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critiques et comptes rendus
Stuttgarter Ballett

19 juillet 2016 : soirée Forsythe / Goecke / Scholz au Ballet de Stuttgart


Elisa Badenes dans The Second detail (chor. William Forsythe)


Au commencement était la musique. Ou la danse, on ne sait pas très bien (demandez à Molière). Le programme proposé par le Ballet de Stuttgart pour la première grande soirée de sa semaine festivalière pourrait être interprété sous cet angle, chacune des trois pièces au programme ayant leur propre vision de la question.

Chez Forsythe, la musique s’appelle presque toujours Thom Willems. Dans The Second detail, créée en 1991 pour le Ballet National du Canada, la danse est certainement première, ce qui est certainement une constante chez Forsythe. D’abord viennent les pas de la danse, ensuite vient éventuellement le sens : la musique de Willems refuse clairement ce rôle de vecteur du sens ; les évolutions des danseurs, leur ancrage classique et leurs déformations contemporaines, sont comme des mouvements originels, avant que vienne l’art en tant que quête du sens et de la structure. En avant-scène, un panneau porte le mot «THE», qui appelle à désigner, c’est-à-dire non pas seulement dire, mais surtout assigner une identité définie ; un danseur le renverse à la fin de la pièce, pied de nez au bel ordre du discours rationnel. Les danseurs de Stuttgart, grands solistes et membres du corps de ballet mêlés comme toujours chez Forsythe, sont ici aussi à l’aise que dans un Cranko. 


Dans la pièce de Marco Goecke, la musique de Mahler est naturellement plus présente, mais la danse est très éloignée de ce qu’on imaginerait sur cette musique. Les mouvements sont saccadés, l’atmosphère est sombre, les groupes se font et se défont : la logique du rêve, si on veut, et même, certes, d’un rêve lucide où on ne voit pas vraiment la vie en rose. Au bout d’une quinzaine de minutes, le rideau de fond de scène est escamoté pour dévoiler un spectaculaire fond de scène lumineux : l’effet est beau, mais à quoi sert-il exactement? Le choix de Goecke de ne pas suivre la grande forme et le grand geste de Mahler, mais d’y déposer des signes elliptiques qui entretiennent un rapport complexe avec la musique, n’est pas sans intérêt ; le problème est que, quelles que puissent être les qualités des danseurs, l’ensemble a un manque de concentration et de structure qui font paraître bien longues ces vingt-cinq minutes.

La Septième symphonie de Beethoven (chor. Uwe Scholz)

Uwe Scholz, bien au contraire, était réputé pour son rapport organique à la musique : sa Septième symphonie beethovénienne qui clôt ce programme inégal, créée pour Stuttgart en 1991, possède une musicalité et une fluidité très séduisante, sans pour autant se contenter de transcrire la lettre de la partition. Parfois, c’est un peu trop, comme quand, dans le troisième mouvement, les danseurs se tiennent en rond autour d’un cercle de lumière tandis que l’orchestre a une éruption percussive que la partition n’appelle pas ; et il n’y a pas, à la façon du Chant de la Terre de MacMillan, une pensée unificatrice qui donnerait son sens. Mais cette pièce ambitieuse qui mobilise pas moins de trente-deux danseurs, a du moins le mérite d’une approche diversifiée de la musique, tantôt emportée par elle, tantôt à son écoute attentive : il n’y a pas façon Balanchine, les passages attendus de corps de ballet au cordeau et de pas de deux étincelants, mais une transformation constante de l’effectif chorégraphique. L’ensemble culmine au quatrième mouvement avec le duo entre Constantine Allen et Anna Osadcenko, mais là encore c’est la qualité de l’ensemble de la troupe qui frappe plus que les individualités.



Dominique Adrian © 2016, Dansomanie

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Forsythe / Goecke / Scholz


The Second detail
Musique : Thom Willems
Chorégraphie : William Forsythe
Décor
: William Forsythe
Costumes : Yumiko Takeshima, Issey Miyake
Lumières :
William Forsythe

Avec : Alicia Amatriain, Elisa Badenes, Constantine Allen, Jason Reilly
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Lucid dream
Musique : Gustav Malher
Chorégraphie : Marco Goecke
Décors et costimes : Michaela Springer
Lumières : Udo Haberland

Avec : Agnes Su, Roman Novitzky, Robert Robinson, Adam Russell-Jones
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Siebte Sinfonie (Septième symphonie)
Musique : Ludwig van Beethoven
Chorégraphie : Uwe Scholz
Décors et costumes : Uwe Scholz, d'après  Beta Kappa de Morris Louis

Avec : Anna Osadcenko, Constantine Allen, Myriam Simon, Robert Robinson
Ami Morita, Alexander Mc Gowan, Angelina Zuccarini, Martí Fernandez Paixa




Stuttgarter Ballett
Württembergische Staatsorchester, dir . Wolfgang Heinz

Mardi 19 juillet 2016, Opernhaus Stuttgart


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