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Semperoper Ballett (Dresde)
04 mars 2016 : La Bayadère (Aaron S. Watkin)
Courtney Richardson (Gamzatti) - Ralf Arndt-Vogt (Le Brahmane) - István Simon (Solor)
Il me
tardait de revoir ce ballet au Semperoper pour de multiples raisons.
Je l'avais vu il y a peut-être cinq ans, et depuis, une bonne partie
de la compagnie s'est renouvelée. Dans les rôles principaux, je me
souviens d’un Jiří Bubeníček
et d'une Natalia Sologub absolument somptueux. Pour le reste,
je me souviens surtout d’un rythme musical extrêmement rapide et
d'une compagnie peut-être encore un peu trop hétérogène. Cette fois-ci, dans
l'ensemble, la compagnie peut prétendre rivaliser avec les autres
compagnies européennes dans un grand ballet classique, et plus
uniquement que dans les pièces contemporaines/néo-classiques.
Il s'agissait, pour
Melissa Hamilton, de son deuxième spectacle dans le rôle de Nikiya,
qu'elle n'avait, il me semble, jamais abordé au Royal Ballet de
Londres. Auparavant, pour deux spectacles, elle avait également
dansé le solo d'une des trois Ombres du troisième acte. Cette
danseuse m'a réellement charmée, avec, il est vrai, des lignes
vraiment superbes et une danse tout en légèreté. Comme pour son
interprétation de Manon, artistiquement parlant, je pense qu'il lui
faut approfondir son rôle, mais pour le reste, tout était là.
Aaron Watkin, qui a annoncé qu'elle était danseuse principale la
saison prochaine (et non plus invitée), a recruté là une danseuse
qui va faire encore plus briller le Semperoper dans les grands
ballets classiques. Prochainement, elle fera ses débuts dans La
Belle au bois dormant, et je suppose qu'elle sera distribuée
pour le nouveau Don Quichotte chorégraphié par M. Watkin et
basé sur Don Quichotte et Dulcinée (je parie qu'elle dansera
pour la première), puis dans Le Lac des Cygnes qui revient la
saison prochaine.
István Simon (Solor)
István Simon, comme à
chaque fois que je le vois danser, a emporté toute mon adhésion. Il
a tout ce que j'apprécie chez un danseur, c’est à dire une
technique assurée et légère, sans qu' elle s'apparente à un
numéro de cirque : des sauts magnifiques, pris sans crainte et
toujours réussis sans accroc, des pirouettes qui n'en finissent
jamais, des lignes pures et travaillées avec soin. De plus, il danse
toujours passionnément tout en mettant sa partenaire en valeur. Un
bonheur de le voir en scène, autant dans les pièces classiques que
contemporaines. Il mériterait d'être plus connu sur la scène
internationale.
Concernant Courtney
Richardson, que j'admire dans les pièces plus contemporaines et
surtout néo-classiques, c'était la première fois que je la voyais
dans un ballet classique, avec les variations techniques, les codas
de fouettés et les pas de deux académiques. Mon avis est assez
mitigé. Artistiquement, le rôle de Gamzatti lui va comme un gant,
car elle a un visage qui peut paraître froid, mais pas uniquement.
Du début à la fin, sa palette de jeu a été très diverse, passant
de la fille à papa à la princesse qui tente tout pour que Nikiya
lui rende son fiancé, pour en arriver à cette femme si froide lors
des fiançailles, triste et désemparée enfin lors de son mariage
avec Solor, qu'elle sait définitivement perdu. Côté technique,
avec sa ligne de jambe absolument démente et cette facilité
évidente pour tourner ou garder de longs équilibres, je m'attendais
à quelque chose d'explosif. Cependant lors de sa variation des
fiançailles (qu'Aaron Watkin a chorégraphiée dans un style plus
proche de la variation de Nouréev), et surtout lors des fouettés
dans la coda, on a clairement senti son malaise et ses difficultés
dans ce genre de registre. Je préfère effacer ce moment difficile
de ma mémoire et ne me souvenir que de son jeu fabuleux et de sa
très belle variation finale, lors du mariage, où elle semblait
désemparée de voir son amoureux continuer à rêver à sa rivale,
même au delà de la mort.
Corps de ballet (Danse Djampo)
Concernant les rôles
secondaires, je suis vraiment admirative du travail de messieurs
Arndt (Grand Brahmane) et Vogel (le Père de Gamzatti), qui, même de
loin, avaient un jeu et une pantomime très clairs. Certes, ils
étaient danseurs solistes jusqu'en 2007-2008, et dirigent désormais
à deux la figuration et les danseurs dans les opéras, mais
clairement, ils m'ont fait comprendre ou me souvenir de certains
détails cachés dans le ballet.
Parmi les Ombres, dont
l'ensemble a été vraiment parfait, il faut le souligner, j'ai eu un
coup de cœur pour Chiara Scarrone dans la Première Ombre. Pourtant,
cette variation est rapide, technique et à mes yeux la plus
difficile des trois. Ce fut pour moi (et pour le public, vu les
applaudissements) une des plus belles surprises de la soirée. Je
n'avais jamais vu cette danseuse, désormais, je chercherai son nom
dans l'espoir de la revoir danser. Cette soirée était
également l'occasion pour moi de découvrir Julian Lacey, jeune
danseur de la compagnie depuis deux ans, qui s'est vu donner la
chance de danser Des Grieux avec Sarah Hay en début de saison. Dans
La Bayadère, il officiait ce jour-là en tant qu’Idole
dorée - à mon plus grand étonnement - à la fin du ballet. Je l'ai
cherché partout entre les diverses danses du deuxième acte
(Éventails, Pas d'action), et fut soulagée de la voir arriver
enfin, dans les dernières minutes du ballet, lors du mariage de
Solor et Hamsatti. Il a fait une très belle variation, propre,
élancée et légère et n'a eu qu'un seul petit accroc à la fin.
