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critiques et comptes rendus
Ballet du Mariinsky

25 & 26 octobre 2015 : La Belle au bois dormant (Petipa / Sergueïev) au Mariinsky II


La Belle au bois dormant
Kristina Shapran (La Fée des lilas)


Dans le monde actuel, il n'y a pas beaucoup de compagnies qui, comme le Théâtre Mariinsky, peuvent garder à l'affiche les mêmes spectacles pendant plus d'un demi-siècle sans jamais en renouveler la rédaction ou les décors. Le Mariinsky est chargé de conserver l'héritage du ballet classique russe, une mission qu'il accomplit tant bien que mal. C'est au sein de cette compagnie  mythique qu'ont vu le jour les grands ballets classiques tels que La Bayadère et La Fille du pharaon, ainsi que les versions de Marius Petipa du Corsaire, de Giselle, de Coppélia et de La Fille mal gardée devenues canoniques - et pas seulement en Russie -, et c'est sur sa scène mythique qu'ont été créés Le Talisman, La Belle au bois dormantCasse-noisetteLe Lac des cygnes de Petipa/Ivanov, Raymonda et bien d'autres. De ce qui reste de ce grand héritage classique au répertoire actuel de la compagnie, seuls Les Sylphides et Le Carnaval de Michel Fokine, ainsi que Giselle, n'ont pas été touchés par de grands changements. L'héritage de l'époque soviétique du théâtre a eu un peu plus de chance. Certes, il y a des pertes, probablement irrécupérables, comme, par exemple, les chorégraphies de Fedor Lopoukhov, mais néanmoins certains spectacles sont toujours à l'affiche dans les versions princeps depuis leurs créations, ce qui est le cas de La Fontaine de Bakhtchissaraï de Rostislav Zakharov (1934), de Roméo et Juliette de Leonid Lavrovsky (1940), ou encore de La Légende de l'amour de Youri Grigorovitch (1961). Le répertoire du Mariinsky compte également  les reconstructions des ballets de Léonid Jakobson, Şüräle [Chouralé] (1950) et Spartacus (1956), ainsi que de La Symphonie de Léningrad d'Igor Belski (1961), effectuées pendant la première décennie du XXI siècle. Les rédactions des ballets classiques, qui datent du milieu du XXe siècle, constituent la partie la plus  importante du patrimoine de la compagnie, qui marie les deux périodes de son histoire : impériale et soviétique. Casse-noisette de Vassili Vaïnonen (1934), La Bayadère de Vladimir Ponomarev et Vakhtang Tchaboukiani (1941), Raymonda (1948), Le Lac des cygnes (1950) et La Belle au bois dormant (1952) de Konstantin Serguéïev comprennent les trouvailles et les modifications antérieures apportées aux chorégraphies de Petipa et Ivanov après la révolution de 1917, notamment, par  Vaganova et Lopoukhov. Durant leur vie scénique au Théâtre Kirov, certaines de ces rédactions ont encore subi quelques changements et des ajouts. En même temps, un grand nombre de ces modifications sont déjà devenues un standard. Tout cela rend ces rédactions dites "soviétiques" très intéressantes du point de vue de la genèse des grands classiques du ballet tels qu'on les connaît actuellement à travers le monde. De nombreuses tentatives de reconstructions des chorégraphies originales de Petipa et Ivanov à partir des notations Stepanov ne font qu'augmenter cet intérêt.

C'est Sergueï Vikharev qui s'est chargé des reconstructions historiques au Mariinsky : La Belle au bois dormant en 1999, La Bayadère en 2000, Le Réveil de Flore en 2007, Le Carnaval en 2008. Bien que cette expérience ait été particulièrement enrichissante, seuls les deux derniers spectacles ont été maintenus au répertoire du théâtre. La reconstruction de la production originale de La Belle au bois dormant à partir du manuscrit de Nikolaï Serguéïev en 1999 fut la première expérience de ce genre en Russie. Et si ce spectacle ne peut pas être considéré comme parfaitement authentique sur le plan chorégraphique, notamment en ce qui concerne le troisième acte, ni sur le plan de l'interprétation, le remarquable effort de recherche (qui inclut également la scénographie et la partition de Tchaïkovski) fait par l'équipe de Sergueï Vikharev a donné l'idée précise du concept original d'Ivan Vsevolojski, pour ce qui est de l'équilibre entre la pantomime et la danse selon Petipa et comment sa chorégraphie fonctionnait avec les tempi du compositeur. En fin de compte, ça nous a permis de mieux comprendre non seulement la genèse du chef-d’œuvre de Vsevolojski-Petipa-Tchaïkovski, mais aussi l'impact  de la rédaction de Konstantin Sergueïev (1952) sur un nombre de versions postérieures du ballet.

