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critiques et comptes rendus
Malandain Ballet Biarritz

24 avril 2016 : Concours de jeunes chorégraphes de Biarritz,  Finale






Programme
:

Love, Fear, Loss – Ricardo AMARANTE
Durée : 15 min
Musique : La vie en rose, Edith Piaf ; Hymne à l’amour, Edith Piaf ; Ne me quitte pas, Jacques Brel ; Mon Dieu, Charles Dumont
Danseurs : Kazbek Akhmedyarov, Ernest Boada, David Jonasthan, Nancy Osbaldeston, Ana Quaresma, Tatyana Ten
Pianiste : Nataliya Chepurenko
Après avoir étudié au Brésil, à l’Escuela Nacional de Ballet de Cuba et à l’English National Ballet School en Grande-Bretagne, Ricardo Amarante débute sa carrière au Jeune Ballet de France en 1999. Il est actuellement soliste au Ballet royal de Flandre. Riche de son expérience de danseur, Ricardo a commencé la chorégraphie en Belgique et a déjà créé pour plusieurs compagnies et écoles professionnelles.

Oui – Yvon DEMOL
Durée : 16 min
Musique : Grande sarabande pour cordes et basse continue, Georg Friedrich Haendel ; Trio n°2 en Mi bémol majeur, Franz Schubert
Danseurs : Alexandre Gasse, Aubane Philbert, Daniel Stokes, Jennifer Visocchi
Formé dès l’âge de 9 ans à l’Ecole de danse de l’Opéra national de Paris, Yvon Demol est engagé dans le corps de ballet de l’Opéra en 2007, puis est promu coryphée en 2008. Il interprète depuis lors les grands ouvrages du répertoire classique ainsi que les œuvres des chorégraphes actuels. Il crée ses premières chorégraphies en 2014 au sein de la Compagnie «Incidence Chorégraphique» que dirige Bruno Bouché. En 2015, il chorégraphie pour la soirée Musique et Danse de l’Opéra national de Paris.


Prince – Martin HARRIAGUE
Durée : 15 min
Musique : La Belle au bois dormant (extraits), Piotr Ilitch Tchaïkovski
Danseurs : Shani Cohen, Frida Dam Seidel, Megan Doheny, Niv Elbaz, Nadav Gal, Jin Hwan Seok
Costumes : Mieke Kockelkorn
Martin Harriague commence la danse classique et contemporaine à 19 ans à l’école de danse de Jean-­Marc et Michèle Marquerol à Bayonne, puis débute sa carrière au Ballet Biarritz Junior à San Sebastián. Il intègre ensuite le Ballet national de Marseille en 2008 avant de rejoindre la Noord Nederlandse Dans aux Pays-­Bas en 2010. Depuis 2013, il danse et chorégraphie au Kibbutz Contemporary Dance Company en Israël.


The Cooking Show – Olaf KOLLMANNSPERGER
Durée : 15 min
Musique : Alberto Iglesias, Nat King Cole ft. Natalie Cole, Ben Sa Tumba & son orchestra and Ipelegeng Experimental Group, Master Drummers of Africa
Danseurs : Daria Chudjakowa, Seung Hyun Lee, Frederico Spallitta
Assistante lumières et costumes : Dario Chudjakowa
Formé au Real Conservatorio Profesional de Danza de Madrid, Olaf Kollmannsperger débute sa carrière de danseur à Europa Danse en 2003. Engagé au Royal Swedish Ballet en 2005, puis au Zürich Ballet en 2010, il est depuis 2014, soliste au Staatsballett Berlin. Il a interprété des rôles du répertoire classique et de chorégraphes contemporains. Il commence à chorégraphier en 2005.

Moving Resonance – Vitali SAFRONKINE
Durée : 15 min
Musique : David Lang / Max Richter
Danseurs : Hugo Layer, Cosima Muños, Iker Murillo, Virginia Negri, Marsha Rodriguez
Formé à la Rudolf Nureyev Ballet School, Vitali Safronkine quitte son pays natal à l’âge de 15 ans pour se perfectionner à la Swiss Professional Ballet School à Zürich. Finaliste du Prix de Lausanne en 2002, il est primé la même année en Ukraine à l’International Kiev Ballet Competition. Sa carrière professionnelle débute en 2002 au Zürich Ballet où il devient soliste. Il rejoint le Ballet Basel en 2011, puis le Béjart Ballet Lausanne en 2012. Il débute la chorégraphie en 2009 et a déjà créé plusieurs chorégraphies pour diverses compagnies et écoles européennes.

