnato qu'on aurait espéré découvrir dans un rôle
où il faut se lâcher sans complexes. Face à elle, le Johann – Batman
(les élytres de son costume de pipistrello sont franchement ridicules et
il faut avoir courage et abnégation pour monter sur scène ainsi attifé)
de Michele Satriano fait montre de davantage de présence, et sa verve
toute latine fait le reste. Mais tout de même, là où on réclame du
champagne et des bulles, on se retrouve avec un Asti pas très «spumante»
dans le verre. En l'absence d'un couple hors-normes – il ne suffit pas
ici d'être «simplement» bon, ce n'est pas sur la technique que se fait
la différence –, cette Chauve-Souris romaine peine un peu à prendre son envol.
La Chauve-souris au TCE en 1979, avec la distribution de la création
Celui qui tire finalement le mieux son épingle du jeu, c'est l'Ulrich
d'Antonello Mastrangelo, explosif factotum qui s'est fixé pour mission
de ramener à Bella son époux schizophrène et volage. C'est aussi lui qui
s'est approprié les applaudissements les plus nourris à l'issue du
spectacle. On peut penser que ce rôle a été particulièrement bien
travaillé, dans la mesure où le répétiteur de cette Chauve-Souris
était Luigi Bonino, qui, comme évoqué plus haut, avait été l'interprète
d'Ulrich lors de la création de 1979, et demeurait donc le plus
qualifié pour assurer la transmission des directives de feu Roland
Petit.
Antonello Mastrangelo (Ulrich)
On aimerait s'étendre sur quelques personnages secondaires, mais
l'exercice est périlleux en l'absence de toute mention sur la
feuille de distribution. Saluons en tous cas une soubrette ("La
Nourrice") pétulante en la personne d'Annalisa Cianci et le
maître d'hôtel gouailleur et parisien à
souhait campé par Alessandro Rende [?] – rôle pas si
négligeable que cela, puisque c'est Jean-Charles Gil qui le tint
en 1979. Reconnaissons également qu'Eleonora Abbagnato et
Benjamin Pech ont fait du bon travail pour rehausser le niveau du corps
de ballet, alors qu'avant leur prise de fonction, le Ballet de
l'Opéra de Rome passait pour une compagnie, sinon de
troisième rang, en tout cas loin derrière la Scala. Les
ensembles étaient d'une tenue correcte, et la Czardas fut
emmenée avec discipline et entrain par Giacomo Luci. Pour
l'anecdote, on notera, dans le corps de ballet, la présence de
deux «anciens» de l'Opéra de Paris, Loïck Pireaux et Mike Derrua.
Michele Satriano (Johann) et Rebecca Bianchi (Bella)
Soulignons enfin la qualité du travail de l'Orchestre Lamoureux dans la
fosse. On n'attendait pas de merveilles d'une phalange autrefois
glorieuse, mais dont la splendeur est fanée depuis des décennies, et
pourtant, la partition de Strauss a été servie avec vaillance par des
cordes très propres et homogènes. On louera la direction enlevée
de David Garforth, qui a également assuré les représentations de cette Chauve-Souris à Rome.
Romain Feist © 2017, Dansomanie
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La Chauve-Souris
Musique : Johann Strauss fils
Chorégraphie : Roland Petit
Décors : Jean-Michel Wilmotte
Costumes : Luisa Spinatelli
Lumières : Jean-Michel Désiré
Bella – Diane Le Floc'h
Johann – Ashley Whittle
Ulrich – Antonello Mastrangelo
La Nourrice – Annalisa Cianci
Une Dame (prologue) – Cristina Mirigliano
Un Officier – Alessandro Rende
Soliste Czardas – Giacomo Luci
Deux Garçons de café – Walter Maimone, Manuel Zappacosta
Ballet de l'Opéra de Rome
Petits danseurs du LAAC (Atelier d'Art Chorégraphique du TCE / Nicolas Le Riche)
Orchestre Lamoureux, dir. David Garforth
Vendredi 13 janvier 2017, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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