La Belle au bois dormant
Svetlana Ivanova (La Fée du Courage)

Au début des années 50, lorsque Konstantin Serguéïev et Simon Virsaladzé se sont chargés de monter une nouvelle production de La Belle au bois dormant au Théâtre Kirov, la compagnie comptait dans son répertoire la rédaction de Fedor Lopoukhov créée d’après Petipa en 1922, avec les décors de Konstantin Korovine conçus pour la reconstruction du ballet par Nikolaï 
Serguéïev en 1914. Ces reconstructions antérieures avaient déjà apporté au ballet de Petipa quelques modifications plus ou moins importantes. Konstantin Serguéïev, procédant à son tour à la reconstruction de La Belle au bois dormant, a confirmé cette tendance. Il a adopté des modifications déjà existantes et en a rajouté bien d’autres, plus importantes encore. K. Serguéïev estimait que "dans les ballets de l’héritage classiques, il est nécessaire, en gardant le lexique dansant, de renouveler les scènes de jeu et de pantomime parce que celles-ci perdent vite leur actualité". Ceci était son instruction d’agir dans son travail sur La Belle. En conservant la structure du ballet, il a réduit au maximum la pantomime, ce qui a eu un impact immédiat sur le concept général. Privé de ses jeux de scène d’étiquette et de rituels de la cour, La Belle au bois dormant a perdu sa connotation initiale, en devenant un simple conte de fées. Débarrassé de son passé impérial, le ballet a été mis au goût du jour. Les Fées du prologue, aux noms allégoriques français, qui ne disaient plus grand-chose à la majorité du public, ont été rebaptisées. Candide est devenue la Fée de la Tendresse, Coulante ou la Fleur de farine est devenue la Fée de la Vivacité, Miettes qui tombent s’est transformée en Fée de la Générosité, Canari qui chante est devenue la Fée de l’Insouciance, tandis que la Violante est devenue la Fée du Courage. En revanche, étant plus respectueux du langage dansant de Petipa, K. Serguéïev a cherché à conserver ses combinaisons de pas dans les ensembles, même lorsqu’il a changé la géométrie des mises en scènes de groupe.

Les modifications les plus radicales ont touché le prologue et le second acte. La structure du prologue n’a pas changé, mais la géométrie et la chorégraphie du pas de six ont été modifiées. Le corps de ballet masculin a été supprimé, les ensembles ont été entièrement repensés. Certains éléments de la chorégraphie de Petipa (les mouvements des danseuses et quelques placements de groupe) ont été pourtant gardés. 
Serguéïev a conservé les variations originales des fées, à l’exception de celle de la Fée des Lilas. Lopoukhov, l’auteur du mythe selon lequel chez Petipa le rôle de la Fée des Lilas, à l’instar de celui de Carabosse, était purement pantomimique (son argument principal – Maria Petipa, qui avait créé le rôle, "ne savait pas danser"), lui a composé une nouvelle variation. Serguéïev a recyclé cette variation, devenue depuis canonique (actuellement, elle est dansée par les plus grandes compagnies, telles que le Mariinsky, le Bolchoï et l’ONP). Dans sa rédaction, le rôle de la Fée des Lilas est devenu plus dansant. Elle a perdu sa pantomime, que Serguéïev a remplacé par les pas de bourrée interminables agrémentés de quelques arabesques et tours, mais a récupéré une variation au troisième acte. Il s’agit de la variation sur la musique de la variation de la Fée-Or que Marius Petipa a chorégraphiée pour Carlotta Brianza, qui a créé la princesse Aurore au Mariinsky. Lors de la première de 1890, elle remplaçait la variation originale d’Aurore dans le pas d’action du second acte. Révisée par K. Serguéïev au point qu’il ne lui reste plus rien de commun avec l’original que le début (une série des développés à la seconde), elle précède dans sa rédaction le pas de quatre des Fées précieuses au troisième acte.

Un autre rôle qui a été revalorisé par 
Serguéïev est celui du prince Désiré. Les partisans des versions des ballets classiques plus tardives de Grigorovitch ou de Noureev reprochent souvent à celles de Serguéïev leur pauvreté en danse masculine. Mais chez Petipa, les hommes dansaient encore moins, ne servant que d’écrin à la ballerine. Serguéïev, étant lui-même un danseur brillant, a rajouté une nouvelle variation sur la musique de la Danse des Comtesses (ce morceau musical n’était pas utilisé dans le spectacle original de Petipa) dans la scène de chasse au second acte. Serguéïev a également chorégraphié la variation de Désiré pour le pas de deux du troisième acte. Comme on sait, la première de 1890 avait été dansée par Pavel Gerdt, qui, à ce moment-là, avait déjà quarante-cinq ans, c’est probablement la raison pour laquelle Petipa a remplacé la variation de Désiré par la variation des Fées Or et Argent. Ainsi, avec les deux variations et la brève scène pantomimique entre le pas d’action et le Panorama devenue dansante, le prince Désiré dans la rédaction de Serguéïev bénéficie de trois solos.