To be continued – Xenia WIEST
Durée : 15 min
Musique : Patrick Soluri
Danseurs : Paul Busch, Weronika Frodyma, Arman Grigoryan, Maria Teresa Molina, Sayo Shiba, Michael Wagley
Assistant de Xenia : Fabien Palombo
Costumes : Melanie Jane Frost
Issue d’une famille de musiciens, après avoir reçu un enseignement musical, Xenia Wiest débute la danse à l’âge de 13 ans à l’Académie de danse de Braunschweig en Allemagne. Diplômée en 2003 de la John Cranko Balletschule à Stuttgart, elle est engagée au Deutsche Oper Berlin, tout en étant soliste invitée au Théâtre de Görlitz. Elle a interprété des rôles du répertoire classique et de chorégraphes contemporains. Depuis 2004, elle danse au Staastballett Berlin et commence à chorégraphier en 2005.



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Résultats de la compétition :

Premier prix :
Xenia Wiest, To be continued
Création pour le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux (mars 2017)

Deuxième prix :
Martin Harriague, Prince
Création pour le Centre Chorégraphique National de Biarritz (Malandain Ballet)

Prix des professionnels de la danse et Prix du public :
Martin Harriague, Prince

Prix de la Fondation de la danse :
Ricardo Amarante, Love, Fear, Loss


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Compte-rendu de la finale :

Le Pôle de Coopération Chorégraphique du grand Sud-Ouest, mené par le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et le Malandain Ballet Biarritz, a lancé la première édition du Concours de Jeunes Chorégraphes. Ce concours a pour vocation de promouvoir la danse classique dans son expression contemporaine. C’est à un jury réunissant les fers-de-lance du vocabulaire académique (Hélène Trailine, Kader Berlarbi, Ivan Cavallari, Charles Jude et Thierry Malandain) que revient la tâche de récompenser deux lauréats lors d’une finale organisée à la Gare du Midi. Une résidence d’un mois au Ballet de l’Opéra de Bordeaux ou au Malandain Ballet Biarritz est mise en jeu afin de créer une pièce classique / néo-classique.

Mais de nos jours, qu’est-ce que la danse classique / néoclassique? A l’annonce des lauréats du concours, cette question a soulevé de nombreux débats. C’est lors de la finale que six chorégraphes, tous âgés de moins de 35 ans, sont venus présenter leurs éléments de réponse.

Ricardo Amarante se pose en véritable défenseur du vocabulaire académique. Au travers de trois pas de deux illustrant la vie d’Edith Piaf, il expose un travail sur pointes complet. Desservis par une interprétation au piano monotone et des danseurs en deçà de leurs possibilités, les trois duos se ressemblent et illustrent difficilement l’évolution recherchée par le chorégraphe. La maîtrise chorégraphique reste tout de même de haut niveau, avec des portés complexes et une musicalité très vive. Pour les amateurs d’arabesques et de grands jetés, Ricardo Amarante est un jeune chorégraphe à suivre.

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Love, Fear, Loss (Ricardo Amarante)

Yvon Demol présente un travail manquant encore de maturité. C’est un des finalistes les moins expérimentés et cela se ressent. Les pistes sont intéressantes, mais le propos reste flou et la direction aléatoire. La Grande Sarabande de Haendel et le Trio en Mi bémol D. 929 de Schubert se succèdent sans former un tout. Difficile d’assembler deux œuvres majeures. C’est l’interprétation des danseurs de l’Opéra de Paris l’accompagnant qui relève la pièce en montrant une grande aisance sur scène. Les lignes restent belles et le plaisir de découvrir cet essai reste intact. On attend la suite.

concours biarritzOui (Yvon Demol)

Martin Harriague s’affranchit des règles pour surprendre et interroger. Il présente un travail beaucoup plus contemporain. Il sort du cadre du concours et frôle le hors-sujet. Son prince est obscène et choque. Ses danseurs sont aliénés et courent. Seul un entretien avec le chorégraphe (retranscrit à la suite de ce compte rendu) permet de comprendre clairement l’intention. Entre un costume masquant les mouvements et des mouvements masquant le propos, difficile de défendre l’esthétique classique / néo-classique, et cela malgré la partition de Tchaïkovski.

concours biarritzPrince (Martin Arriague)

Vitali Safronkine chorégraphie un ballet néo-classique très conventionnel. Les mouvements sont soignés, les placements précis et la chorégraphie rythmée. Tout est réglé pour proposer une belle pièce chorégraphique. Mais il semble manquer un élément : sans doute la prise de risque. Il n’en reste pas moins la mise en valeur d’excellents danseurs, qui permet à cette création de vivre, mais cela sans réelle originalité.

