menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

25 mai 2016 : Giselle au Grand Théâtre de Bordeaux


Oksana Kucheruk (Giselle)Igor Yebra (Albrecht)


Après l’enthousiasmante nouvelle production de Kader Belarbi à Toulouse, le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux reprend pour neuf représentations sa version maison, au moment même où l’Opéra de Paris distribue ses prestigieuses étoiles dans le même ballet. On ne se plaindra pas de la profusion de Giselle à l’affiche en cette saison. Cette pièce romantique par excellence suscite toujours le même attrait, aussi bien pour le spectateur occasionnel qui veut y voir l'emblématique acte blanc, que pour le balletomane compulsif qui ne manquera pas toute nouvelle interprète de l'infortunée jeune paysanne, transfigurée en ange du pardon. Il faut ajouter que chaque danseuse rêve de pouvoir danser un jour le rôle-titre, dont le poids émotionnel se déploie en une palette de sentiments presque infinie et qui équilibre d’une manière idéale l’expression théâtrale avec la danse pure.

Ce ballet possède en outre l’avantage de pouvoir s’adapter à une compagnie de dimension moyenne d’une quarantaine de danseurs comme celle de Bordeaux (quelques danseurs supplémentaires sont cependant nécessaires, sans compter les artistes de la figuration). Charles Jude avait conçu cette version il y a près de vingt ans dès sa nomination à la tête du Ballet de Bordeaux, comprenant qu’un solide répertoire traditionnel était une condition sine que non pour inscrire la compagnie dans le paysage de la danse classique. Le pari est réussi comme en témoignent les tournées régulières, aussi bien au niveau régional qu’à l’international. 

Il faut bien dire que cette production accuse néanmoins le poids des ans. Le décor du premier acte ne dégage plus aucun charme. Les toiles peintes et les cabanes en carton-pâte paraissent bien ternes si on les compare avec les splendides transparences en feuillages de la nouvelle production toulousaine. A peine distingue-t-on derrière les faux arbres les reflets d’un lac, qui serait cependant mieux en situation dans l'acte des Wilis, puisque le garde-chasse est censé s'y noyer.

giselle
Oksana Kucheruk (Giselle)Igor Yebra (Albrecht)

L’arrivée de la chasse des grands seigneurs n’en reste pas moins réjouissante, avec son cérémonial et ses trophées. Elle est conduite par un magnifique lévrier qui traverse fièrement la scène, de jardin à cour, sans bouger une oreille. Par ailleurs, l'animation des ensembles et le sens de l'occupation de la scène dont font preuve les danseurs équilibrent avantageusement la fadeur des décors. On sent que Charles Jude, de même que les maîtres de ballet Aurélia Schaefer et Eric Quilleré, ont veillé à imprimer le plus de rigueur possible dans les danses d'ensembles. Et aussi bien les vendangeurs que les Wilis présentent des alignements sans aucun défaut.

On aurait souhaité davantage d'audace du côté des distributions qui ne nous proposent que du très connu. Pourquoi ne pas avoir laissé sa chance, par exemple à un Neven Ritmanic dans le rôle de Loys, alors qu'il était prévu comme remplaçant? Il est vrai que celui-ci ne se présente pas dans sa meilleure forme dans le pas de six (faut-il incriminer les enchaînements resserrés des représentations?). Igor Yebra, danseur étoile de grand style, après avoir fait les beaux jours de la compagnie est à présent soliste invité, auprès de sa partenaire d'élection Oksana Kucheruk. S'il n'a plus les dispositions physique pour assurer un grand rôle technique (ses variations sont simplifiées), il compense par une connaissance parfaite des enjeux dramatiques. Duc déguisé en paysan, jouant de manière inconséquente avec Giselle, il se trouble quand il reconnaît entre ses mains le collier de sa fiancée Bathilde, manifestant dès lors de plus en plus de désarroi jusqu'à la mort de la fragile héroïne.

giselle
Oksana Kucheruk (Giselle)Igor Yebra (Albrecht)

Oksana Kucheruk en Giselle ne cherche pas à surjouer quelque adolescente attardée. Très féminine au contraire dans le premier acte, y compris dans la scène de folie, elle apparaît toute différente ensuite en douce créature surnaturelle, aux déplacements fantomatiques. C'est dans le deuxième acte que sa technique trouve par ailleurs le mieux à s'employer. Sa cambrure de pied délicieuse donne une expression toute particulière à ses arabesques, et ses jeux de bras font merveille.

Mika Yoneyama est une solide Myrtha, froide et inflexible comme il se doit. Mais c'est l'Hilarion de Alvaro Rodriguez Pinera qui brûle les planches grâce à une interprétation très fouillée. Regard noir, expression constamment lisible et juste, pantomime précise, sa grande scène au deuxième acte nous tient en haleine.

giselle
Igor Yebra (Albrecht)Oksana Kucheruk (Giselle)

S'il faut louer la technique fine et précise de Diane Le Floc'h et Marina Guizien en demi-solistes, on remarque aussi parmi les rôles mimés l'excellent écuyer Wilfred de Kase Craig. Davantage qu'un porteur de cape, il devient ici un véritable interlocuteur pour le duc Albert.

C'est le très jeune chef Pierre Dumoussaud qui fait ses premières armes pour dans la fosse d'un ballet. Il dirige l'Orchestre National de Bordeaux Aquitaine avec un sens des contrastes bienvenu.





Jean-Marc Jacquin © 2016, Dansomanie

Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 



giselle
Oksana Kucheruk (Giselle)Igor Yebra (Albrecht)



Giselle
Musique : Adolphe Adam
Chorégraphie : Charles Jude, d'après Jules Perrot et Jean Coralli
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr

Giselle – Oksana Kucheruk
Albrecht – Igor Yebra
Hilarion – Alvaro Rodriguez Pinera
Myrtha – Mika Yoneyama
WilfriedCase Craig
Le Prince de CourlandePierre Devaux
La Mère – Lolita Lequellec
Bathilde – Nicole Muratov
Deux amis –  Ashley Whittle, Neven Ritmanic
Deux Wilis – Diane Le Floc'h, Marina Guizien
Six amies –  Diane Le Floc'h, Claire Teisseyre, Marina Kudryashova
Marina Guizien, Aline Bellardi, Emilie Cerruti

Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir.  Pierre Dumoussaud

Mercredi 25 mai 2016 (15h00),  Grand Théâtre de Bordeaux


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page