Dans le pas d’action du premier acte, l’adage et la variation d’Aurore originales n’ont presque pas été touchés par les changements. Le porté aérien avec quatre Cavaliers rappelle les portés du grand adage de Casse-noisette de Vaïnonen. Par contre, les pages ont disparu de la Danse des Demoiselles d’honneur, ce qui a eu des conséquences sur tout l’ensemble. Néanmoins, les combinaisons chorégraphiques ont été conservées au maximum. La danse d’Aurore avec le fuseau ainsi que la Valse villageoise n’ont pas été modifiées non plus. Le nombre de couples adultes valsant a été réduit de vingt-quatre à seize tandis que le nombre d’élèves (vingt-quatre) est resté le même. En revanche, le corps de ballet de la scène de la Vision a été augmenté de seize à vingt-quatre nymphes, un changement qui est intervenu encore lors de la reconstruction de La Belle au bois dormant par Nikolaï Serguéïev en 1914. Konstantin Serguéïev, n’ayant presque pas touché aux ensembles des nymphes (sauf là où c’était imposé par les modifications concernant les solistes : dans l’entrée et la première partie de l’adage), a complètement repensé la chorégraphie des personnages principaux. Lui et sa femme Natalia Doudinskaïa ont créé eux-mêmes la princesse Aurore et le prince Désiré lors de la première de 1952. Les changements opérés par 
Serguéïev avaient pour vocation de faire briller le couple principal. Dans l’adage, on retrouve les portés hauts combinés alors dans l’air du temps. Ces changements radicaux dans la scène du Rêve ont été souvent reprochés à Konstantin Serguéïev. Pourtant, la version de Serguéïev a ses vertus et sa propre logique (Aurore ne se jette pas tout de suite dans les bras de Désiré en portés aériens, mais  apparaît comme une vision lointaine sur la musique de l’adagio qui commence tout en délicatesse). On retrouve ses motifs chez Grigorovitch et Noureev. La variation d’Aurore sur la musique originale de Tchaïkovski prévue à cet effet est devenue un standard.

La pantomime est conservée dans la scène de la Chasse, qui, comme le Colin-maillard, est devenue moins peuplée. Le résultat invariable du jeu de fléchettes (qui a remplacé le tir à l’arc de l’original) fait toujours sourire le public, surtout lorsque la fléchette du prince passe à trois mètres de la cible. La Danse des Baronesses a remplacé la danse des Duchesses. La Farandole est restée à sa place, mais a été  transformée au point de ne plus correspondre à son nom. De l’original, la Farandole n’a gardé que le pas principal.  Huit couples de danseurs ont été remplacés par quatre "musiciens" dansants et un couple de solistes, peu nombreux pour mener une ronde.

Dans l’acte trois, quelques modifications ont été apportées à la chorégraphie de l’entrée des Fées précieuses dans le pas de quatre, du pas de deux de l’Oiseau Bleu et de la princesse Florine, ainsi que du pas de deux nuptial. Ces changements ce sont généralisés, on les retrouve depuis dans un grand nombre de versions de La Belle au bois dormant à travers le monde. La danse de Cendrillon et du Prince Fortuné, qui suit celle du Chaperon rouge et le Loup, a disparu du pas de caractère, mais ces personnages participent à la procession des comptes de Perrault. Le Pas de caractère félin et le Pas berrichon (le Petit Poucet, ses frères et l'Ogre) sont restés à leurs places. Les figures de la Mazurka finale ont également subi quelques modifications. L’apothéose a été raccourcie.

