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Stuttgarter Ballett
26 décembre 2016 : Don Quijote (Maximiliano Guerra) au Ballet de Stuttgart
Elisa Badenes (Kitri), Adhonay Soares da Silva (Basilio)
Et Marius Petipa dans tout ça? Le seul nom de
chorégraphe apparaissant dans la distribution de ce Don Quichotte de
Stuttgart est celui de Maximiliano Guerra, danseur argentin passé au
moins comme invité dans les plus grandes compagnies du monde. Créée en
2000, reprise en 2012 dans une version modifiée, sa version de Don
Quichotte est pourtant très loin d’être une version originale, et c’est
souvent jusque dans des détails d’attitude qu’elle se conforme aux
versions les plus classiques issues de Petipa et de Gorsky : pourquoi ne
pas le mentionner?
Une version entièrement nouvelle, après tout, pourrait avoir ses charmes
aussi ; ici, Guerra se contente de faire ce que des générations de
chorégraphes ont fait avant lui : tenter de renforcer la trame narrative
et de donner au ballet une nécessité artistique qui dépasse le simple
divertissement sans prétention. Dans un décor qui évoque la typographie
du titre de la première édition du roman, on voit ainsi Cervantes,
assimilé à Don Quichotte, poursuivre sa propre Dulcinée, l’inspiration
poétique : ce détour biographique est à vrai dire un peu dérisoire,
d’autant que beaucoup de défauts qu’on déplore souvent dans les versions
plus traditionnelles subsistent, comme l’inconsistance dramatique du
prologue. Sancho Pança obtient dans tout cela un rôle un peu plus
consistant, et Louis Stiens l’interprète de façon particulièrement
touchante, mais la volonté de remettre Don Quichotte au centre du ballet
qui porte son nom, elle, ne va pas très loin, et la narration de
l’histoire centrale, celle de Basilio et de Kitri, est plus confuse qu’à
l’accoutumée. Pendant une bonne partie de la soirée, la chorégraphie
héritée de la cour des tsars apparaît terriblement affadie, et il faut
vraiment attendre l’inévitable pas de deux final pour trouver
véritablement de la grande danse : les trente-deux fouettés impeccables
d’Elisa Badenes, première soliste de la troupe, se finissent avec une
invraisemblable précision sur l’exact temps musical ; son partenaire, le
jeune Adhonay Soares da Silva, simple membre du corps de ballet mais
lauréat du prix de Lausanne en 2013, montre qu’il ne restera pas
longtemps en bas de la hiérarchie : sa grande légèreté, la précision de
ses sauts et tours, le partenariat soigné, tout cela montre que le
ballet de Stuttgart conserve son rôle de vivier de nouveaux talents.
Mais avant ce pas de deux, bien d’autres danseurs ont l’occasion de
s’exprimer, avec deux obstacles qui, hélas, se voient. Le premier
obstacle, nous en avons parlé, c’est la chorégraphie de Guerra, qui
donne par exemple bien peu de lustre à l’acte des Dryades, dansé avec
bien peu de sécurité par l’ensemble de la troupe, et le rôle
supplémentaire de Dulcinée, disjointe de Kitri, n’a pas beaucoup de sens
; le second, non communiqué au public le soir du spectacle, c’est une
série interminable de changements de distribution de dernière minute :
ce n’est pas dans ces conditions, bien sûr, que les danseurs peuvent
donner leurs meilleures qualités. Prévue en Dulcinée, Myriam Simon se
retrouve en danseuse des rues, Roman Novitzky se transforme de Gamache
en toréador, à la place de David Moore : même si tous deux s’en sortent
bien, on les a vus souvent meilleurs encore. Nul doute que le ballet de
Stuttgart réussirait à rivaliser avec bien d’autres compagnies dans un
Don Quichotte qui, à défaut d’être au cœur de son répertoire,
s’appuierait avec plus de franchise sur les versions traditionnelles ;
ce soir, entre simplismes de la chorégraphie et distribution
bouleversée, ce n’était pas vraiment le cas, hors un pas de deux
d’anthologie.
Dominique Adrian © 2016, Dansomanie
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Elisa Badenes (Kitri)
Don Quijote, Der Träumer von La Mancha (Don Quichotte, le rêveur de la Manche)
Musique : Ludwig Minkus et al., adaptation Thomas Volk
Chorégraphie : Maximiliano Guerra
Décors et costumes : Ramon B. Ivars
Lumières : Olli-Pekka Koivunen
Cervantes / Don Quichotte – Matteo Crockard-Villa
Kitri – Elisa Badenes
Basilio – Adhonay Soares da Silva
Sancho Pança – Louis Stiens
Mercédès, danseuse des rues – Myriam Simon
José-Antonio, toréador – Roman Novitzky
Dulcinée – Alicia Garcia Torronteras
Gamache – Fabio Adorisio
Lorenzo – Rolando D’Alesio
Pepa et Eva, amies de Kitri – Angelina Zuccarini, Agnes Su
La Reine des Dryades – Rocio Aleman
Le Roi des Gitans – Martí Fernandez Paixa
Stuttgarter Ballett
Württembergische Staatsorchester, dir. Wolfgang Heinz
Lundi 26 décembre 2016, Opernhaus Stuttgart
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