Love, Fear, Loss – Ricardo AMARANTE
Durée : 15 min
Musique : La vie en rose, Edith Piaf ; Hymne à l’amour, Edith Piaf ; Ne me quitte
pas, Jacques Brel ; Mon Dieu, Charles Dumont
Danseurs : Kazbek Akhmedyarov, Ernest Boada, David Jonasthan, Nancy Osbaldeston, Ana Quaresma, Tatyana Ten
Pianiste : Nataliya Chepurenko
Après avoir étudié au Brésil, à l’Escuela
Nacional de Ballet de Cuba et à l’English National Ballet School en
Grande-Bretagne, Ricardo Amarante débute sa carrière au Jeune Ballet de
France en 1999. Il est actuellement soliste au Ballet royal de Flandre.
Riche de son expérience de danseur, Ricardo a commencé la chorégraphie
en Belgique et a déjà créé pour plusieurs compagnies et écoles
professionnelles.
Oui – Yvon DEMOL
Durée : 16 min
Musique : Grande sarabande pour cordes et basse continue, Georg Friedrich Haendel ; Trio n°2 en Mi bémol majeur, Franz Schubert
Danseurs : Alexandre Gasse, Aubane Philbert, Daniel Stokes, Jennifer Visocchi
Formé dès l’âge de 9 ans à l’Ecole de danse de
l’Opéra national de Paris, Yvon Demol est engagé dans le corps de
ballet de l’Opéra en 2007, puis est promu coryphée en 2008. Il
interprète depuis lors les grands ouvrages du répertoire classique ainsi
que les œuvres des chorégraphes actuels. Il crée ses premières
chorégraphies en 2014 au sein de la Compagnie «Incidence
Chorégraphique» que dirige Bruno Bouché. En 2015, il chorégraphie pour
la soirée Musique et Danse de l’Opéra national de Paris.
Prince – Martin HARRIAGUE
Durée : 15 min
Musique : La Belle au bois dormant (extraits), Piotr Ilitch Tchaïkovski
Danseurs : Shani Cohen, Frida Dam Seidel, Megan Doheny, Niv Elbaz, Nadav Gal, Jin Hwan Seok
Costumes : Mieke Kockelkorn
Martin Harriague commence la danse classique et
contemporaine à 19 ans à l’école de danse de Jean-Marc et Michèle
Marquerol à Bayonne, puis débute sa carrière au Ballet Biarritz Junior à
San Sebastián. Il intègre ensuite le Ballet national de Marseille en
2008 avant de rejoindre la Noord Nederlandse Dans aux Pays-Bas en 2010.
Depuis 2013, il danse et chorégraphie au Kibbutz Contemporary Dance
Company en Israël.
The Cooking Show – Olaf KOLLMANNSPERGER
Durée : 15 min
Musique : Alberto
Iglesias, Nat King Cole ft. Natalie Cole, Ben Sa Tumba & son
orchestra and Ipelegeng Experimental Group, Master Drummers of Africa
Danseurs : Daria Chudjakowa, Seung Hyun Lee, Frederico Spallitta
Assistante lumières et costumes : Dario Chudjakowa
Formé au Real Conservatorio Profesional de Danza
de Madrid, Olaf Kollmannsperger débute sa carrière de danseur à Europa
Danse en 2003. Engagé au Royal Swedish Ballet en 2005, puis au Zürich
Ballet en 2010, il est depuis 2014, soliste au Staatsballett Berlin. Il a
interprété des rôles du répertoire classique et de chorégraphes contemporains. Il commence à chorégraphier en 2005.
Moving Resonance – Vitali SAFRONKINE
Durée : 15 min
Musique : David Lang / Max Richter
Danseurs : Hugo Layer, Cosima Muños, Iker Murillo, Virginia Negri, Marsha Rodriguez
Formé à la Rudolf Nureyev Ballet School, Vitali
Safronkine quitte son pays natal à l’âge de 15 ans pour se perfectionner
à la Swiss Professional Ballet School à Zürich. Finaliste du Prix de
Lausanne en 2002, il est primé la même année en Ukraine à
l’International Kiev Ballet Competition. Sa carrière professionnelle
débute en 2002 au Zürich Ballet où il devient soliste. Il rejoint le
Ballet Basel en 2011, puis le Béjart Ballet Lausanne en 2012. Il débute
la chorégraphie en 2009 et a déjà créé plusieurs chorégraphies pour
diverses compagnies et écoles européennes.