On accuse souvent Konstantin 
Serguéïev d’avoir cassé l’harmonie de la La Belle au bois dormant de Petipa. Peut-être. Mais à la place, il a créé une nouvelle harmonie dans l’esprit de son temps. Ce n’est pas pour rien si la Fée des Lilas qui personnifie l’harmonie dans son spectacle prend la place centrale dans l’Apothéose, celle qu’Ivan Vsevolojski, l’idéologue du ballet, avait initialement attribuée au Louis XIV. Comme on le sait bien, en raison de ses préférences personnelles et de la situation géopolitique, Vsevolojski a pensé La Belle au bois dormant comme un hommage à la France, avec la mise en scène et la  scénographie dans le style de Louis XIV. Simon Virsaladzé a créé pour le spectacle les nouveaux décors et les costumes, qui ont remplacé ceux de Konstantin Korovine (1914). L’action du conte s’étend sur deux siècles. L’histoire commence dans la France de François Ier et se termine  dans la France de Louis XIV. Les décors et les costumes doivent refléter ce changement, ce qui n’était pas les cas chez Korovine. Virsaladze a fait revenir cet aspect dans le ballet. Sa scénographie épurée, à l’instar de la ville où elle a été créée, met en valeur le spectacle de Serguéïev avec lequel elle forme un ensemble. Les spectateurs habitués aux productions fastueuses pourraient être déçus par la simplicité de ses costumes. Certes, on peut lui reprocher l’uniformité des costumes des cavaliers dans l’adage du premier acte ou l’aspect vieille peluche du Chat Botté, mais on peut aussi apprécier l’élégance sobre des costumes de Désiré ou des Fées précieuses et admirer le raffinement du tutu de mariage gris d’Aurore (celui-ci ainsi que quelques autres costumes utilisés actuellement ont été créés pour la rédaction du 1989, dont la scénographie était identique à celle de 1952 pour le reste). Et puis, la vertu ultime de ces costumes c’est qu’ils sont mis au service de la danse. Ils laissent aux danseurs la liberté du mouvement et ne font pas obstacle aux spectateurs qui veulent se concentrer sur le plus important – la danse. Mais les amateurs des fastes peuvent trouver leur compte dans l’apothéose où trois fontaines grandeur nature jaillissent devant la perspective digne du parc de Versailles.

La Belle au bois dormant
Alexeï Popov (Le Prince Désiré), Ekaterina Osmolkina (Aurore)

Au milieu des années 80, lors de la discussion sur l’authenticité dans le ballet et les problèmes de préservation  du patrimoine classique, Serguéïev a défendu la position que "les ballets de l’héritage classique peuvent être révisés périodiquement par les artistes contemporains, connaisseurs de la chorégraphie classique, s’ils deviennent archaïques et si leurs moyens expressifs ne correspondent plus au retentissement actuel du ballet". Petr Goussev, qui, à cette époque, s’était déjà repenti de ses anciennes interventions sur les ballets classiques, a défendu une position opposée, selon laquelle on devrait établir  "un principe de l’inviolabilité du texte chorégraphique, quel que ce soit son auteur, ainsi que l’interdiction de changer le texte". Le temps les a jugés à sa manière. En 1987, un mois après la mort de Petr Goussev, qui s’opposait à ce que ses propres rédactions, largement révisées, des ballets classiques soient transférées sur la scène du Théâtre Kirov, Oleg Vinogradov y a remonté Le Corsaire que Goussev avait créé pour le MALEGOT (МАЛЕГОТ : МАлый ЛЕтроградский ГОсударственный академический Театр -, aujourd’hui le Théâtre Mikhaïlovski) en 1963. En 1989, Konstantin Serguéïev, en association avec Natalia Doudinskaïa, a monté une nouvelle rédaction de la La Belle au bois dormant, avec la scène du Rêve d’après Petipa. Actuellement, alors que la mode des reconstructions historiques a envahi les scènes du monde, Le Corsaire de Goussev et  La Belle au bois dormant de 1952 de Serguéïev sont toujours à l’affiche du Mariinsky. Le spectacle est vivant tant qu’il ne perd pas son actualité aux yeux des spectateurs et tant que les artistes savent le danser ce qui est sûrement encore le cas.

Ekaterina Osmolkina est une ballerine précieuse, qui n'est jamais dans la démonstration. On ne peut pas dire que c'est une grande virtuose, mais elle nous séduit toujours par son sens du style et par son élégance. Attentive à la construction de ses personnages, elle est aussi fascinante dans les rôles lyrico-romantiques que dans les rôles d'ingénues. Sa princesse Aurore en est un bel exemple. Elle est si naturelle dans le rôle d'une jeune fille de seize ans, que l'on a l'impression que c'est sa façon d'être et non un jeu. Son Aurore est encore une enfant insouciante, respectueuse de ses parents, qui baisse les yeux de confusion au moment de la rencontre avec les prétendants. Cet effet est atténué par Vladimir Ponomarev dans le rôle du Roi (il l’interprétait déjà sur la vidéo du ballet datant de 1983), qui a vraiment l'âge de pouvoir être le père de tous ces princes, princesses, cavaliers, et même les fées, interprétés par ses collègues de scène. Quelle grande tendresse paternelle se lit dans son geste lorsqu'il pose sa main derrière le cou de sa petite Aurore! Ekaterina Osmolkina ne mise pas sur la prouesse technique, mais la pureté de sa danse, sensée, musicale, riche en accents, est un vrai plaisir pour les yeux. Dans l'adagio à la Rose, elle ne lève pas la main d'appui en troisième position, avant de la donner au cavalier suivant, mais n'oublie pas de remercier chacun d'entre eux d'un geste d'attention et, surtout, ne cherche pas l'équilibre. Son attitude ne bouge pas et lorsqu'elle passe la main au dernier cavalier, elle reste aussi parfaite qu'au début. Malencontreusement, un accroc intervient vers la fin de la diagonale des pas sur les pointes dans la variation du premier acte, sans pourtant casser la sensation d'harmonie inspirée par sa danse. Contrairement à Alina Somova, qui dansait la princesse Aurore le lendemain, Mlle Osmolkina ne cherche pas à surenchérir avec  les triples tours dans cette variation, se contentant de doubles, mais elle nous conquiert définitivement par sa prestation  pleine de lyrisme, entourée d’une aura de tristesse radieuse dans la scène de la Vision du second acte. Elle ne laisse aucun doute : le Prince charmant se jettera sans réfléchir au secours de cette beauté enchantée.

