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critiques et comptes rendus
Stuttgarter Ballett

22 juillet 2016 : Onéguine (John Cranko) au Ballet de Stuttgart


Sue Jin Kang (Tatiana)


Soirée internationale à Stuttgart : si les ballettomanes et critiques du monde entier étaient venus depuis le début de la semaine festivalière des 20 ans de direction de Reid Anderson, cet Onéguine est encore plus international. On entend parler anglais, russe, français, et bien sûr coréen autant qu’allemand : c’est que cette soirée constitue aussi les adieux officiels à Stuttgart de l’étoile Sue Jin Kang, membre de la troupe depuis 1986, et première soliste depuis 1997, au tout début de l’ère Anderson (on remarquera, sans entrer dans les détails, qu’il n’y a pas de retraite obligatoire à 42 ans comme à Paris : ce n’est pas l’âge qui détermine si on a le droit de danser ou non, mais les capacités, ce qui évite autant les étoiles préretraitées que les départs prématurés). Sue Jin Kang, depuis 2014, est par ailleurs chargée d’âmes, puisqu’elle dirige le Ballet National de Corée ; il était inévitable que ce lourd engagement finisse à moyen terme par entraîner son départ de Stuttgart. Le rôle qu’elle a choisi pour ses adieux, sans doute, n’est pas le plus long, ni le plus explicitement virtuose du répertoire, mais il est sans doute l’apogée créatif de Cranko, et il se termine par une scène de théâtre dansé d’une saisissante force théâtrale - le rideau tombe alors que Tatiana, ayant rejeté les repentirs d’Onéguine, parcourt la scène du fond vers l’avant-scène : on ne pourrait rêver meilleure scène finale pour 30 ans de carrière à Stuttgart que cette avancée en direction du public, ce public qui aime tant sa troupe et ses danseurs. 

Onéguine
Sue Jin Kang (Tatiana) et Jason Reilly (Onéguine)

Inutile de décrire la longue cérémonie des adieux, aussi longue qu’un des actes de ce court ballet ; la représentation qui précède aura montré que ce n’est pas parce que ses moyens auraient décliné que Sue Jin Kang se retire de la scène. Il y a, naturellement, l’aspect théâtral de l’œuvre de Cranko : c’est sans doute pour cela que Sue Jin Kang a choisi ce rôle pour ses adieux, ce rôle qui montre à quel point son identité d’artiste s’est fondue dans cet héritage qui fait la singularité du Ballet de Stuttgart, et on imagine difficilement qu’elle aurait pu s’épanouir autant à Londres ou New York. La scène finale est certainement la plus forte qu’on ait vu, grâce aussi à un partenaire, Jason Reilly, qui fait avec elle des étincelles de force théâtrale. Tant de ballets, quand ils veulent faire du théâtre, deviennent mièvres ou caricaturaux : l’émotion de Tatiana après avoir réussi à chasser Onéguine n’a rien de ces stéréotypes, c’est une émotion violente, une décharge électrique, à mille lieues des stéréotypes du féminin que les chorégraphes cultivent encore aujourd’hui avec délices.

En Onéguine, Jason Reilly n’a pas autant l’occasion de montrer ses muscles que dans d’autres rôles de son répertoire ; le rôle est donc une bonne occasion pour lui de montrer qu’il connaît aussi la subtilité, et il le fait avec une grande élégance ; inutile de dire que, en cette occasion plus qu’en toute autre, il est aux petits soins pour sa partenaire. Les autres protagonistes de la soirée sont à l’unisson, Hyo-Jung Kang, qui pourrait encore plus jouer des subtilités de son personnage entre sincérité et coquetterie, et surtout Pablo von Sternenfels, Lenski poétique et impulsif, qui rend la scène du duel particulièrement forte. Une belle soirée où on oublie presque les adieux qui vont suivre.




Dominique Adrian © 2016, Dansomanie

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Onéguine
Sue Jin Kang (Tatiana, adieux)


Onegin (Onéguine)
Musique : Kurt-Heinz Stolze d'après Piotr Ilitch Tchaïkovski
Chorégraphie : John Cranko
Décors et costumes : Jürgen Rose

Onéguine – Jason Reilly
Lenski – Pablo von Sternenfels
Madame Larina – Melinda Witham
Tatiana – Sue Jin Kang
Olga – Hyo-Jung Kang
La Nourrice – Magdalena Dziegelewska
Grémine – Roman Novitzky


Stuttgarter Ballett
Württembergische Staatsorchester, dir. James Tuggle

Vendredi 22 juillet 2016, Opernhaus Stuttgart


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