To be continued – Xenia WIEST
Durée : 15 min
Musique : Patrick Soluri
Danseurs : Paul Busch, Weronika Frodyma, Arman Grigoryan, Maria Teresa Molina, Sayo Shiba, Michael Wagley
Assistant de Xenia : Fabien Palombo
Costumes : Melanie Jane Frost
Issue d’une famille de musiciens, après avoir
reçu un enseignement musical, Xenia Wiest débute la danse à l’âge de 13
ans à l’Académie de danse de Braunschweig en Allemagne. Diplômée en 2003
de la John Cranko Balletschule à Stuttgart, elle est engagée au
Deutsche Oper Berlin, tout en étant soliste invitée au Théâtre de
Görlitz. Elle a interprété des rôles du répertoire classique et de
chorégraphes contemporains. Depuis 2004, elle danse au Staastballett
Berlin et commence à chorégraphier en 2005.

Résultats de la compétition :
Premier prix
:
Xenia Wiest, To be continued
Création pour le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux (mars 2017)
Deuxième prix
:
Martin Harriague, Prince
Création pour le Centre Chorégraphique National de Biarritz
(Malandain Ballet)
Prix des professionnels de la danse
et Prix du public
:
Martin Harriague, Prince
Prix de la Fondation de la danse
:
Ricardo Amarante, Love, Fear, Loss

Compte-rendu de la finale :
Le Pôle de Coopération
Chorégraphique du grand Sud-Ouest, mené par le Ballet de l’Opéra
National de Bordeaux et le Malandain Ballet Biarritz, a lancé la
première édition du Concours de Jeunes Chorégraphes. Ce concours a
pour vocation de promouvoir la danse classique dans son expression
contemporaine. C’est à un jury réunissant les fers-de-lance du
vocabulaire académique (Hélène Trailine, Kader Berlarbi, Ivan
Cavallari, Charles Jude et Thierry Malandain) que revient la tâche
de récompenser deux lauréats lors d’une finale organisée à la
Gare du Midi. Une résidence d’un mois au Ballet de l’Opéra de
Bordeaux ou au Malandain Ballet Biarritz est mise en jeu afin de
créer une pièce classique / néo-classique.
Mais de nos jours,
qu’est-ce que la danse classique / néoclassique? A l’annonce
des lauréats du concours, cette question a soulevé de nombreux débats. C’est
lors de la finale que six chorégraphes, tous âgés de moins de 35
ans, sont venus présenter leurs éléments de réponse.
Ricardo Amarante
se pose en véritable défenseur du vocabulaire académique. Au
travers de trois pas de deux illustrant la vie d’Edith Piaf, il
expose un travail sur pointes complet. Desservis par une
interprétation au piano monotone et des danseurs en deçà de leurs
possibilités, les trois duos se ressemblent et illustrent
difficilement l’évolution recherchée par le chorégraphe. La
maîtrise chorégraphique reste tout de même de haut niveau, avec des
portés complexes et une musicalité très vive. Pour les amateurs
d’arabesques et de grands jetés, Ricardo Amarante est un jeune
chorégraphe à suivre.

Love, Fear, Loss (Ricardo Amarante)
Yvon Demol
présente un travail manquant encore de maturité. C’est un des finalistes
les moins expérimentés et cela se ressent. Les pistes sont
intéressantes, mais le propos reste flou et la direction aléatoire.
La Grande Sarabande de Haendel et le Trio en Mi bémol D. 929 de Schubert se
succèdent sans former un tout. Difficile d’assembler deux œuvres
majeures. C’est l’interprétation des danseurs de l’Opéra de
Paris l’accompagnant qui relève la pièce en montrant une grande
aisance sur scène. Les lignes restent belles et le plaisir de
découvrir cet essai reste intact. On attend la suite.
Oui (Yvon Demol)
Martin Harriague
s’affranchit des règles pour surprendre et interroger. Il présente
un travail beaucoup plus contemporain. Il sort du cadre du concours
et frôle le hors-sujet. Son prince est obscène et choque. Ses
danseurs sont aliénés et courent. Seul un entretien avec le
chorégraphe (retranscrit à la suite de ce compte rendu) permet de
comprendre clairement l’intention. Entre un costume masquant les
mouvements et des mouvements masquant le propos, difficile de
défendre l’esthétique classique / néo-classique, et cela malgré
la partition de Tchaïkovski.
Prince (Martin Arriague)
Vitali Safronkine
chorégraphie un ballet néo-classique très conventionnel. Les
mouvements sont soignés, les placements précis et la
chorégraphie rythmée. Tout est réglé pour proposer une
belle pièce chorégraphique. Mais il semble manquer un élément :
sans doute la prise de risque. Il n’en reste pas moins la mise en
valeur d’excellents danseurs, qui permet à cette création de vivre,
mais cela sans réelle originalité.