Alina Somova campe une princesse Aurore plus  distante, qui sait bien ce qu'elle vaut et qui consent à danser avec les Cavaliers parce qu'ils lui permettent de briller davantage, en formant un joli écrin à sa beauté. Sa danse est moins ciselée que celle de Ekaterina Osmolkina, mais c’est compensé par sa virtuosité.  Elle enchaîne des difficultés techniques avec une facilité déconcertante. Les fameux triples tours dans la variation du premier acte sont faits proprement, sans aucune précipitation - quoique, cette fois-ci, elle évite de prendre des risques et ne lève pas non plus  le bras entre les tours lents dans l'adagio avec les quatre Cavaliers. Il est regrettable que le petit côté démonstratif d'Alina Somova fasse que l'impression d'autosuffisance que laisse son Aurore s'introduise également dans la scène de la Vision, qui commençait pourtant d'une façon très prometteuse. Son apparition dans cette scène (dans cette version de 
Serguéïev, Aurore n'entre pas en scène par une diagonale tourbillonnante comme chez Petipa, mais apparaît modestement au fond du plateau, derrière les nymphes lorsque celles-ci s'écartent, telle une véritable vision) a débuté par une image iconique : les bras joliment arrondis, la tête légèrement inclinée et le visage d'une Madonne avec les yeux baissés - de la pure poésie pour émouvoir un jeune romantique. C'est avec une légèreté gracieuse qu'Alina Somova passe l'épreuve de l'adage du second acte, assez dur physiquement : la ballerine, sur une pointe, change plusieurs fois de poses, se tournant, se retournant et se faisant tourner par son partenaire. Les plus grandes techniciennes d’aujourd’hui ont du mal à passer ces moments sans tremblotements dans les chevilles, mais la prestation de Mlle Somova a été sans faille. Ceci étant dit, elle a eu pour partenaire Timour Askerov, un danseur bien plus expérimenté (malgré la différence d'âge insignifiante) qu'Alekseï Popov, qui faisait tout juste ses débuts dans le rôle du prince Désiré aux côtés de Ekaterina Osmolkina.

Les deux distributions ont  donné des couples principaux bien assortis : le couple princier à l'allure hautaine d'Alina Somova et Timour Askerov d'un côté et, de l'autre, le couple plus "frais", plus "jeune" formé par Ekaterina Osmolkina et Alekseï Popov. Le trac dû à la prise de rôle a probablement empêché Alekseï Popov de donner le meilleur de lui-même. Au fond, le rôle du Prince va plutôt bien à ce jeune danseur, qui a le port altier et une manière de danser élégante. Mais ce soir-là, il avait l'air très sérieux et même renfermé, pour ne pas dire coincé, dans le rôle du Prince Désiré ce qui a paradoxalement renforcé son côté "jeune débutant". La chorégraphie ne lui pose pas de problèmes techniques majeurs, mais sa prestation manque de fougue juvénile. Contrairement à Timour Askerov, parfaitement à l'aise dans ce rôle, une certaine réserve se lit dans  la danse d'Alekseï Popov. Le manège de jetés en tournant dans le pas de deux du troisième acte est exécuté avec un tempo funèbre, ce qui néanmoins permet de mieux apprécier la forme parfaite de ses sauts. Le partenariat avec Ekaterina Osmolkina a l'air un peu fragile sur le plan technique, les portés aériens sont bien exécutés, mais au parterre, la tension est palpable. C’est sûrement dû à la réserve d'un débutant. 

