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Bayerisches Staatsballett (Munich)
07 avril 2016 : Gala Terpsichore XII, en l'honneur d'Ivan Liška
Iana Salenko, Steven McRae (Tchaïkovski - Pas de deux)
À vrai dire, la critique n’est pas vraiment à sa
place dans un gala de danse. Un gala, c’est un enchaînement de morceaux
choisis, plus ou moins brillants, alignés selon les envies des danseurs.
La critique, elle, aime donner du sens, reconstruire des cohérences,
parler de style, et elle se retrouve à devoir distribuer des bons
points. L’exercice est ingrat, mais au moins, sauf catastrophe, il n’y a
guère de risque que personne ne mérite ces bons points.
Pour autant, dans ce gala marquant la fin des
dix-huit ans de direction d’Ivan Liška au Ballet de Bavière, on aura
quelques raisons de ne pas tomber dans un enthousiasme constant. On ne
sait pas très bien pourquoi Polina Semionova et Jason Reilly ont choisi
le pas de deux final d’Onéguine de Cranko, mais le verdict de
l’applaudimètre est cruel : autant ce passage est émouvant dans une
représentation complète du ballet, autant il tombe à plat dans ce
contexte. De même, le final de Choreartium, trop littérale mise en danse
de la Quatrième symphonie de Brahms, ou le numéro de claquettes très
complaisant de Steven McRae ne font pas avancer la cause de la danse
comme art majeur. Le moment le plus douloureux, cependant, n’est pas dû
au choix chorégraphique, mais aux criantes difficultés des danseurs :
seuls à avoir choisi dans cette soirée une pièce du répertoire
classique, Laura Hecquet et Karl Paquette s’avèrent incapables de venir à
bout du pas de deux d’Esméralda. Très scolaire dans un travail de
partenariat particulièrement peu discret, Karl Paquette livre en matière
de virtuosité le service minimum, notamment dans un manège bien peu
éblouissant ; Laura Hecquet, qu’on a connu plus éclatante, est ici bien
éteinte : à côté de fouettés lents de toute beauté, les équilibres façon
Adage à la rose durent le moins possible, et on sent bien que la
moindre seconde supplémentaire la mettrait à terre. Le public, lui
aussi, se contente pour les applaudissements du service minimum.
Polina Semionova, Jason Reilly (Onéguine)
Heureusement, les spectateurs ont eu tout de même
quelques raisons de se montrer plus enthousiastes. C’est notamment le
cas des prestations des danseurs de la maison, malgré la blessure de
Lucia Lacarra quelques jours plus tôt. On avait pu admirer le jeune
Jonah Cook chez Pina Bausch il y a quelques jours, un solo écrit par
Ivan Liška en personne il y a quelques années et remonté pour
l’occasion, confirme l’élégance et l’acuité de sa danse. La jeunesse est
aussi présente avec une pièce, jolie mais un peu insignifiante, de
Richard Siegal pour les danseurs de la troupe junior du Staatsballett,
dont la création il y a quelques années est un point important à mettre
au crédit de Liška. Les quatre danseurs s’y montrent non seulement
virtuoses et précis, mais aussi capables d’affirmer leur personnalité
mieux que ce que bien des danseurs confirmés savent faire. Enfin, la
pièce de résistance du gala, Birthday Offering, permet à sept danseuses
de la troupe de présenter chacune une variation – pièce vide de sens,
mais sans complexe! L’intérêt des variations va croissant, de même que
l’intérêt des prestations des différentes danseuses : Mai Kono, en
quatrième position, livre déjà une très belle prestation, élégante et
légère, mais le sommet est atteint avec Ekaterina Petina et Daria
Sukhorukova, les seules danseuses de la troupe capables, au moins par
moments, de rivaliser avec la reine Lacarra.