To Be Continued (Xenia Wiest)
Xenia Wiest est
maître de sa création. Elle sait ce qu’elle veut et peut diriger
ses danseurs où elle le souhaite. Elle n’a pas limité sa pièce à
une création chorégraphique, mais a travaillé toute la
scénographie : lumière, costumes, espace, rythme. Tout est
merveilleusement maîtrisé dans un ensemble très graphique. Son
vocabulaire est varié : résolument de source classique, mais
revisité. Quinze minutes et six danseurs sont une limite pour
illustrer ce cercle sans fin, mais Xenia Wiest a la capacité de ses
ambitions. C’est maintenant aux théâtres de lui en donner les
moyens.
The Cooking show (Olaf Kollmannsperger)
Olaf Kollmannsperger
innove en nous plongeant dans l’intimité d’une brigade culinaire. Ses
danseurs nous racontent des histoires avec une théâtralité
nouvelle, dont seule la création allemande semble avoir le secret. Le
pas de deux entre un cuisinier et de la pâte à pain est une totale
réussite. Faire danser une carcasse de poulet cerclée de tulle ou
encore exploiter un grand drapé avec une boule de pâte, voilà une
expression contemporaine de la danse classique.
Le premier Prix a été
remporté par Xenia Wiest qui devrait trouver dans le Ballet de
l’Opéra de Bordeaux un beau moyen d’expression. Sa création
intégrera sûrement une nouvelle soirée «Quatre tendances»
qui devrait être présente dans la prochaine saison bordelaise.
C’est Martin Harriague qui a remporté le second prix et la
résidence au Malandain Ballet Biarritz, mais également le prix des
professionnels et le prix du public, clairement conquis
par l’enfant du pays. Riccardo Amarante se voit récompensé par le
prix de la Fondation de la Danse.
Comme lors de toute
sélection, les opinions divergeaient et tous les spectateurs n’étaient pas en
accord avec les choix exprimés, mais l’organisation de ce concours
a fait l’unanimité. L’initiative est saluée et a permis de
faire découvrir des personnalités très variées. Le rendez-vous
est pris pour 2018.
Le point de vue de Thierry Malandain et des candidats :
Thierry Malandain
C’est la première
édition du Concours de Jeunes Chorégraphes de Biarritz. Quelle est
l’origine de ce concours?
A
la base, il y a ce
qu’on appelle le Pôle de Coopération
Chorégraphique du grand
Sud-Ouest. L’idée était de réunir les trois
ballets du Sud-Ouest : Toulouse, Bordeaux et Biarritz. Ensemble,
nous
réunissons près de cent danseurs permanents, ce qui est
énorme.
Dans un premier temps, nous avions réuni les trois compagnies le
temps d’une représentation. Il y avait beaucoup de
danseurs sur
scène, c’était un moment très fort. On a
alors décidé de se
réunir. Ceci a permis par exemple des échanges entre
Charles et
Kader : Charles a présenté Coppélia à Toulouse et Kader La
Reine Morte à Bordeaux. Cela permet d’entretenir des relations que
nous n’avons pas nécessairement. Dans un second temps, nous avons
décidé de lancer ce concours sur la base d’un constat récurrent :
il n’y a pas vraiment de relève en danse néo-classique, ou du moins
de chorégraphes qui utilisent le langage néo-classique. On a donc eu
cette idée un peu folle. Je ne savais pas ce que ça allait donner.
Plutôt que de donner un prix, nous avons décidé que les lauréats
disposeraient d’une résidence pour créer un ballet à Bordeaux ou
à Biarritz. Au départ, il devait également y avoir Toulouse, mais
le directeur du Théâtre du Capitole n’a pas accepté. Kader a été
obligé de se désengager, mais nous avons tout de même pu l’inclure
dans le projet en l’intégrant dans le jury du concours.
Un chorégraphe va
donc créer une œuvre pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux et
l’autre pour le Malandain Ballet Biarritz. Comment vous
partagez-vous ces deux lauréats?
Xenia Wiest va créer une
chorégraphie pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux et nous
prenons Martin Harriague. Xenia travaille plutôt sur pointes, ce qui
est le cas du ballet de Bordeaux. Dès les éliminatoires, Charles
avait beaucoup aimé Xenia. Le hasard a magnifiquement fait les
choses. Nous avons chacun donné des notes et, à la moyenne, c’est
elle qui est arrivée en premier. C’est Martin qui est arrivé en
second.
Avec Martin, c’est une
histoire un peu spéciale. Je n’ai rien à cacher, je vais tout
dire. Martin est natif d’ici et faisait des études de médecine.