Alexeï Timofeev a prouvé qu'il est  actuellement le meilleur interprète du rôle de l'Oiseau bleu au Mariinsky. Ces dernières saisons, ses prestations dans ce rôle ont été plutôt inégales, mais le 26 octobre dernier, tout lui a réussi. La petite batterie bien articulée, les sauts tout en légèreté, les portés sans aucun effort visible. Konstantine Ivkine, qui s'est produit dans le même rôle le lendemain, a honnêtement accompli sa tâche, mais sa danse n'était pas aussi riche de ces détails qui ont tellement mis en valeur la prestation de son collègue plus expérimenté. Alekseï Timofeev répond à toutes les nuances de la partition de Tchaïkovski dont il donne l'impression de "chanter" chaque note avec son corps. Quel merveilleux travail des bras et du corps dans la diagonale des brisés dessous dessus. Son sourire décontracté lorsqu'il monte Nadejda Batoeva sur son épaule laisse croire que soulever la ballerine au-dessus de sa tête n'est qu'un moment de plaisir. Les rôles lyrico-romantiques, ce n'est peut-être pas ce qui va le mieux à Nadejda Batoeva, mais elle campe une Princesse Florine charmante, attentive au chant d'oiseau qui la guide, avec une danse propre, digne de son partenaire. En revanche, pour Anastassia Loukina, qui a fait ses débuts en Princesse Florine le soir suivant, ce rôle lui va très bien - d'ailleurs il y a eu quelques moments de grâce -, mais sa prestation n’était pas vraiment parfaite. L'ancienneté de cette jeune diplômée de l'Académie Vaganova, considérée comme la meilleure de sa promotion, au sein de la compagnie a moins de six mois. Actuellement, elle compose activement son répertoire, qui compte déjà plus de dix rôles crédités. Presque chacune de ses apparitions sur scène est liée à une prise de rôle. C'est probablement en partie  pour cette raison que, pour le moment, elle a du mal à satisfaire pleinement les attentes des balletomanes à son égard. Mais parfois sa danse révèle quelques problèmes basiques, ce qui est un signe inquiétant. Espérons qu'Anastassia Loukina arrivera à surmonter ces difficultés. Après tout, chez les danseurs, l'apprentissage continue pendant toute leur carrière, qu'on lui souhaite longue et brillante.

Les deux brigades de Fées sont toutes les deux aussi remarquables. Il serait difficile de donner la préférence à une distribution plutôt qu'à une autre.  Même Anastassia Assaben, la seule des Fées du prologue  qui a dansé deux soirs de suite, a eu chaque fois un accroc exactement au même moment de la variation de la Fée de la générosité (Miettes qui tombent). Nadejda Gontchar a dansé en maître la Fée du courage (Violante). Il était intéressant de la comparer avec Ekaterina Ivannikova, qui dansait la même variation la veille d'une manière différente, plus féminine et moins violente, mais tout de même  déterminée et autoritaire. Sofia Ivanova-Skoblikova et Valeria Martynuk se sont montrées aussi brillantes l'une que l'autre dans la variation étincelante de la Fée Diamant.

Igor Kolb, bien qu'attentif aux détails, a tendance à construire les personnages négatifs d'une façon un peu trop directe, ne laissant pas le moindre doute à leur égard. Le caractère  pantomimique du rôle de la Fée Carabosse offre aux interprètes une large palette pour dépeindre ce personnage, mais l'artiste préfère rester dans le registre monochrome, se contentant des nuances du gris. Il n'empêche que son interprétation plastique reste remarquable. Sa Carabosse est une marginale démoniaque grotesque, qui semble être née déjà vieille et moche. Qui voudrait voir un tel monstre approcher sa maison? Et l'inviter au baptême de sa fille - il n'en est pas question! A la Carabosse d'Igor Kolb, incarnant le Mal absolu, Islom Baïmouradov, le maître des rôles travestis au Mariinsky, oppose un personnage complètement différent. Sa Carabosse ne suscite pas forcément de l'aversion, car ses démons sont cachés. Elle est élégante, même belle, mais a un  mauvais caractère. Si la méchanceté du personnage de Kolb semble gratuite, la méchanceté de Carabosse de Baïmouradov est plutôt vindicative. Si on avait amadoué son ego comme dû, rien ne serait arrivé.

Comme dans chaque conte, aux forces du Mal, incarnées ici pas la Fée Carabosse et sa suite, résistent les forces du Bien représentées par les braves Fées et leur cheftaine la Fée des Lilas. Son arme principale, avec laquelle elle s'oppose au mal, est l'harmonie. Porter l'harmonie dans le monde est la vocation première de la Fée des Lilas campée par Ekaterina Kondaourova. Son personnage combine dans les proportions idéales beauté, majesté, bonté, bienveillance, providence et autorité. Mais dans le monde des humains, l'amour est la condition sine qua non de  l'harmonie. C'est pour ça que la Fée des Lilas se choisit pour allié un Prince charmant. Sans son grand amour pour la princesse Aurore, la victoire définitive sur les forces du Mal n'est pas possible.