concours biarritzTo Be Continued (Xenia Wiest)

Xenia Wiest est maître de sa création. Elle sait ce qu’elle veut et peut diriger ses danseurs où elle le souhaite. Elle n’a pas limité sa pièce à une création chorégraphique, mais a travaillé toute la scénographie : lumière, costumes, espace, rythme. Tout est merveilleusement maîtrisé dans un ensemble très graphique. Son vocabulaire est varié : résolument de source classique, mais revisité. Quinze minutes et six danseurs sont une limite pour illustrer ce cercle sans fin, mais Xenia Wiest a la capacité de ses ambitions. C’est maintenant aux théâtres de lui en donner les moyens.

concours biarritzThe Cooking show (Olaf Kollmannsperger)

Olaf Kollmannsperger innove en nous plongeant dans l’intimité d’une brigade culinaire. Ses danseurs nous racontent des histoires avec une théâtralité nouvelle, dont seule la création allemande semble avoir le secret. Le pas de deux entre un cuisinier et de la pâte à pain est une totale réussite. Faire danser une carcasse de poulet cerclée de tulle ou encore exploiter un grand drapé avec une boule de pâte, voilà une expression contemporaine de la danse classique.

Le premier Prix a été remporté par Xenia Wiest qui devrait trouver dans le Ballet de l’Opéra de Bordeaux un beau moyen d’expression. Sa création intégrera sûrement une nouvelle soirée «Quatre tendances» qui devrait être présente dans la prochaine saison bordelaise. C’est Martin Harriague qui a remporté le second prix et la résidence au Malandain Ballet Biarritz, mais également le prix des professionnels et le prix du public, clairement conquis par l’enfant du pays. Riccardo Amarante se voit récompensé par le prix de la Fondation de la Danse.

Comme lors de toute sélection, les opinions divergeaient et tous les spectateurs n’étaient pas en accord avec les choix exprimés, mais l’organisation de ce concours a fait l’unanimité. L’initiative est saluée et a permis de faire découvrir des personnalités très variées. Le rendez-vous est pris pour 2018.


Le point de vue de Thierry Malandain et des candidats :


Thierry Malandain

C’est la première édition du Concours de Jeunes Chorégraphes de Biarritz. Quelle est l’origine de ce concours?

A la base, il y a ce qu’on appelle le Pôle de Coopération Chorégraphique du grand Sud-Ouest. L’idée était de réunir les trois ballets du Sud-Ouest : Toulouse, Bordeaux et Biarritz. Ensemble, nous réunissons près de cent danseurs permanents, ce qui est énorme. Dans un premier temps, nous avions réuni les trois compagnies le temps d’une représentation. Il y avait beaucoup de danseurs sur scène, c’était un moment très fort. On a alors décidé de se réunir. Ceci a permis par exemple des échanges entre Charles et Kader : Charles a présenté Coppélia à Toulouse et Kader La Reine Morte à Bordeaux. Cela permet d’entretenir des relations que nous n’avons pas nécessairement. Dans un second temps, nous avons décidé de lancer ce concours sur la base d’un constat récurrent : il n’y a pas vraiment de relève en danse néo-classique, ou du moins de chorégraphes qui utilisent le langage néo-classique. On a donc eu cette idée un peu folle. Je ne savais pas ce que ça allait donner. Plutôt que de donner un prix, nous avons décidé que les lauréats disposeraient d’une résidence pour créer un ballet à Bordeaux ou à Biarritz. Au départ, il devait également y avoir Toulouse, mais le directeur du Théâtre du Capitole n’a pas accepté. Kader a été obligé de se désengager, mais nous avons tout de même pu l’inclure dans le projet en l’intégrant dans le jury du concours.

Un chorégraphe va donc créer une œuvre pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux et l’autre pour le Malandain Ballet Biarritz. Comment vous partagez-vous ces deux lauréats?

Xenia Wiest va créer une chorégraphie pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux et nous prenons Martin Harriague. Xenia travaille plutôt sur pointes, ce qui est le cas du ballet de Bordeaux. Dès les éliminatoires, Charles avait beaucoup aimé Xenia. Le hasard a magnifiquement fait les choses. Nous avons chacun donné des notes et, à la moyenne, c’est elle qui est arrivée en premier. C’est Martin qui est arrivé en second.