Mais, il y a une quinzaine d’années, il m’a téléphoné. Il
avait vu un de nos spectacles et d’un coup, il était bouleversé,
il voulait devenir danseur ; il avait 19 ans. Son père avait
permis qu’il arrête ses études pendant un an afin qu’il étudie
la danse et puisse faire son choix au bout d’un an. On l’a envoyé
prendre des cours à Bayonne avec un garçon de l’Opéra qui
donnait des cours. Il a travaillé tous les jours et, deux ans après,
il a intégré le Ballet Biarritz Junior qui existe toujours mais
s’est transformé (ndrl : maintenant indépendant sous
l’appellation de Dantzaz Konpainia à San Sebastián). Il a ensuite
été engagé au Ballet de Marseille par Flamand. Puis ensuite
par d’autres compagnies. En ce moment, il est en Israël depuis 3-4 ans
(ndrl : à la Kibbutz Contemporary Dance Company). Je savais
qu’il faisait de la chorégraphie, mais je n’avais jamais vu son
travail de chorégraphe. Quand il a transmis son dossier, cela ne
correspondait pas vraiment à l’esthétique du concours, qui était
plutôt classique. Mais j’ai trouvé le solo qu’il a envoyé très
bien. Alors, comme pour tous les candidats avec lesquels j’hésitais,
je suis allé voir sur Internet tout ce qu’il avait fait. Dans
chaque chose, il y avait une personnalité, un début, une fin, un
propos. J’étais très séduit et très ravi pour lui parce que je
le connaissais comme personne, mais pas comme chorégraphe. Il n’est pas tellement
dans le registre du concours mais il est dans la veine de Naharin, de
Mats Ek. Je me suis alors dit, pourquoi n’y aurait-il pas un
représentant de cette tendance-là? Le hasard a fait les choses
divinement.
Il était imposé une
esthétique classique / néo-classique et finalement un seul travail
sur pointes a été proposé. Vous y attendiez-vous?
Oui, parce que l’enjeu
était de prendre des chorégraphes qui, à partir du langage
classique, créent. Pour moi, c’est très représentatif du paysage.
Amarante travaille exclusivement sur pointes : il y a des gens
qui aiment cela et il y a des chorégraphes qui, à partir de ce
langage, explorent d’autres univers. Je pense que le travail
présenté ce soir est représentatif des possibles. Et surtout,
l’important de ce concours est d’être une vitrine pour les
chorégraphes qui travaillent comme ça. Cela leur permet de venir
présenter leur travail. Car il est vrai qu’il y a une pénurie ;
une pénurie en France, mais pas en Europe. Je pense que ce concours
peut donner des vocations et montrer que finalement, il y a un
possible. Les six finalistes ont tous présenté quelque chose de
neuf et prenaient des risques. C’était varié et de qualité. J’en
suis très content.
De nombreux
chorégraphes ont-ils répondu présent? Quel était le niveau
des candidatures?
Il y a des gens qui
s’étaient trompés de concours, des gens vraiment contemporains.
Parmi eux, il y en avait un vraiment très intéressant, mais dans le
cadre de ce concours, ce n’était pas possible. On a eu trente-deux
candidatures, dont beaucoup étrangères. Ce n’est pas beaucoup, je
pensais qu’on en aurait plus. On a eu des échos de chorégraphes
qui finalement étaient embêtés par l’enjeu du prix, à savoir
une création à Bordeaux ou Biarritz. Beaucoup auraient préféré
un prix en argent. C’était également compliqué pour les
chorégraphes de se libérer. Par exemple, Nacho Duato a accepté
volontiers : on lui a pris Olaf et Xenia qui viennent tous deux
de sa compagnie, ainsi que les danseurs qui les entouraient. D’un
coup, on a monopolisé dix danseurs du Staatsballett Berlin. Ils
n’avaient pas de représentation aujourd’hui, donc ça a pu
fonctionner. Et pour un chorégraphe qui est également danseur,
venir chez nous pendant quatre semaines pour assurer une résidence,
c’est compliqué. Le concours, on va le continuer. Mais je ne sais
pas si on va le continuer sur ce mode-là, avec une création à
Bordeaux ou Biarritz pour les lauréats. Cela pourrait déboucher sur
autre chose. On a également eu du mal à constituer le jury, bien
que l’on s’y soit pris six mois à l’avance. Par exemple, Maillot
n’a pas pu participer, car il avait une première dans deux jours.
Mais il a dit que dans deux ans, il réserve et vient à Biarritz.
Beaucoup de gens nous ont dit ça. Je me suis dit que ce concours
pourrait devenir un rendez-vous. Pour les chorégraphes, mais aussi
pour les danseurs. Ce soir, il y a des danseurs de Düsseldorf, de
Leipzig. Ils n’ont rien à faire ici, mais sont venus par curiosité.
Si à Biarritz nous pouvons amener ça en plus, cela sera une
réussite.