Kristina Shapran construit un autre personnage de la Fée des Lilas, plus lyrique et moins autoritaire. C'est une bonne fée-marraine très engagée, qui prend à cœur tout ce qui concerne Aurore comme si c'était sa propre fille, ce qui n'est pas infondé. Après tout, la Fée des Lilas est en quelque sorte la deuxième mère d'Aurore, c'est elle qui lui offre une seconde vie, c'est elle qui amène l'amour dans sa vie, en arrangeant sa rencontre avec le Prince charmant. Mais une telle interprétation déplace les accents : le prince Désiré n'est plus seulement l'instrument de la Providence dans la lutte contre le Mal, mais devient le moyen d'assurer l'avenir heureux de la princesse Aurore, un don offert par sa marraine.

Les deux danseuses se sont bien acquittées de leur tâche technique. Pour Ekaterina Kondaourova, c'était sa première apparition sur scène après une longue pause forcée à cause d'une blessure. Radieuse, bien en forme, la ballerine vivait ce retour comme une fête,  sensation qu'elle a généreusement partagée avec le public. De son côté, Kristina Shapran a fait beaucoup de progrès dans le rôle de la Fée des Lilas qu'elle danse déjà depuis un an. Certains tours se terminent encore par le désaxement, mais les chutes de pointes et les ajustements à répétition sont restés dans le passé.

Le corps de ballet, les solistes de caractère et de demi-caractère ont été admirables. Ce ne pouvait pas être autrement - La Belle au bois dormant fait partie du patrimoine de la compagnie. La représentation du 26 octobre est déjà la 900ème depuis la création du ballet. Et même si on entend régulièrement des voix de ceux qui déplorent, à tort ou à raison, la disparition de l'ancien style pétersbourgeois, on ne peut pas nier que les artistes du Mariinsky savent encore mieux que quiconque danser les ballets classiques. Ils ont toujours un style qui les distingue parmi d'autres compagnies, comme "l'accent" des Pétersbourgeois les distingue des habitants des autres régions de la Russie. Il ne faut pas aller loin pour le comprendre. Le Mariinsky engage activement les jeunes danseurs issus des autres écoles à la géographie très variable. Certains d'entre eux s'intègrent facilement, d'autres ont plus de difficultés à correspondre au style de la compagnie. Parmi les coryphées  que l'on pouvait apercevoir sur scène lors des deux représentations de la Belle il y avait une qui se montrait comme un intrus. Elle est là depuis quelques saisons, mais n'arrive toujours pas à s'aligner avec les autres danseuses et il est peu probable qu'un jour elle deviendra la porteuse du style pétersbourgeois. Mais ce n'est qu'une exception qui confirme la règle.

La réintégration de l'entracte andante avec le solo de violon, suivant le Panorama, coupé encore par Petipa lors de la création de La Belle au bois dormant, est sans doute une des vertus de cette rédaction de Konstantin
Serguéïev. A la surprise des néophytes et au plus grand plaisir des habitués, l'orchestre surgit du fond de sa fosse pour remplir la salle d'une musique d'une beauté irréelle, alors que la scène reste voilée par un rideau décoratif. Cela reste toujours un des moments les plus intenses du spectacle. Les spectateurs les plus indisciplinés deviennent les auditeurs attentifs. Le public semble avoir peur de respirer pour ne pas casse l'harmonie qui règne dans la salle pendant ce moment de communion avec la musique de Tchaïkovski. Cet entracte joue aussi un rôle dans la narration, il symbolise le temps qui passe (plus facile à dire qu'à faire) tout en plongeant les spectateurs dans l'univers émotionnel de Désiré, les préparant ainsi au tableau suivant. Dans cette rédaction (et ce depuis la version de Lopoukhov de 1922), le prince Désiré est un personnage actif. Contrairement au conte de Perrault et au ballet de Vsevolojski/Petipa, le chemin du Prince vers sa Belle est épineux. Il ne suffit plus de passer entre les arbres et les ronces qui s'écartent d'elles-mêmes. C'est toujours la Fée des Lilas qui l'aide à parvenir au château, mais, avant d'embrasser sa princesse endormie, Désiré doit affronter et vaincre les forces du mal. Dans la même logique, la scène avec les Tricoteuses au début du premier acte est censée de renforcer la dramaturgie du ballet en désignant le temps qui passe dans l'angoisse de perdre la Princesse. Dommage qu'elle soit coupée dans cette rédaction, surtout que les décors prêtent à sa présence. Plus tard, Konstantin Serguéïev l'a reconstruite et réintégrée dans la rédaction de 1989, mais elle a été de nouveau perdue au moment où le Mariinsky s'est tourné à nouveau vers la rédaction de 1952.