Avec Martin, c’est une histoire un peu spéciale. Je n’ai rien à cacher, je vais tout dire. Martin est natif d’ici et faisait des études de médecine. Mais, il y a une quinzaine d’années, il m’a téléphoné. Il avait vu un de nos spectacles et d’un coup, il était bouleversé, il voulait devenir danseur ; il avait 19 ans. Son père avait permis qu’il arrête ses études pendant un an afin qu’il étudie la danse et puisse faire son choix au bout d’un an. On l’a envoyé prendre des cours à Bayonne avec un garçon de l’Opéra qui donnait des cours. Il a travaillé tous les jours et, deux ans après, il a intégré le Ballet Biarritz Junior qui existe toujours mais s’est transformé (ndrl : maintenant indépendant sous l’appellation de Dantzaz Konpainia à San Sebastián). Il a ensuite été engagé au Ballet de Marseille par Flamand. Puis ensuite par d’autres compagnies. En ce moment, il est en Israël depuis 3-4 ans (ndrl : à la Kibbutz Contemporary Dance Company). Je savais qu’il faisait de la chorégraphie, mais je n’avais jamais vu son travail de chorégraphe. Quand il a transmis son dossier, cela ne correspondait pas vraiment à l’esthétique du concours, qui était plutôt classique. Mais j’ai trouvé le solo qu’il a envoyé très bien. Alors, comme pour tous les candidats avec lesquels j’hésitais, je suis allé voir sur Internet tout ce qu’il avait fait. Dans chaque chose, il y avait une personnalité, un début, une fin, un propos. J’étais très séduit et très ravi pour lui parce que je le connaissais comme personne, mais pas comme chorégraphe. Il n’est pas tellement dans le registre du concours mais il est dans la veine de Naharin, de Mats Ek. Je me suis alors dit, pourquoi n’y aurait-il pas un représentant de cette tendance-là? Le hasard a fait les choses divinement.

Il était imposé une esthétique classique / néo-classique et finalement un seul travail sur pointes a été proposé. Vous y attendiez-vous?

Oui, parce que l’enjeu était de prendre des chorégraphes qui, à partir du langage classique, créent. Pour moi, c’est très représentatif du paysage. Amarante travaille exclusivement sur pointes : il y a des gens qui aiment cela et il y a des chorégraphes qui, à partir de ce langage, explorent d’autres univers. Je pense que le travail présenté ce soir est représentatif des possibles. Et surtout, l’important de ce concours est d’être une vitrine pour les chorégraphes qui travaillent comme ça. Cela leur permet de venir présenter leur travail. Car il est vrai qu’il y a une pénurie ; une pénurie en France, mais pas en Europe. Je pense que ce concours peut donner des vocations et montrer que finalement, il y a un possible. Les six finalistes ont tous présenté quelque chose de neuf et prenaient des risques. C’était varié et de qualité. J’en suis très content.

De nombreux chorégraphes ont-ils répondu présent? Quel était le niveau des candidatures?

Il y a des gens qui s’étaient trompés de concours, des gens vraiment contemporains. Parmi eux, il y en avait un vraiment très intéressant, mais dans le cadre de ce concours, ce n’était pas possible. On a eu trente-deux candidatures, dont beaucoup étrangères. Ce n’est pas beaucoup, je pensais qu’on en aurait plus. On a eu des échos de chorégraphes qui finalement étaient embêtés par l’enjeu du prix, à savoir une création à Bordeaux ou Biarritz. Beaucoup auraient préféré un prix en argent. C’était également compliqué pour les chorégraphes de se libérer. Par exemple, Nacho Duato a accepté volontiers : on lui a pris Olaf et Xenia qui viennent tous deux de sa compagnie, ainsi que les danseurs qui les entouraient. D’un coup, on a monopolisé dix danseurs du Staatsballett Berlin. Ils n’avaient pas de représentation aujourd’hui, donc ça a pu fonctionner. Et pour un chorégraphe qui est également danseur, venir chez nous pendant quatre semaines pour assurer une résidence, c’est compliqué. Le concours, on va le continuer. Mais je ne sais pas si on va le continuer sur ce mode-là, avec une création à Bordeaux ou Biarritz pour les lauréats. Cela pourrait déboucher sur autre chose. On a également eu du mal à constituer le jury, bien que l’on s’y soit pris six mois à l’avance. Par exemple, Maillot n’a pas pu participer, car il avait une première dans deux jours. Mais il a dit que dans deux ans, il réserve et vient à Biarritz. Beaucoup de gens nous ont dit ça. Je me suis dit que ce concours pourrait devenir un rendez-vous. Pour les chorégraphes, mais aussi pour les danseurs. Ce soir, il y a des danseurs de Düsseldorf, de Leipzig. Ils n’ont rien à faire ici, mais sont venus par curiosité. Si à Biarritz nous pouvons amener ça en plus, cela sera une réussite.