Love, Fear, Loss (Ricardo Amarante)
Ricardo Amarante
Après
avoir étudié au Brésil, à l’Escuela Nacional de Ballet de Cuba
et à l’English National Ballet School et être passé par le Jeune
Ballet de France, Ricardo Amarante est soliste au Ballet royal de
Flandre.
Pouvez-vous nous
parler de votre ballet Love, Fear, Loss? Comment la vie d’Edith
Piaf vous a-t-elle inspiré?
J’ai commencé ma
carrière professionnelle en France en 1999 au Jeune Ballet de
France. On faisait beaucoup de spectacles avec des chansons
françaises. Parmi toutes ces chansons, il y en avait beaucoup
d’Edith Piaf. C’est là où j’ai vraiment pris en amour la
chanson française. Après quelques années, quand j’ai commencé à
développer mes chorégraphies, j’ai tout de suite eu l’envie de
faire un ballet avec des chansons françaises et, en particulier, sur
des chansons d’Edith Piaf. Ce sont mes chansons préférées. Son
histoire m’a vraiment inspiré et j’ai décidé de faire un
ballet sur sa vie et sur ses chansons. En écoutant toute sa
discographie, j’ai perçu qu’à ses débuts elle chantait
l’amour, l’amour et l’amour. Ensuite, avec l’évolution de
son mariage, elle a chanté Ne me quitte pas en évoquant les
problèmes dans sa relation amoureuse. Après, malheureusement, avec
la mort de son mari, elle a chanté Mon Dieu, qui, pour moi, est
une de ses plus belles chansons. Sa vie est finalement la vie de tout le
monde : l’amour, la peur, la peur de devoir quitter, et ensuite
la perte avec la mort d’un être cher. C’est sur cette base que
j’ai créé ces trois pas de deux.
Vous avez été le
seul ce soir à présenter un travail sur pointes. C’est un
vocabulaire auquel vous attachez une importance particulière?
Oui, la majorité de mes
ballets sont créés sur pointes. J’ai un vocabulaire très
classique / néo-classique. Bien sûr, j’aime parfois utiliser un
vocabulaire plus moderne, mais c’est dans le classique que je
m’exprime le mieux. J’avais déjà chorégraphié ce ballet il y
a quelques années et il avait bien fonctionné. C’était le ballet
le plus néo-classique que j’avais et, de plus, avec des chansons
françaises. C’est donc pour cela que je l’ai retravaillé et
présenté à ce concours.
Vous avez également
fait le choix d’avoir une pianiste sur scène?
Oui, je trouve que ça
aide beaucoup. La musique live donne beaucoup plus d’émotion et
d’intensité. J’ai eu le plaisir de travailler avec Natalia.
C’est une très bonne pianiste. On a adapté ensemble la partition
pour qu’elle s’adapte aux pas de deux. Je crois que ce travail
apporte un plus au ballet.
Comment en êtes-vous
venu à participer à ce concours?
Un jour, sur Internet, je
suis tombé sur le site de ce concours pour chorégraphes classiques
et néo-classiques. Je me suis dit que c’était tout à fait pour
moi, tous mes ballets sont sur pointes. Il n’y a pas beaucoup de
concours comme celui-ci en ce moment. Habituellement, les concours de
chorégraphies sont axés vers le contemporain, vers le moderne.
C’était une chance, surtout en France. J’ai tenté ma chance et
j’ai été retenu parmi les finalistes. J’en suis très content.
A l’avenir,
comptez-vous persévérer dans la chorégraphie?
Oui, je l’espère,
c’est mon rêve de continuer à créer. J’ai déjà des commandes
pour les années à venir. Par exemple au Kazakhstan, en Australie...
J’espère que ce concours m’a ouvert des portes. J’ai besoin de
monter mon travail en France. J’ai fait des choses en Belgique, en
Allemagne, en Russie, au Brésil. J’espère maintenant pouvoir
continuer à travailler et montrer mon travail un peu partout.
Oui (Yvon Demol)
Yvon Demol
Formé
à l’Ecole de danse de l’Opéra National de Paris, Yvon Demol est
coryphée à l’Opéra de Paris.
Vous avez présenté à
ce concours le ballet Oui. Pouvez-vous nous
parler de cette création?
A la base, ce sont deux
parties que j’avais déjà créées l’an dernier et il y a deux
ans. Je les ai remaniées et assemblées pour ce concours. Il n’y a
absolument pas de narration. C’est uniquement basé sur deux
partitions qui m’obsèdent depuis très longtemps. J’ai voulu
évoquer les rapports domination / soumission entre les gens, la
façon dont ils évoluent et peuvent s’inverser.
Quelles ont été vos
motivations pour participer à ce concours?