Chez les invités, les deux grands moments, ceux
que le public accueille avec les ovations les plus sonores, sont aux
deux extrémités du gala. Commencer un gala par Tchaikovski-Pas de Deux
de Balanchine, c’est forcément un peu écraser la concurrence, à
condition de se montrer à niveau : c’est heureusement le cas de Steven
McRae et Iana Salenko, malgré quelques finitions imparfaites. La
puissance n’est pas leur préoccupation première, et c’est tant mieux :
plutôt qu’une démonstration de virtuosité, ils offrent une virtuosité
réelle, qui séduit d’autant plus qu’elle ne se voit pas. Juste avant le
final, c’est Maria Eichwald qui retrouve son ancien partenaire du Ballet
de Stuttgart Friedemann Vogel : l’enjeu n’est pas le même dans ce pas
de deux à la fois acrobatique et dramatique, mais tous deux possèdent à
fond cet art si nécessaire de faire naître l’émotion théâtrale des tours
de force que leur demande MacMillan.
Maria Eichwald, Friedemann Vogel (Manon)
Mais ce gala avait malgré tout une orientation commune : Ivan Liška et
dix-huit ans de vie chorégraphique à Munich. On avait pu voir en
ouverture du gala quelques photos de ces années Liška ; l’invitation de
quatre danseurs du Ballet national tchèque renvoyait à la fois à ses
origines et à une présence renouvelée ces dernières années dans son pays
d’origine – seule la première des deux pièces de son directeur Peter
Zuska, à vrai dire, retient l’attention, avec un mélange
d’interrogations existentielles et de cocasse qui est la langue
habituelle de ce genre de pièces de gala contemporaines ; surtout, la
soirée s’achève sur deux discours, celui du principal intéressé, et
avant lui celui de l’artiste qui aura sans doute le plus compté tout au
long de sa vie, John Neumeier, venu avec tout le public du
Nationaltheater rendre hommage à celui qui aura su donner une prospérité
nouvelle au Staatsballett.
Dominique Adrian © 2016, Dansomanie
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Ivan Liška
Terpsichore-Gala XII - Für Ivan Liška
Tchaikovski Pas de Deux (Balanchine)
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Chorégraphie : George Balanchine
Avec : Iana Salenko, Steven McRae
Déjà vu
Musique : Frédéric Chopin, Niccolò Paganini, Nino Rota
Chorégraphie : Petr Zuska
Avec : Alina Nanu, Giovanni Rotolo
Onéguine, pas de deux final
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Chorégraphie : John Cranko
Avec : Polina Semionova, Jason Reilly
Czardas
Musique : Vittorio Monti
Chorégraphie : Steven McRae
Avec : Steven McRae
Birthday Offering
Musique : Alexandre Glazounov
Chorégraphie : Frederick Ashton
Avec : Katharina Markowskaja, Ivy Amista, Evgenia Dolmatova, Mai Kono
Luiza Bernardes Bertho, Ekaterina Petina, Daria Sukhorukova, Cyril Pierre
The new 45
Musique : Oscar Peterson, Clark Terry, Harry Belafonte, Benny Goodman
Chorégraphie : Richard Siegal
Avec : Maria Cerioli, Carl van Godtsenhoven, Simon Jones, Flemming Puthenpurayil
(Bayerisches Staatsballett II – Junior Company)
Ricercare
Musique : György Ligeti
Chorégraphie : Ivan Liška
Avec : Jonah Cook
Lyrical (Zuska)
Musique : mélodies traditionnelles de Ruthénie et de Slovaquie
Chorégraphie : Petr Zuska
Avec : Zuzana Šimáková, Ondřej Viklát
Esmeralda - Pas de deux
Musique : Riccardo Drigo (auteur présumé)
Chorégraphie : Evguenia Melikova, Nicolas Bériozoff (d'après Marius Petipa?)
Avec : Laura Hecquet, Karl Paquette
Manon, Pas de deux de l’acte III
Musique : Jules Massenet
Chorégraphie : Kenneth MacMillan
Avec : Maria Eichwald, Friedemann Vogel
Choreartium, 4e mouvement
Musique : Johannes Brahms
Chorégraphie : Léonide Massine
Avec : Le corps de ballet du Bayerisches Staatsballett
Bayerisches Staatsballett / Bayerisches Staatsballett II
Bayerisches Staatsorchester, dir. Myron Romanul
Jeudi 07 avril 2016, Nationaltheater, Munich
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