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Love, Fear, Loss (Ricardo Amarante)

Ricardo Amarante

Après avoir étudié au Brésil, à l’Escuela Nacional de Ballet de Cuba et à l’English National Ballet School et être passé par le Jeune Ballet de France, Ricardo Amarante est soliste au Ballet royal de Flandre.

Pouvez-vous nous parler de votre ballet Love, Fear, Loss? Comment la vie d’Edith Piaf vous a-t-elle inspiré?

J’ai commencé ma carrière professionnelle en France en 1999 au Jeune Ballet de France. On faisait beaucoup de spectacles avec des chansons françaises. Parmi toutes ces chansons, il y en avait beaucoup d’Edith Piaf. C’est là où j’ai vraiment pris en amour la chanson française. Après quelques années, quand j’ai commencé à développer mes chorégraphies, j’ai tout de suite eu l’envie de faire un ballet avec des chansons françaises et, en particulier, sur des chansons d’Edith Piaf. Ce sont mes chansons préférées. Son histoire m’a vraiment inspiré et j’ai décidé de faire un ballet sur sa vie et sur ses chansons. En écoutant toute sa discographie, j’ai perçu qu’à ses débuts elle chantait l’amour, l’amour et l’amour. Ensuite, avec l’évolution de son mariage, elle a chanté Ne me quitte pas en évoquant les problèmes dans sa relation amoureuse. Après, malheureusement, avec la mort de son mari, elle a chanté Mon Dieu, qui, pour moi, est une de ses plus belles chansons. Sa vie est finalement la vie de tout le monde : l’amour, la peur, la peur de devoir quitter, et ensuite la perte avec la mort d’un être cher. C’est sur cette base que j’ai créé ces trois pas de deux.

Vous avez été le seul ce soir à présenter un travail sur pointes. C’est un vocabulaire auquel vous attachez une importance particulière?

Oui, la majorité de mes ballets sont créés sur pointes. J’ai un vocabulaire très classique / néo-classique. Bien sûr, j’aime parfois utiliser un vocabulaire plus moderne, mais c’est dans le classique que je m’exprime le mieux. J’avais déjà chorégraphié ce ballet il y a quelques années et il avait bien fonctionné. C’était le ballet le plus néo-classique que j’avais et, de plus, avec des chansons françaises. C’est donc pour cela que je l’ai retravaillé et présenté à ce concours.

Vous avez également fait le choix d’avoir une pianiste sur scène?

Oui, je trouve que ça aide beaucoup. La musique live donne beaucoup plus d’émotion et d’intensité. J’ai eu le plaisir de travailler avec Natalia. C’est une très bonne pianiste. On a adapté ensemble la partition pour qu’elle s’adapte aux pas de deux. Je crois que ce travail apporte un plus au ballet.

Comment en êtes-vous venu à participer à ce concours?

Un jour, sur Internet, je suis tombé sur le site de ce concours pour chorégraphes classiques et néo-classiques. Je me suis dit que c’était tout à fait pour moi, tous mes ballets sont sur pointes. Il n’y a pas beaucoup de concours comme celui-ci en ce moment. Habituellement, les concours de chorégraphies sont axés vers le contemporain, vers le moderne. C’était une chance, surtout en France. J’ai tenté ma chance et j’ai été retenu parmi les finalistes. J’en suis très content.

A l’avenir, comptez-vous persévérer dans la chorégraphie?

Oui, je l’espère, c’est mon rêve de continuer à créer. J’ai déjà des commandes pour les années à venir. Par exemple au Kazakhstan, en Australie... J’espère que ce concours m’a ouvert des portes. J’ai besoin de monter mon travail en France. J’ai fait des choses en Belgique, en Allemagne, en Russie, au Brésil. J’espère maintenant pouvoir continuer à travailler et montrer mon travail un peu partout.

concours biarritzOui (Yvon Demol)

Yvon Demol

Formé à l’Ecole de danse de l’Opéra National de Paris, Yvon Demol est coryphée à l’Opéra de Paris.

Vous avez présenté à ce concours le ballet Oui. Pouvez-vous nous parler de cette création?

A la base, ce sont deux parties que j’avais déjà créées l’an dernier et il y a deux ans. Je les ai remaniées et assemblées pour ce concours. Il n’y a absolument pas de narration. C’est uniquement basé sur deux partitions qui m’obsèdent depuis très longtemps. J’ai voulu évoquer les rapports domination / soumission entre les gens, la façon dont ils évoluent et peuvent s’inverser.