Je débute, cela fait
deux ans que je chorégraphie. Ce concours pour les jeunes
chorégraphes émergents qui utilisent le langage classique et
néo-classique, je me suis dit que ça me correspondait. Sans me
demander si cela allait fonctionner, je me suis inscrit, le dernier
jour, et je ne regrette pas de l’avoir fait. J’ai eu tellement de
compliments et de bons retours que je me dis que j’ai bien fait de le
faire.
Vous souhaitez donc
préserver la chorégraphie en parallèle de votre carrière de
danseur?
Oui, j’ai vraiment
envie de continuer et j’espère avoir les moyens de le faire. J’ai
la chance de participer aux spectacles de Bruno Bouché avec Incidence
Chorégraphique. Mais, sorti de ce cadre, c’est compliqué de
trouver des dates. Je suis content d’être là, ça s’est très
bien passé. Même si je n’ai pas gagné de prix, c’est déjà une
victoire pour moi. C’est un début.

Prince (Martin Arriague)
Martin Harriague
Arrivé
tard dans le monde de la danse, Martin Harriague est passé par le
Ballet Biarritz Junior, le Ballet National de Marseille et le Noord
Nederlandse Dans avant d’intégrer le Kibbuts Contemporary Dance
Company où il danse et chorégraphie.
En lisant la
présentation de votre ballet, on imagine une relecture moderne du
Prince charmant avec un prince tourmenté. Finalement vous avez
décidé d’aller beaucoup plus loin?
Au départ, c’est une
pièce d’une heure qui parle de la vie de Tchaïkovski et la vie de
Tchaïkovski a été très tourmentée. Mais le ballet pose également
des questions sur l’identité sexuelle, des sujets que l’on
n’aborde pas dans la danse classique. C’était l’idée de la
pièce d’une heure et de l’extrait que j’ai choisi. L’idée
était d’aborder ce principe d’une manière plus moderne et de se
questionner sur cela, de sortir des clichés. L’idée de ce
concours, que je trouve fantastique, est de se poser la question :
«Comment faire revivre la danse classique?»,
«Comment donner de l’espoir à cette danse classique qui
disparait petit à petit?». L’idée est de poser des
questions d’actualité : l’identité sexuelle,
l’homosexualité… Habituellement, dans la danse, on a un prince,
un bel homme ; une princesse, une belle femme, de très belles
jambes. Et là, on a un prince transgenre, qui est gros, qui n’est
pas forcément beau et qui en plus se fait castrer sur scène. L’idée
est que le public puisse se poser ces questions de société.
Pourquoi ne pas avoir un message social et politique?
L’objectif de ce
concours était de moderniser l’esthétique de la danse classique /
néo-classique. Vous avez choisi de moderniser le classique, non pas
au travers de son vocabulaire, mais au travers d'une de ses figures
récurrentes, le prince?
Je pense que le
vocabulaire y est quand même. On a utilisé un langage classique
qui, bien sûr, a été déstructuré. Mais, en effet, on a plus joué
sur la carte du thème et de la musique. La Belle au bois dormant
est une musique connue. Là, c’est une tout autre interprétation
qui n’a rien à voir avec le ballet original. Pour moi c’est très
important de sensibiliser, et surtout les plus jeunes, à la musique
classique. Tchaïkovski est un patrimoine de la musique classique qui
est aussi un peu mis aux oubliettes avec toute cette pop musique et
tous ces clips qui sont au final très vulgaires.
Qu’est-ce qui vous a
motivé pour participer à ce concours?
J’ai travaillé au
Ballet Biarritz junior avant que ça devienne Dantzaz. C’est là-bas
que j’ai rencontré Adriana, la directrice artistique. Je l’ai
rencontrée l’année dernière et elle m’a dit «Il y a ce
concours, il faut que tu te présentes». J’ai dit que
c’était un concours classique / néo-classique, que je n’y avais
pas ma place. Mais elle a insisté et j’ai envoyé ma candidature.
Ma sélection a été une grande surprise car mon travail se détache
beaucoup des autres : il n’y a pas de travail sur pointes, les
danseurs n’ont même pas de chaussons. C’est donc initialement
sur le conseil d’une amie, plus qu’une réelle envie. J’avais
beaucoup de crainte.
Ce n’est pas votre
première expérience. Vous avez déjà beaucoup chorégraphié, non?
Tout à fait. J’ai créé
une pièce d’une heure pour le Kibbutz. L’année
prochaine je crée pour le Scapino Ballet à Rotterdam. C’est un
conseil d’Itzik Galili qui m’a dit qu’il fallait créer
beaucoup pour faire beaucoup d’erreurs et peut-être qu’un jour,
avec un peu de chance, percer.
