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Théâtre National de Chaillot
07 octobre 2016 : Volver de Jean-Claude Gallotta, au Théâtre de Chaillot (Paris)
Volver (chor. Jean-Claude Gallotta)
L'association
entre la chanteuse Olivia Ruiz et le chorégraphe Jean-Claude
Gallotta pour une co-création faisait figure
d'événement du début de saison à Chaillot
avec treize dates au programme, après sa création
à la Biennale de Lyon. La rencontre entre les deux artistes est
née en 2013, lors d'une reprise de L'Amour Sorcier
par le chorégraphe : la chanteuse tenait là le
rôle de Candelas, et sa prestation fut saluée par la
critique tant sur le plan vocal, que pour celui de
l'interprétation et de la danse. Sur la foi de cette
première, de l'habituelle implication dans ce type de projets et
de l'esprit déjanté de l'une (La Mécanique du Cœur avec Dionysos), et de l'inspiration manifestée par le second pour son spectacle My Rock autour de standards des années 70, ce Volver
laissait augurer d'une réussite probable. Malheureusement, si le
concept annoncé était celui d'une comédie
musicale, le résultat présenté en est bien plus
éloigné encore qu'un "Off-Off-Broadway".
La base du spectacle est constituée par treize chansons
tirées d'albums d'Olivia Ruiz et sélectionnées par
Jean-Claude Gallotta pour en constituer la trame musicale, laquelle
illustre une autre trame, narrative, co-écrite par son complice
Claude-Henri Buffard. Le spectacle alterne donc les chansons, y compris
les tubes comme J'traîne des pieds ou La Femme chocolat,
interprétés en micro-tête par la chanteuse
accompagnée sur le plateau par son groupe à
l'arrière scène, dans une couleur musicale plutôt
pop-rock. En alternance est racontée, en voix-off, l'histoire
d'une jeune réfugiée espagnole, élevée dans
le Sud de la France et montée à Paris. Amoureuse d'un
révolutionnaire anarchiste, elle finira chanteuse vedette de
cabaret, avant un retour dans sa terre natale, d'où le
titre Volver, qui n'a pas
de lien avec Almodovar, mais est tout simplement le titre d'une des
chansons de la bande-son. Le ton est nostalgique, voire triste,
évoquant la difficulté du temps qui passe avec une boucle
sur l'enfance, la douleur d'aimer, ou encore la souffrance de
porter une double racine sans qu'elle soit finalement
accrochée nulle part, à peine contrebalancée par
la beauté de l'exercice de transmission.
Outre un mur de toile à l'avant scène, la
scénographie utilise parfois des images vidéos,
plutôt neutres, ou des photos des républicains espagnols
en exil, voire quelques textes, plus dans le ton. Les costumes sont des
tenues classiques de danseurs contemporains, noires et anonymes, mis
à part quelques changements de robes pour le personnage
principal.
Quant à la danse, elle est portée par un couple central,
formée de la chanteuse et d'un partenaire. Celui-ci est
accompagné de quatre couples qui reproduisent des danses de
salon ou se lancent dans quelques farandoles. Introduisant une ambiance
globale de tango, résolue opportunément par la
dernière chanson Le tango du qui,
les tableaux se succèdent sur les chansons et les passages
narratifs, mais ne dépassent guère l'illustration a tempo
en toile de fond, en-dehors d'une scène où les danseurs
sautent deux par deux sur des paroles évoquant des anges. La
défaut principal de cette «comédie-musicale» tient à l'absence de personnages, à l'exception de celui, vaguement autobiographique, de
la narratrice/chanteuse. Son amoureux hidalgo est bien incarné
pendant un tiers de la pièce, mais par le danseur avec qui elle
enchaîne les pas de deux depuis le début, et qui, à
peine tué, se relève pour danser à nouveau avec
elle jusqu'à la fin. Un effet aussi surréaliste
achève de décontenancer dans le cadre de cette narration
pas-à-pas, entrecoupée de chansons dont les textes
épousent parfois bien peu les contours de l'histoire centrale,
malgré quelques transitions habiles.
Reposant essentiellement sur sa star, la partie ballet est la
moins convaincante, du fait tout d'abord d'une gestuelle
inappropriée, à base de mouvements amples et lents, dont
l'intensité est réduite au maximum pour lui permettre de
les assumer pendant qu'elle chante. Bien plus à l'aise dans ses
propres concerts, dans lesquels elle développe une gestuelle
néo-lockienne sur talons hauts (un peu à la Casse-Noisette
version Tcherniakov), elle semble bien malhabile ici, sans doute
stressée en ce deuxième soir par l'accueil de Chaillot
lors de la première qui n'a pas dû être tendre. Si
sa fragilité pourrait toucher, en particulier dans les passages
pieds nus, le partenariat, peu assorti, pose problème, du fait
de la différence de taille entre le danseur professionnel et la
novice : la souplesse du premier, pourtant immense, accentue sans cesse
la raideur de la seconde. Un court duo avec un autre danseur, à
la taille adaptée et au style plus américain,
porté par une gestuelle enjouée et complice, montre
d'ailleurs la possibilité qu'il y avait de lui
créer une partition adaptée, et, pour elle, de la
réciter, même si porter une chorégraphie de bout en
bout semblait trop ambitieux. Le seul moment d'émotion vient
à quelques minutes de la fin, avec l'interprétation
de J'traîne des pieds,
dont les paroles du couplet, réécrites à
l'imparfait, et celles du refrain, en espagnol, suggèrent la
nostalgie et la violence de l'exil. Auprès de la chanteuse,
dignement assise à côté de ses musiciens, les
danseurs apparaissant à tour de rôle dans un trait de
lumière, pour des solos furtifs aux gestes disparates mais assez
authentiques.
Difficile de parler de comédie musicale pour un spectacle sans
costumes ni décor, et surtout sans personnages ni
chorégraphie enlevée. Il reste de tout cela
essentiellement un concert, ou plutôt un tour de chant, faute de
salle et de sono adaptée à une concert de rock, et ce, en
dépit du professionnalisme du groupe. La danse est finalement la
grande perdante de cette association qui acccumule les faiblesses des
deux auteurs au lieu d'en transcender les qualités. La
sincérité du propos sur la difficulté du retour
d'exil dans un contexte post guerre civile espagnole aurait
mérité bien mieux.
Xavier Troisille © 2016, Dansomanie
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Volver
Musique : Olivia Ruiz
Chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
Textes : Olivia Ruiz, Claude-Henri Buffard
Costumes : Stéphanie Vaillant, Aïala, Anne Jonathan
Lumières : Manuel Bernard
Vidéo : Maxime Dos
Avec : Olivia Ruiz (chant, danse)
Agnès Canova, Paul Gouëllo, Ibrahim Guetissi, Georgia Ives, Fuxi Li, Lilou Niang
Gaetano Vaccaro,Thierry Verger, Béatrice Warrand (danse)
Vincent David, Martin Gamet, David Hadjadj, Frédéric Jean, Franc Marty (musiciens)
Vendredi 07 octobre 2016 , Théâtre National de Chaillot, Paris
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