Quelles ont été vos motivations pour participer à ce concours?

Je débute, cela fait deux ans que je chorégraphie. Ce concours pour les jeunes chorégraphes émergents qui utilisent le langage classique et néo-classique, je me suis dit que ça me correspondait. Sans me demander si cela allait fonctionner, je me suis inscrit, le dernier jour, et je ne regrette pas de l’avoir fait. J’ai eu tellement de compliments et de bons retours que je me dis que j’ai bien fait de le faire.

Vous souhaitez donc préserver la chorégraphie en parallèle de votre carrière de danseur?

Oui, j’ai vraiment envie de continuer et j’espère avoir les moyens de le faire. J’ai la chance de participer aux spectacles de Bruno Bouché avec Incidence Chorégraphique. Mais, sorti de ce cadre, c’est compliqué de trouver des dates. Je suis content d’être là, ça s’est très bien passé. Même si je n’ai pas gagné de prix, c’est déjà une victoire pour moi. C’est un début.

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Prince (Martin Arriague)

Martin Harriague

Arrivé tard dans le monde de la danse, Martin Harriague est passé par le Ballet Biarritz Junior, le Ballet National de Marseille et le Noord Nederlandse Dans avant d’intégrer le Kibbuts Contemporary Dance Company où il danse et chorégraphie.

En lisant la présentation de votre ballet, on imagine une relecture moderne du Prince charmant avec un prince tourmenté. Finalement vous avez décidé d’aller beaucoup plus loin?

Au départ, c’est une pièce d’une heure qui parle de la vie de Tchaïkovski et la vie de Tchaïkovski a été très tourmentée. Mais le ballet pose également des questions sur l’identité sexuelle, des sujets que l’on n’aborde pas dans la danse classique. C’était l’idée de la pièce d’une heure et de l’extrait que j’ai choisi. L’idée était d’aborder ce principe d’une manière plus moderne et de se questionner sur cela, de sortir des clichés. L’idée de ce concours, que je trouve fantastique, est de se poser la question : «Comment faire revivre la danse classique?», «Comment donner de l’espoir à cette danse classique qui disparait petit à petit?». L’idée est de poser des questions d’actualité : l’identité sexuelle, l’homosexualité… Habituellement, dans la danse, on a un prince, un bel homme ; une princesse, une belle femme, de très belles jambes. Et là, on a un prince transgenre, qui est gros, qui n’est pas forcément beau et qui en plus se fait castrer sur scène. L’idée est que le public puisse se poser ces questions de société. Pourquoi ne pas avoir un message social et politique?

L’objectif de ce concours était de moderniser l’esthétique de la danse classique / néo-classique. Vous avez choisi de moderniser le classique, non pas au travers de son vocabulaire, mais au travers d'une de ses figures récurrentes, le prince?

Je pense que le vocabulaire y est quand même. On a utilisé un langage classique qui, bien sûr, a été déstructuré. Mais, en effet, on a plus joué sur la carte du thème et de la musique. La Belle au bois dormant est une musique connue. Là, c’est une tout autre interprétation qui n’a rien à voir avec le ballet original. Pour moi c’est très important de sensibiliser, et surtout les plus jeunes, à la musique classique. Tchaïkovski est un patrimoine de la musique classique qui est aussi un peu mis aux oubliettes avec toute cette pop musique et tous ces clips qui sont au final très vulgaires.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour participer à ce concours?

J’ai travaillé au Ballet Biarritz junior avant que ça devienne Dantzaz. C’est là-bas que j’ai rencontré Adriana, la directrice artistique. Je l’ai rencontrée l’année dernière et elle m’a dit «Il y a ce concours, il faut que tu te présentes». J’ai dit que c’était un concours classique / néo-classique, que je n’y avais pas ma place. Mais elle a insisté et j’ai envoyé ma candidature. Ma sélection a été une grande surprise car mon travail se détache beaucoup des autres : il n’y a pas de travail sur pointes, les danseurs n’ont même pas de chaussons. C’est donc initialement sur le conseil d’une amie, plus qu’une réelle envie. J’avais beaucoup de crainte.

Ce n’est pas votre première expérience. Vous avez déjà beaucoup chorégraphié, non?

Tout à fait. J’ai créé une pièce d’une heure pour le Kibbutz. L’année prochaine je crée pour le Scapino Ballet à Rotterdam. C’est un conseil d’Itzik Galili qui m’a dit qu’il fallait créer beaucoup pour faire beaucoup d’erreurs et peut-être qu’un jour, avec un peu de chance, percer.

