menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Stuttgarter Ballett

09 avril 2016 : Cranko-Klassiker - Pineapple Poll et The Lady and the Fool à Stuttgart


The Lady and the Fool
Constantine Allen (Moondog) et Alice Amatriain (Lady) dans The Lady and the Fool


Le Ballet de Stuttgart ne cesse de revenir sur le legs exceptionnel que lui a laissé John Cranko il y a plus de quarante ans : après une remarquable soirée consacrée à des pièces abstraites, et en plus de ses grands ballets narratifs, ce sont cette fois deux pièces du tout début de sa carrière de chorégraphe qui sont au programme, deux pièces créées à Londres et amenées à Stuttgart par Cranko lui-même. La première est un divertissement purement anecdotique, sur les amours contrariées d’une belle colporteuse qui, faute du capitaine aimé de ces dames, se rabattra sur le sympathique garçon d’auberge. Tout y est donc au premier degré, à commencer par les décors et costumes d’Osbert Lancaster, qui n’a pas de poules à habiller comme dans La fille mal gardée d’Ashton, mais s’en donne à cœur joie pour dépeindre la Merrie Olde England : il fallait bien faire oublier les destructions dont Londres se remettait alors à peine. Pour cette reprise, le ballet de Stuttgart a décidé de confier tous les rôles à de jeunes danseurs, et même de prendre pour corps de ballet les élèves de la John Cranko Schule : l’immaturité de la pièce ne s’en trouve que renforcée, mais du moins garde-t-elle ainsi toute sa fraîcheur, que des danseurs confirmés auraient eu plus de mal à faire renaître. Dans le rôle-titre, Fernanda De Souza Lopez est toute en séduction, avec une vivacité qui fait merveille, pour elle-même et parce qu’elle répond à un style chorégraphique. Le beau capitaine, pur objet de fantasme, bondit beaucoup plus qu’elle, sans beaucoup de psychologie : on ne peut reprocher à Robert Robinson d’en rester au premier degré, mais la démonstration de force en toute aisance est impressionnante, il n’en fallait guère plus.  

Pineapple Poll
Fernanda De Souza Lopes (Poll) dans Pineapple Poll

La seconde pièce, créée trois ans plus tard, offre un visage très différent. Ce n’est pas avec les décors originaux qu’elle est reprise, mais avec une nouvelle création d’Astrid Behrens qui souligne de façon maladroite l’abstraction un peu froide du scénario. Cette fois, l’anecdote est en effet réduite au strict minimum : une dame de la haute société qui s’ennuie rencontre par hasard deux clowns, les introduit à une soirée, tombe amoureuse de l’un des deux et s’enfuit avec eux, enfin heureuse. La légèreté est proscrite, même pour les clowns décidément tristes, et l’ambition de profondeur est bien présente, mais elle ne se concrétise pas tout à fait : la vacuité de la vie mondaine, malgré la virtuosité déployée, ne se traduit que par des scènes de bal très convenues.

The Lady and the Fool
Louis Stiens (Bootface) et Constantine Allen (Moondog) dans The Lady and the Fool

Dans cette seconde pièce, beaucoup de signes extérieurs de ce que sera le style de Cranko dans les deux décennies qui lui restent à vivre sont présents, notamment dans les pas de deux exaltés ou dans les nombreux portés qui parcourent toute la pièce. Le paradoxe est que, malgré tout, c’est peut-être dans la première pièce qu’on voit le mieux le talent de Cranko, parce qu’il manque dans la seconde un élément décisif, la vie théâtrale, et avec elle l’imbrication entre le mouvement dansé et l’expression ou l’émotion. Alice Amatriain danse remarquablement, Constantine Allen est un partenaire parfait, et le duo de clowns tristes qu’il forme avec Louis Stiens est dramatiquement très convaincant (c’est sans nul doute ce qu’il y a de meilleur dans la pièce de Cranko) ; mais les trois soupirants de la belle dame ont une partition chorégraphique trop passe-partout pour leur permettre de se distinguer, et l’émotion ne naît pas vraiment. Et c’est surtout à un titre historique, comme étape fondatrice de la carrière d’un grand chorégraphe, que cette soirée reste dans la mémoire.




Dominique Adrian © 2016, Dansomanie

Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 



Cranko Klassiker

Pineapple Poll

Musique : Arthur Sullivan, arrangée par Charles Mackerras

Chorégraphie : John Cranko
Décors et costumes : Osbert Lancaster

Poll – Fernanda De Souza Lopes
Captain Belaye – Robert Robinson
Mrs. Dimple – Elena Bushuyeva
Blanche – Rocio Aleman
Jasper – Adhonay Soares da Silva
___

The Lady and the Fool
Musique : Giuseppe Verdi, arrangée par Charles Mackerras
Chorégraphie : John Cranko
Décors et costumes : Astrid Behrens


Lady – Alice Amatriain
Moondog – Constantine Allen
Bootface – Louis Stiens
Signor Midas – Pablo von Sternenfels
Capitano Adoncino – Daniel Camargo
Prince of Arronganza – David Moore


Stuttgarter Ballett
Ballett der John-Cranko-Schule
Staatsorchester Stuttgart, dir. Wolfgang Heinz

Samedi 09 avril 2016, Opernhaus Stuttgart


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page