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Ballet du Capitole de Toulouse
20 décembre 2015 : Giselle (Kader Berlarbi) au Théâtre du Capitole
Julie Charlet (Giselle)
Le
Ballet du Capitole s'est fait attendre. On n'était plus
habitué à voir la saison s'ouvrir seulement pour la
période des fêtes, après de longs mois de
relâche. Il faut dire que ces derniers temps, le public des
balletomanes toulousains commençait à traîner les
pieds pour venir applaudir ses danseurs favoris. Fallait-il alors
incriminer un calendrier mal négocié, une programmation
ronronnante, ou bien une tendance à plus long terme? Quoi qu'il
en soit, il était devenu nécessaire de mettre au point
une création de prestige, conçue sur mesure pour la
troupe de danseurs, propre à mettre en valeur ses talents,
à même d'impulser une nouvelle dynamique à la
compagnie et susceptible de marquer les esprits pour l'avenir.
Pouvait-il y avoir meilleur choix que Giselle,
ballet quintessence du romantisme français, dont la tradition
s'est peu ou prou perpétuée depuis le milieu du
19ème siècle, mais qui n’est pas si souvent
présenté sur nos scènes de manière
satisfaisante?
Giselle, acte I
Tous
les moyens ont été réunis pour la réussite
de l’entreprise et Kader Belarbi s’est adressé pour
l’assister à des figures connues et reconnues. Les
décors de Thierry Bosquet placent le premier acte dans un
village de vignerons, à l’heure des vendanges. Les tulles
superposés, éclairés par les lumières de
Sylvain Chevallot, créent un magnifique effet de
trompe-l’œil végétal, dont la présence
tranche d’emblée avec les habituelles toiles peintes
surannées. Côté jardin, l’humble maison
où Giselle vit avec sa mère. Côté cour, des
barriques et des cuves, des troncs d’arbres en guise de banc,
aussi réalistes que possible. Les costumes imaginés par
Olivier Bériot, déjà complice de Kader Belarbi
dans ses précédents ballets narratifs, s’inspirent
directement, pour ceux des vignerons, des scènes de village de
Pieter Bruegel l’Ancien. Leurs étoffes drues aux couleurs
franches contrastent avec les robes soyeuses des dames de la chasse, et
encore davantage avec les tulles immaculés entourant les Wilis
comme des nuées. Soulignons aussi le bijou de Bathilde, si
important au premier acte, spécialement conçu par Marc
Deloche, architecte-bijoutier.
Julie Charlet (Giselle), Demian Vargas (Hilarion), Davit Galstyan (Albrecht)
Au deuxième acte, la forêt nocturne
forme un écrin propre à faire naître toutes les fantasmagories. Le
tableau de l’apparition des Wilis illustre d’ailleurs à
merveille la convergence, la synergie des talents qui ont concouru à
la réussite de la production. L’éclairage lunaire, mêlé de
brume, les parcours sur pointes semblant flotter dans la pénombre,
les déplacements furtifs et aériens, les tutus vaporeux et les
voiles qui s’enroulent autour des paysans apeurés, composent un
moment magique irrésistible, auquel a aussi participé Laure Muret
comme chorégraphe, en collaboration avec Kader Belarbi.
Giselle, acte I
La construction dramatique est particulièrement soignée.
Les personnages semblent vivre sous nos yeux, par la justesse de leurs
réactions, ainsi que la clarté de la pantomime.
L’esprit du théâtre chorégraphique, dans
lequel danse et pantomime se conjuguent pour raconter une histoire, est
constamment respecté dans sa vérité. On
reconnaît la patte de Belarbi à de menus détails,
par exemple dans cette réserve distante qui
s’établit entre les paysans et la seigneurie,
mélange subtil de respect et de méfiance. Le
directeur-chorégraphe s’est exprimé à plein
dans les vigoureuses danses des vignerons, très neuves,
terriennes, où les passages au sol s’inscrivent dans la
fluidité de l’ensemble. Contraste on ne peut mieux venu,
les personnages nobles évoluent pour leur part en de savantes
sarabandes alanguies.
Ilana Werner (Myrtha)
S’intercale
de manière naturelle le traditionnel pas de deux dit «des
vendangeurs», remplacé par un élégant et
alerte pas de quatre, où brillent les vaillants Matthew Astley
et Philippe Solano. Dans les rôles principaux, Kader Belarbi a
désassorti son couple le plus chevronné pour donner leur
chance à de plus jeunes. Ainsi, pour la première,
c’est Julie Charlet, première soliste, qui accompagne
Davit Galstyan, tandis que Takafumi Watanabe est l’Albrecht de
Maria Gutierrez dans l’autre distribution. Julie Charlet
possède toutes les qualités d’une Giselle de valeur
supérieure : la fraîcheur, la technique de pointe,
l’arabesque poétique, le moelleux. Son personnage,
travaillé auprès de la grande Monique Loudières,
apparaît plus volontaire et moins timide qu’à
l’accoutumée au premier acte, et sa désillusion
n’en est que plus cruelle. Son évolution vers la folie,
sans chute de tension, impressionne. Peut-être lui manque-t-il
cet engagement et cet abandon tellement frappants chez
l’idéale Maria Gutierrez, aussi bien en jeune paysanne
qu’en être immatériel. Mais nul doute qu’elle
approfondira le rôle.
Julie Charlet (Giselle)
C’est
justement l’approfondissement de son rôle qui a fait de
Davit Galstyan l’un des meilleurs interprètes de
Loys-Albrecht. Solide et précis, il transcende les passages les
plus techniques, telle la série de 32 entrechats de la coda,
pour les mettre au service de l’expression, et son personnage est
extrêmement bien pensé et conduit. L’Hilarion de
Demian Vargas s’inscrit lui aussi au rang des meilleurs,
tellement sa danse est large. Son rôle prend une épaisseur
dramatique qui le hisse à la hauteur du couple principal, tout
en se démarquant par le style du prince Albrecht.

Julie Charlet (Giselle), Davit Galstyan (Albrecht)
On le voit, les
danseurs se sont mis à l’unisson de la conception de Kader
Belarbi, comme en témoignent encore les impeccables alignements
des Wilis. Et en renouvelant la tradition pour la rendre plus actuelle,
dans une production appelée à renforcer sa
renommée, le Ballet du Capitole a superbement
récompensé le public de sa longue attente.
Jean-Marc Jacquin © 2015, Dansomanie
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Julie Charlet (Giselle), Davit Galstyan (Albrecht)
Giselle
Musique : Adolphe Adam
Chorégraphie : Kader Belarbi, assisté de Laure Muret
Décors : Thierry Bosquet
Costumes : Olivier Bériot
Lumières : Sylvain Chevallot
Giselle – Julie Charlet
Loys/Albrecht – Davit Galstyan
Hilarion – Demian Vargas
Berthe – Laura Fernandez
Wilfried – Nicolas Rombaut
Bathilde – Julie Loria
Le Duc de Courlande – Ramiro Samon
Myrtha – Ilana Werner
Ballet du Capitole de Toulouse
Orchestre du Capitole de Toulouse, dir. Philippe Béran
Dimanche 20 décembre 2015, Théâtre du Capitole, Toulouse
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