Maintenant vous avez un nouveau projet avec le Malandain Ballet Biarritz : une résidence d’un mois et vingt danseurs pour une nouvelle création. Qu’avez-vous en tête?

Je ne m’attendais pas du tout à ça, je n’ai vraiment pas pensé à cette possibilité. C’est une vraie surprise. Il va d’abord falloir que je redescende sur terre parce que, au-delà des prix, j’ai revu ma famille qui était dans le public, qui m’a vu cette fois en tant que chorégraphe et non danseur. Des amis aussi qui étaient là. Mes danseurs sont aussi très surpris parce qu’eux aussi se demandaient ce qu’ils faisaient ici. Tout le monde est sur pointes, mais pas eux. Donc d’abord, il faut redescendre sur terre et ensuite on va réfléchir. Le Malandain Ballet Biarritz est composé de danseurs qui n’ont pas la même technique que les danseurs avec qui je travaille. Ça va être une approche différente. Il va falloir que je sois prudent et en même temps ne pas avoir peur de prendre des risques. Thierry Malandain m’offre une belle porte, mais il faut être prudent, ne pas parler trop vite. C’est ce que l’on m’a toujours conseillé : prendre son temps et être honnête.

Vous vous dévouez énormément à la chorégraphie. Continuez-vous à danser en parallèle?

Je suis toujours danseur, mais au bout d’un moment, il va falloir arrêter car cela prend beaucoup de temps et d’énergie de chorégraphier. J’ai de la chance d’avoir un directeur au Kibbutz, Rami Be’er, qui me laisse partir tant que ça n’interfère pas avec ses productions. Mais à un moment, il va falloir passer de l’autre côté.

Thierry Malandain a évoqué votre parcours atypique. Pouvez-vous nous en dire plus?

J’ai une petite anecdote avec Thierry Malandain. Quand j’ai voulu commencer la danse, mon père m’a dit d’appeler Thierry Malandain. Ne sachant pas qui c’était, je lui ai écrit un mail et avec surprise, il m’a répondu. Très gentiment, il m’a dit que si je voulais être danseur il allait falloir travailler dur. «Je te donne le contact d’un ami à Bayonne avec qui j’ai travaillé à l’Opéra de Paris, il va te former. Après, il va falloir que tu travailles dur. Bon vent!». C’est pour cela que c’est une ironie du sort de se retrouver ici et de chorégraphier pour ses danseurs.

Vous parlez de travailler dur pour être danseur. Mais pour être chorégraphe, quelle est l’importance de la formation?

Je pense que la formation se fait sur le terrain. La poésie, ça ne s’apprend pas, il n’y a pas de formation pour être poète. On peut apprendre à lire et à écrire mais pour faire des vers et les faire bien, il faut pratiquer. C’est aussi pour la chorégraphie : créer, créer, créer et faire beaucoup d’erreurs. Il est important de rester honnête et de ne pas tomber dans la facilité en faisant ce qui est à la mode et qui va forcément fonctionner. Il faut avoir une vision artistique claire. Cela prend du temps de définir cette vision et le langage qui permettra de la mettre en œuvre. Les concours comme celui-ci sont de très belles initiatives et de belles opportunités. Cela encourage la jeune génération à prendre des risques.

Ce travail se voit récompensé ce soir. Que ressentez-vous?

Je pense que ce qui est en train de se passer est formidable. Ces trois prix sont une belle reconnaissance. J’ai 30 ans dans deux jours. C’est un super cadeau de la part de Thierry Malandain et de son équipe mais aussi du jury et du public. Peut-être qu’un jour je pourrai apporter ma contribution dans ce monde qui est assez sombre et rude. J’espère qu’un jour je pourrai avoir les même capacités que Thierry Malandain, avoir cette capacité à rendre le monde un peu plus beau et plein d’espoir.

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The Cooking show (Olaf Kollmannsperger)

Olaf Kollmannsperger

Formé en Real Conservatorio Profesional de Danza de Madrid puis danseur à Europa Danse, au Royal Swedish Ballet et au Zürich Ballet ; Olaf Kollmannsperger est maintenant soliste au Staatsballett Berlin.

Vous avez présenté ce soir une pièce intitulée The Cooking show. Pouvez-vous nous parler de cette création?