Également un nouveau talent de la compagnie à suivre de près.
Melissa Hamilton (Nikiya) - István Simon (Solor)
Mis à part ça, il est
vrai que j'ai été déroutée par la construction du ballet, étant
habituée et n'ayant vu que la version de Rudolf Noureev. Tout
d'abord, dans l'ensemble, la musique m'a semblé être jouée deux
fois plus vite que ce à quoi j'étais habituée (comme dans mon
souvenir d'il y a cinq ans). M. Watkin a ensuite découpé son ballet
en deux parties, avec dans la première, toute la pantomime dans le
palais du Radjah, puis les fiançailles. D’ailleurs, dans le
premier tableau, qui me paraît en général toujours trop long, le
moment avec les danseuses du temple fut mémorable. Toutes les
danseuses étaient grimées en danseuses indiennes, avec des saris
verts et rouges, les bracelets en grelots aux mains et aux pieds
(malheureusement trop bruyants en coulisses) et ces poses si
reconnaissables avec des poignets cassés et des pieds flex.
Concernant le divertissement, qui a toujours été mon moment favori
du ballet, j’ai regretté de ne pas y voir la danse Manou, la Danse
Indienne ou l'Idole dorée. La variation de Solor avait une musique
différente de celle que l'on connaît (cependant, la célèbre
variation est arrivée pendant l'acte des Ombres, entre la Première
et la Seconde Ombre).
Clairement, le niveau est
bien plus élevé qu'il y a quelques années, et j’ai repéré de
jeunes danseuses-eurs que je n'avais jamais vus, avec des qualités
techniques vraiment intéressantes (puissance de saut, levés de
jambes).
Après
la pause, place à l'acte des Ombres, mon moment favori. Le long
adage du début a été exécuté parfaitement par les danseuses du
corps de ballet, et a tenu le public en haleine de la plus belle des
façons. Les Trois Ombres étaient dominées par Chiara Scarrone. A
mon grand étonnement, j'ai été légèrement déçue par les deux
autres danseuses. Gina Scott, qui est coryphée mais se voit parfois
donner des premiers rôles dans les ballets classiques (Nikija lors
de son arrivée dans la compagnie, ou prochainement Aurore dans La
Belle au bois Dormant), m’a paru lutter contre sa variation
(celle des cabrioles, qui n'est en général pas la plus
intéressante). Cependant, dans le reste du pas de trois, il est
difficile de décrocher son regard de cette si belle danseuse. Quand
à Duosi Zhu, qui me fascine dans les pièces néo-classiques (Kylian
en général), j’ai moins accroché de la voir dans ce genre de
registre.
Dans le fameux pas de
deux du Voile, Melissa Hamilton semblait assez stressée, mais une
fois l'épreuve passée, elle s'est littéralement abandonnée et m’a
vraiment semblé irréelle, tel un songe de ce pauvre Solor, dont le
retour à la réalité a paru douloureux.
Habituée à la version
de Noureev, j'en avais oublié que le ballet ne s'arrête pas au
Royaume des Ombres. Et ce fut aussi terrible de devoir me
« réveiller » de ce moment intemporel pour assister au
mariage forcé pour Solor avec Gamzatti. Le pauvre semblait tellement
triste et elle si agacée de le voir songeur, la tête ailleurs, que
ce fut un moment vraiment appréciable du ballet. Une fois encore, le
Brahmane et le Père ont tenu l'intrigue, et les apparitions de la
Bayadère que seul Solor semblait voir tranchaient avec la pantomime
claire des deux hommes. A la toute fin, les dieux abattent la foudre
sur le palais qui se scinde en plusieurs morceaux et l'apparition
fantomatique de la Bayadère qui vient chercher son Solor, dans ce
halo de lumière qui les fait apparaître tels des ombres, sera une
image que je garderai longtemps en mémoire.
Aurélie Lafaye © 2016, Dansomanie
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Melissa Hamilton (Nikiya) - István Simon (Solor)
La Bayadère
Musique : Ludwig Minkus, arrangement David Coleman
Chorégraphie : Aaron S. Watkin d'après Marius Petipa
Mise en scène : Francine Watson Coleman
Décors : Arne Walther
Costumes : Erik Västhed
Lumières : Bert Dalhuysen
Nikiya – Melissa Hamilton
Solor – István Simon
Gamzatti – Courtney Richardson
L'Idole dorée – Julian Amir Lacey
Kanj, le Grand Brahmane – Ralf Arndt
Le Père de Gamzatti – Hannes-Detlef Vogel
Ekavir, ami de Solor – Fabien Voranger
Madhavan, le Grand Fakir – Houston Thomas
Première Ombre – Chiara Scarrone
Deuxième Ombre – Gina Scott
Troisème Ombre – Duosi Zhu
Semperoper Ballett Dresden
Sächsische Staatskapelle Dresden, dir. Mikhail Agrest
Vendredi 4 mars 2016, Semperoper, Dresde
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