Depuis deux tiers de siècle d'existence, La Belle au bois dormant de Konstantin 
Serguéïev est devenue un classique. De nombreuses générations de spectateurs et d’interprètes ont grandi avec. C’est en quelque sorte une anthologie du ballet classique de l’époque soviétique, comme La Belle au bois dormant de Petipa est l’anthologie du ballet classique de son époque. La cohabitation des deux versions du ballet dans le répertoire du Mariinsky, comme c’était le cas au début des années 2000, aurait été judicieuse pour le théâtre. Le caractère de cette cohabitation ne devrait en aucun cas être concurrentiel, car les deux spectacles se complètent et offrent aux spectateurs et aux danseurs une plus grande compréhension de l’œuvre. La récente reprise de la reconstruction du Réveil de Flore a montré que la troupe du Mariinsky aime et sait danser les ballets anciens et qu’il existe toujours une demande de ces ballets de la part du public. La Belle au bois dormant, une pierre angulaire du ballet russe, mériterait plus qu’un autre ballet qu’on lui rende un tel hommage. Il est difficile de surestimer son impact sur l’histoire du ballet au XX siècle. La Belle au bois dormant est la marraine des Ballets Russes. Selon Alexandre Benois, s’il n’était pas tombé amoureux de La Belle et n’avait pas "contaminé par son enthousiasme ses amis" du Monde de l’Art, les Ballets Russes et "toute la balletomanie engendrée par leur succès n’existeraient pas". La Belle au bois dormant est aussi la marraine du Royal Ballet, dont l’histoire a commencé avec ce ballet de Tchaïkovski et Petipa. Enfin, La Belle au bois dormant fut la première rencontre des deux génies, le compositeur et le chorégraphe. Sans cette rencontre, il n’y aurait eu ni Casse-noisette ni probablement du Lac des cygnes, devenu la carte de visite du Mariisnky et le symbole même du ballet.
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Elena Kushtyseva © 2015, Dansomanie



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La Belle au bois dormant
Alexeï Popov (Le Prince Désiré), Ekaterina Osmolkina (Aurore)


La Belle au bois dormant  / Спящая красавица
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Chorégraphie
: Marius Petipa, révisée par Konstantin Sergueïev
Argument : Ivan Vsevolozhsky et Marius Petipa d'après Charles Perrault
Décors et costumes : Simon Virsaladzé


Le Roi  – Vladimir Ponomarev (25/10), Nikolaï Naoumov (26/10)
La Reine – Elena Bajenova (25/10), Ekaterina Mikhaïlovtseva (26/10)
La Princesse Aurore – Ekaterina Osmolkina (25/10), Alina Somova 26/10)
Le Prince Désiré – Alexeï Popov (25/10), Timour Askerov (26/10)
Les Cavaliers de la princesse – Dmitri Pykhatchov, Roman Beliakov, Maxim Zuzine, Youri Smekalov (26/10)
Konstantine Zverev, Ivan Oskorbine, Aleksandre Beloborodov, Andreï Soloviev (
26/10)
La Fée des Lilas – Kristina Shapran (25/10), Ekaterina Kondaurova (26/10)
La Fée de la Tendresse – Diana Smirnova (25/10), Ksenia Ostreikovskaïa (26/10)
La Fée de la Vivacité – Anna Lavrinenko (25/10), Tatiana Tiligouzova (26/10)
La Fée de la Générosité – Anastasia Assaben
La Fée de l'Insouciance – Valeria Martyniuk (25/10), Oksana Martchouk (26/10)
La Fée du Courage – Svetlana Ivanova
La Fée Diamant – Ekaterina Ivannikova (25/10), Nadejda Gontchar (26/10)
La Fée Saphir – Sofia Ivanova-Skoblikova (25/10), Valeria Martyniuk (26/10)
La Fée Or – Diana Smirnova
La Fée Argent – Tatiana Tiligouzova
La méchante fée Carabosse – Igor Kolb (25/10), Islom Baïmouradov (26/10)
Catalabutte – Andreï Yakovlev (25/10), Soslan Koulaev (26/10)
Galifon, le tuteur du Prince – Andreï Yakovlev (25/10), Soslan Koulaev (26/10)
Le Serviteur – Anatoli Martchenko (25/10), Viktor Litvinenko (26/10)
La Princesse Florine – Nadejda Batoeva (25/10), Anastasia Loukina (26/10)
L'Oiseau Bleu – Alexeï Timofeev (25/10), Konstantine Ivkine (26/10)
La Chatte Blanche – Oksana Martchouk (25/10), Ksenia Ostreikovskaïa (26/10)
Le Chat Botté – Grigori Popov
Le Petit Chaperon rouge – Tamara Guimadieva
Le Loup gris – Oleg Demtchenko (25/10), Alexandre Fedorov (26/10)
La Servante – Alissa Petrenko (25/10), Alexandra Somova (26/10)
Le Chasseur – Kirill Leontiev (25/10), Ilia Jivoï (26/10)



Ballet du Mariinsky

Ludmila Tchaïkovskaïa, Violon solo
Orchestre du Mariinsky, dir. Gavriel Heine

Dimanche 25 et mardi 26 octobre 2015,  Théâtre du Mariinsky II


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