Mon ballet parle de nourriture et de cuisine. Je pense que l’inspiration pour ce ballet m’est venue quand j’avais très faim. Et là j’ai dit à ma femme (ndrl : également chorégraphe et danseuse au Staatsballett Berlin) que nous devrions faire un ballet sur la cuisine. Elle a raccroché le téléphone en me disant que j’étais fou. Dix minutes plus tard, elle m’a rappelé en disant qu’elle avait beaucoup d’idées et qu’il fallait faire de la cuisine un spectacle. J’ai donc commencé à faire des recherches sur les grands restaurants. Nous y sommes allés et voir les cuisiniers était tout un spectacle. Préparer les assiettes, couper, servir, remuer la soupe : tous ces mouvements m’ont inspiré. Je voulais faire une œuvre sur les mouvements de la cuisine.

Votre ballet se découpe en saynètes, vos danseurs sont aussi des comédiens. Le théâtre est quelque chose qui vous inspire?

C’est la première fois que j’utilise autant le théâtre. Pour moi c’était divertissant. Je voulais faire une pièce comique. Je souhaitais que les gens sourient. Et c’est important pour moi qu’un ballet tienne un objectif clair. Je veux exprimer quelque chose et pas seulement créer des pas qui sont esthétiques. C’est pour cela que j’ai souhaité conter de petites histoires comme le passage du cuisinier amoureux du poulet ou celui du cuisinier qui pétrit la pâte du pain. Je veux raconter une histoire.

Pourquoi avez-vous souhaité participer à ce concours?

J’ai entendu parler de l’organisation de ce concours un peu partout, beaucoup sur Internet. A Berlin, on pouvait voir des papiers sur le concours de chorégraphie à Biarritz. J’ai souhaité tenté l’expérience.

Utiliser un vocabulaire classique / néo-classique a été quelque chose de naturel pour vous?

Oui, c’est quelque chose de naturel qui me permet de développer peu à peu mon propre vocabulaire.

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To Be Continued (Xenia Wiest)

Xenia Wiest

Xenia Weist a débuté à l’Académie de danse de Braunschweig avant d’être formée à la John Cranko Balletschule et d’être engagée au Deutsche Opera Berlin puis au Staastballett Berlin.

Vous avez remporté ce concours en présentant votre ballet To be continued. Pouvez-vous nous parler de cette création?

Ce ballet parle de l’équilibre. Tout dans le monde doit rester en équilibre. Si quelque chose de nouveau nait, quelque chose meurt. C’est une sorte de cercle de la vie. C’est pour cela que j’ai intitulé ce ballet To be continued. Parce que c’est comme cela qu’est notre vie, une sorte de cercle qui continue dans la même voie. En fait, mon inspiration est venue sur la plage de Biarritz, quand j’étais ici pour un stage de danse. J’ai tout d’abord imaginé le concept et ensuite, par chance, j’ai trouvé un très bon compositeur. J’ai échangé avec lui par mail. Je lui donnais mes idées, les musiques que j’aime, les compositeurs que j’aime, l’atmosphère que je voulais et lui, en retour, m’envoyait des extraits de musiques. Je voyais ensuite si cela me convenait ou si je souhaitais apporter des modifications. J’avais également une très bonne amie qui fait des costumes. On se comprend tellement bien toutes les deux. Je lui ai expliqué simplement ce que je voulais et elle a apporté ses idées. C’est comme cela que la pièce a été créée : une très bonne équipe pour travailler en paix.

Vous avez chorégraphié pour la Fashion Week de Berlin ou encore pour Nike. Il y a quelque chose de très graphique dans votre chorégraphie. Ce monde de la mode, du design, c’est une source d’inspiration pour vous?

Ces projets pour Nike et la Fashion week étaient autre chose. C’était d’autres opportunités de travail. En fait je n’ai jamais vu les choses sous cet angle, je n’avais jamais pensé à ce que vous dites (rires). Mais c’est intéressant, c’est important pour moi de savoir ce que les gens pensent de mon travail.

Comment avez-vous décidé de participer à ce concours?

J’aime être tout le temps occupée, j’aime travailler sur différents projets. Si je n’ai pas suffisamment de travail, j’en cherche d’avantage. Donc quand j’ai vu l’organisation de ce concours j’ai envoyé tous mes travaux. Et maintenant me voilà ici.

Vous venez justement de remporter un nouveau travail : créer une pièce pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux. Comment abordez-vous ce projet?

J’ai énormément d’idées que je garde depuis des années dans mon petit bloc-notes. Il y a des idées très différentes. Il faut maintenant que je découvre la compagnie pour voir quel concept, quelles idées conviennent le mieux aux danseurs de Bordeaux afin de prendre, je l’espère, la meilleure décision.




Commentaire et entretiens : Fabien Soulié © 2016, Dansomanie



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Giselle




Dimanche 24 avril 2016,  Gare du Midi, Biarritz


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