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critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

17 mars 2016 : Coppélia (Charles Jude) au Théâtre du Capitole


Coppélia
Maria Gutierrez (Swanie), Davit Galstyan (Fonzy)


La venue au répertoire du Ballet du Capitole de Charles Jude de Coppélia, au moment même où le Ballet de Bordeaux interprète pour la première fois La Reine morte de Kader Belarbi, n’est pas qu’un simple clin d’œil, ou un échange ponctuel de bons procédés. Cet échange concrétise et s’inscrit dans un projet de grande ampleur qui consiste à rapprocher, et à créer une certaine synergie entre les trois grandes compagnies de danse classique du sud-ouest de la France, à savoir le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, le Ballet du Théâtre du Capitole de Toulouse ainsi que le Malandain Ballet Biarritz. Déjà initié avec la venue à Toulouse en 2015 de Thierry Malandain pour la transmission de L’Amour sorcier au Ballet du Capitole, ce rapprochement des trois compagnies, démarche probablement inédite en France en ce qui concerne la danse, est dès à présent riche d’un nom solennel qui en impose : le Pôle de Coopération chorégraphique du Grand Sud-Ouest. Il ouvre surtout un ensemble de perspectives multiples à même d’impulser une nouvelle dynamique à l’art du ballet. Recherche de nouveaux partenariats, de nouveaux chorégraphes, diversification du répertoire, échanges de danseurs, maillage territorial, nouvelles possibilités de tournées,  productions communes (que l’on se plait à imaginer de vastes dimensions), toutes ces pistes seront dans le champ d’investigation de cette nouvelle structure. C’est sans doute aussi une nouvelle phase qui s’ouvre dans le mandat de Kader Belarbi à la tête de la compagnie toulousaine.

Coppélia
Jackson Carroll, Solène Monnereau (Corps de ballet)

La relecture de Coppélia de Charles Jude est déjà bien connue, souvent reprise par la compagnie, ayant même bénéficié d’une captation en vidéo à l’occasion d’une tournée à Venise et diffusée sur des chaînes de télévision. Sa transposition dans une ville portuaire américaine au début des années 50 séduit immédiatement. On est certes très loin du fantastique cauchemardesque d’E.T.A. Hoffman dans L’Homme au sable, mais l’argument de Charles Nuitter de 1870 l’était tout autant en ne conservant du conte que les éléments de comédie, déplacés quant à l’exotisme dans une bourgade de Galicie. Le thème de la femme double (tantôt trop réelle, tantôt inaccessible) appartenant à l’histoire du ballet romantique était en quelque sorte dès le départ tourné en dérision.


Coppélia
Davit Galstyan (Fonzy), Maria Gutierrez (Swanie)

Dans le paysage urbain des fifties, il ne manque rien pour satisfaire notre imaginaire. L’enchevêtrement des escaliers de secours à la façon de West Side Story, la vitrine de bar des huiles d’Edward Hopper, les barmaids court vêtues, les néons agressifs, la grosse moto et sa borne à essence forment le cadre du premier tableau tandis que le deuxième nous emmènera dans un intérieur art déco. La couleur locale ne s’arrête cependant pas aux décors et costumes. La chorégraphie y participe aussi, notamment pour les ensembles aux accents jazzy. Si la czardas prend des allures de tango, on est à d’autres moments tout près du rock acrobatique. Ce sont d’ailleurs les parties dévolues au corps de ballet qui sont les plus réjouissantes dans ce Coppélia. La qualité des danseurs toulousains, notamment ceux choisis pour les amis de Fonzy et de Swanie, fait merveille en réussissant à allier une technique bondissante à un jeu scénique irrésistible.

Coppélia
Jérémy Leydier (Coppélius)

Coppélius prend un costume et une dégaine de mafioso, mais ses activités privées semblent se réduire à sa collection d’automates, inspirés pour la plupart par le cinéma hollywoodien. La poupée qu’il rêve d’animer est une fidèle reproduction de Marilyn Monroe (une Marilyn intellectuelle qui passe ses journées à lire derrière sa fenêtre), dont la célèbre robe blanche de Sept Ans de réflexion fait vite tourner la tête du volage Fonzy.

Coppélia
Maria Gutierrez (Swanie)

Si la variation de Coppélius est entièrement nouvelle et développe une expression contemporaine (Jérémy Leydier excellent quoique manquant de poids dans la pantomime), les danses du couple principal restent dans un langage académique proche des versions traditionnelles. Maria Gutierrez s’est approprié le rôle de Swanie grâce à une technique stupéfiante et aussi un sens de la comédie qui n’est plus à prouver. Ses dégagés, ses pointes, ses équilibres la montrent légère et virevoltante, insaisissable devant Coppélius, résolue devant Fonzy. Davit Galstyan, très crédible en marin aventureux, fait montre à ses côtés d’un engagement physique sans réserve, à l’œuvre dans son impressionnante variation concoctée par Charles Jude. A noter que l’orchestre du Capitole était bien présent dans la fosse, élément indispensable, par exemple pour imprimer la tension nécessaire au sinueux solo de la ballade de l’épi.

Coppélia
Maria Gutierrez (Swanie), Jérémy Leydier (Coppélius)

La concomitance de l’échange des deux productions (La Reine morte à Bordeaux, Coppélia à Toulouse) a conduit Charles Jude et Kader Belarbi, de même que les maîtres de ballet Emmanuelle Broncin, Minh Pham et Eric Quilleré à se multiplier entre Bordeaux et Toulouse pour réaliser les chorégraphies et maintenir la cohérence du style exigé. Qu’ils soient remerciés de leur travail.




Jean-Marc Jacquin © 2016, Dansomanie

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Coppélia
Davit Galstyan (Fonzy)



Giselle
Musique : Léo Delibes
Chorégraphie et mise en scène :
Charles Jude
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr

Swanie
Maria Gutierrez
Fonzy 
Davit Galstyan
Coppélius Jérémy Leydier
Six Amies – cilla Cattafesta, Julie Loria, Tiphaine Prévost
Tabatha Rumeur, Eukene Sagues Abad, Ilana Werner

Six marins Matthew Astley, Minoru Kaneko, Nicolas Rombaut
Ramiro Samon, Philippe Solano, Demian Vargas


Ballet du  Capitole de Toulouse
Orchestre du Capitole de Toulouse, dir. Nathan Fifield

Jeudi 17 mars 2016,  Théâtre du Capitole, Toulouse


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