Maintenant vous avez
un nouveau projet avec le Malandain Ballet Biarritz : une
résidence d’un mois et vingt danseurs pour une nouvelle création.
Qu’avez-vous en tête?
Je ne m’attendais pas
du tout à ça, je n’ai vraiment pas pensé à cette possibilité.
C’est une vraie surprise. Il va d’abord falloir que je redescende
sur terre parce que, au-delà des prix, j’ai revu ma famille qui
était dans le public, qui m’a vu cette fois en tant que
chorégraphe et non danseur. Des amis aussi qui étaient là. Mes
danseurs sont aussi très surpris parce qu’eux aussi se demandaient
ce qu’ils faisaient ici. Tout le monde est sur pointes, mais pas
eux. Donc d’abord, il faut redescendre sur terre et ensuite on va
réfléchir. Le Malandain Ballet Biarritz est composé de danseurs
qui n’ont pas la même technique que les danseurs avec qui je
travaille. Ça va être une approche différente. Il va falloir que
je sois prudent et en même temps ne pas avoir peur de prendre des
risques. Thierry Malandain m’offre une belle porte, mais il faut
être prudent, ne pas parler trop vite. C’est ce que l’on m’a
toujours conseillé : prendre son temps et être honnête.
Vous vous dévouez
énormément à la chorégraphie. Continuez-vous à danser en
parallèle?
Je suis toujours danseur,
mais au bout d’un moment, il va falloir arrêter car cela prend
beaucoup de temps et d’énergie de chorégraphier. J’ai de la
chance d’avoir un directeur au Kibbutz, Rami Be’er, qui me laisse
partir tant que ça n’interfère pas avec ses productions. Mais à
un moment, il va falloir passer de l’autre côté.
Thierry Malandain a
évoqué votre parcours atypique. Pouvez-vous nous en dire plus?
J’ai une petite
anecdote avec Thierry Malandain. Quand j’ai voulu commencer la
danse, mon père m’a dit d’appeler Thierry Malandain. Ne sachant
pas qui c’était, je lui ai écrit un mail et avec surprise, il m’a
répondu. Très gentiment, il m’a dit que si je voulais être
danseur il allait falloir travailler dur. «Je te donne le
contact d’un ami à Bayonne avec qui j’ai travaillé à l’Opéra
de Paris, il va te former. Après, il va falloir que tu travailles
dur. Bon vent!». C’est pour cela que c’est une
ironie du sort de se retrouver ici et de chorégraphier pour ses
danseurs.
Vous parlez de
travailler dur pour être danseur. Mais pour être chorégraphe,
quelle est l’importance de la formation?
Je pense que la formation
se fait sur le terrain. La poésie, ça ne s’apprend pas, il n’y a
pas de formation pour être poète. On peut apprendre à lire et à
écrire mais pour faire des vers et les faire bien, il faut
pratiquer. C’est aussi pour la chorégraphie : créer, créer,
créer et faire beaucoup d’erreurs. Il est important de rester
honnête et de ne pas tomber dans la facilité en faisant ce qui est
à la mode et qui va forcément fonctionner. Il faut avoir une vision
artistique claire. Cela prend du temps de définir cette vision et le
langage qui permettra de la mettre en œuvre. Les concours comme
celui-ci sont de très belles initiatives et de belles opportunités.
Cela encourage la jeune génération à prendre des risques.
Ce travail se voit
récompensé ce soir. Que ressentez-vous?
Je pense que ce qui est
en train de se passer est formidable. Ces trois prix sont une belle
reconnaissance. J’ai 30 ans dans deux jours. C’est un super
cadeau de la part de Thierry Malandain et de son équipe mais aussi
du jury et du public. Peut-être qu’un jour je pourrai apporter ma
contribution dans ce monde qui est assez sombre et rude. J’espère
qu’un jour je pourrai avoir les même capacités que Thierry
Malandain, avoir cette capacité à rendre le monde un peu plus beau
et plein d’espoir.

The Cooking show (Olaf Kollmannsperger)
Olaf Kollmannsperger
Formé
en Real Conservatorio Profesional de Danza de Madrid puis danseur à
Europa Danse, au Royal Swedish Ballet et au Zürich Ballet ;
Olaf Kollmannsperger est maintenant soliste au Staatsballett Berlin.
Vous avez présenté
ce soir une pièce intitulée The Cooking show.
Pouvez-vous nous parler de cette création?
Mon ballet parle de
nourriture et de cuisine. Je pense que l’inspiration pour ce ballet
m’est venue quand j’avais très faim. Et là j’ai dit à ma
femme (ndrl : également chorégraphe et danseuse au
Staatsballett Berlin) que nous devrions faire un ballet sur la
cuisine. Elle a raccroché le téléphone en me disant que j’étais
fou. Dix minutes plus tard, elle m’a rappelé en disant qu’elle
avait beaucoup d’idées et qu’il fallait faire de la cuisine un
spectacle. J’ai donc commencé à faire des recherches sur les
grands restaurants. Nous y sommes allés et voir les cuisiniers était
tout un spectacle. Préparer les assiettes, couper, servir, remuer la
soupe : tous ces mouvements m’ont inspiré. Je voulais faire
une œuvre sur les mouvements de la cuisine.
Votre ballet se
découpe en saynètes, vos danseurs sont aussi des comédiens. Le
théâtre est quelque chose qui vous inspire?
C’est la première fois
que j’utilise autant le théâtre. Pour moi c’était
divertissant. Je voulais faire une pièce comique. Je souhaitais que
les gens sourient. Et c’est important pour moi qu’un ballet
tienne un objectif clair. Je veux exprimer quelque chose et pas
seulement créer des pas qui sont esthétiques. C’est pour cela que
j’ai souhaité conter de petites histoires comme le passage du
cuisinier amoureux du poulet ou celui du cuisinier qui pétrit la
pâte du pain. Je veux raconter une histoire.
Pourquoi avez-vous souhaité participer à ce concours?
J’ai
entendu parler de l’organisation de ce concours un peu partout,
beaucoup sur Internet. A Berlin, on pouvait voir des papiers sur le
concours de chorégraphie à Biarritz. J’ai
souhaité tenté l’expérience.
Utiliser un vocabulaire classique / néo-classique a été quelque chose de naturel pour vous?
Oui, c’est quelque chose de naturel qui me permet de développer peu à peu mon propre vocabulaire.

To Be Continued (Xenia Wiest)
Xenia Wiest
Xenia
Weist a débuté à l’Académie de danse de Braunschweig avant
d’être formée à la John Cranko Balletschule et d’être engagée
au Deutsche Opera Berlin puis au Staastballett Berlin.
Vous avez remporté ce
concours en présentant votre ballet To be continued.
Pouvez-vous nous parler de cette création?
Ce ballet parle de
l’équilibre. Tout dans le monde doit rester en équilibre. Si
quelque chose de nouveau nait, quelque chose meurt. C’est une sorte
de cercle de la vie. C’est pour cela que j’ai intitulé ce ballet
To be continued. Parce que c’est comme cela qu’est notre
vie, une sorte de cercle qui continue dans la même voie. En fait,
mon inspiration est venue sur la plage de Biarritz, quand j’étais
ici pour un stage de danse. J’ai tout d’abord imaginé le concept
et ensuite, par chance, j’ai trouvé un très bon compositeur. J’ai
échangé avec lui par mail. Je lui donnais mes idées, les musiques
que j’aime, les compositeurs que j’aime, l’atmosphère que je
voulais et lui, en retour, m’envoyait des extraits de musiques. Je
voyais ensuite si cela me convenait ou si je souhaitais apporter des
modifications. J’avais également une très bonne amie qui fait des
costumes. On se comprend tellement bien toutes les deux. Je lui ai
expliqué simplement ce que je voulais et elle a apporté ses idées.
C’est comme cela que la pièce a été créée : une très
bonne équipe pour travailler en paix.
Vous
avez chorégraphié pour la Fashion Week de Berlin ou encore pour
Nike. Il y a quelque chose de très graphique dans votre
chorégraphie. Ce monde de la mode, du design, c’est une
source d’inspiration pour vous?
Ces
projets pour Nike et la Fashion week étaient autre chose. C’était
d’autres opportunités de travail. En fait je n’ai jamais vu les
choses sous cet angle, je n’avais jamais pensé à ce que vous
dites (rires). Mais c’est intéressant, c’est important pour moi
de savoir ce que les gens pensent de mon travail.
Comment avez-vous
décidé de participer à ce concours?
J’aime être tout le
temps occupée, j’aime travailler sur différents projets. Si je
n’ai pas suffisamment de travail, j’en cherche d’avantage. Donc
quand j’ai vu l’organisation de ce concours j’ai envoyé tous
mes travaux. Et maintenant me voilà ici.
Vous venez justement
de remporter un nouveau travail : créer une pièce pour le
Ballet de l’Opéra de Bordeaux. Comment abordez-vous ce projet?
J’ai énormément
d’idées que je garde depuis des années dans mon petit bloc-notes.
Il y a des idées très différentes. Il faut maintenant que je
découvre la compagnie pour voir quel concept, quelles idées conviennent
le mieux aux danseurs de Bordeaux afin de prendre, je l’espère, la
meilleure décision.
Commentaire et entretiens : Fabien Soulié © 2016, Dansomanie