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Ballet de Hambourg - Tournée à Baden-Baden
15 novembre 2015 : Weihnachtsoratorium I-VI (John Neumeier)
Anna Laudere (La Mère)
L’histoire de la Nativité est marquée par le
voyage : d’abord le recensement qui oblige Marie et Joseph à se rendre à
Bethléem, ensuite, après la naissance de Jésus, la fuite en Égypte pour
protéger l’enfant des persécutions d’Hérode. Ainsi commence et finit
l’Oratorio de Noël de Bach, ce vaste cycle de six cantates conçu par
Bach pour être interprété aux différents moments du cycle liturgique qui
va du jour de Noël à l’Épiphanie dix jours plus tard. Ce thème du
voyage, de la migration, a visiblement frappé John Neumeier lorsqu’il a
chorégraphié ce cycle, les trois premières cantates en 2007, le cycle
complet il y a moins de deux ans. Inutile de dire que, dans le contexte
actuel, les scènes où s’entrecroisent les trajectoires des porteurs de
valises sont particulièrement émouvantes. Neumeier n’a pas voulu ancrer
sa version du récit biblique dans un contexte précis, ni le nôtre, ni le
contexte historique – d’où l’abstraction des noms des personnages.
Le ballet est présenté à Baden-Baden, lors de l’habituelle résidence
automnale du Ballet de Hambourg, dans une distribution qui est encore
proche de celle de la création, seul Carsten Jung ayant bénéficié, en
quelque sorte, d’une promotion, puisqu’il est passé du rôle du Berger à
celui de Joseph. L’autre grande différence par rapport aux
représentations à Hambourg est l’usage d’une bande enregistrée : la
qualité artistique de l’excellent enregistrement dirigé par René Jacobs
n’est pas en cause, et il est peu probable que les solistes d’un
accompagnement live auraient pu rivaliser avec Dorothea Röschmann et
Werner Güra, mais le passage par les haut-parleurs nuit tout de même
beaucoup à l’impact de la musique : l’installation du Festspielhaus
fonctionne dignement, mais la musique en sort en quelque sorte lissée.
Ce n’est peut-être pas sans impact sur notre perception de l’ensemble de
la chorégraphie : le talent de Neumeier pour créer de vastes tableaux
d’ensemble où chaque danseur semble vivre par lui-même, son sens du
discours musical, cette danse large et généreuse, tout ceci est souvent
d’une grande beauté plastique ; pour autant, dans les parties les moins
dramatiques de la pièce, cette beauté plastique semble parfois un peu
vaine, comme parfois dans d’autres des grandes chorégraphies musicales
de Neumeier.
Lucia Ríos - Lloyd Riggins (Un Homme)
L’ouverture du ballet, avec cette scène muette en guise
d’image du monde réel suivie par l’exubérance presque hors œuvre du
chœur initial, a une certaine efficacité, mais c’est néanmoins les
aspects les plus directement dramatiques que naît l’émotion du
spectateur : même si Neumeier insiste sur l’importance qu’a pour lui le
personnage de Joseph, c’est avant tout Marie qui porte cette émotion.
L’enfant n’est jamais figuré dans le ballet, mais l’admirable Anna
Laudere fait sentir sa présence tout au long de la pièce, tant sa
maternité inquiète et pleine d’amour tout à la fois irradie sa danse. Ce
n’est plus pour Neumeier le temps de ces pas de deux acrobatiques qui
étaient le climax des grands ballets narratifs des années 1970, et la
notion même de virtuosité en est transformée ; la relation avec Carsten
Jung est moins directe, moins charnelle que dans les partenariats de La Dame
aux camélias, et Neumeier est plus attentif ici aux acteurs individuels,
que ce soit le berger de Karen Azatyan, transfuge du ballet de Munich,
ou la belle danseuse qui ouvre avec énergie et grâce le ballet.
Pour qui a surtout l’habitude de voir Neumeier dansé – souvent
merveilleusement – par le ballet de Stuttgart ou celui de l’Opéra de
Paris, le retour à la troupe de Hambourg est toujours un moment
précieux. Difficile de trouver les mots pour décrire ce qui fait la
patte unique de la compagnie de Neumeier, mais il y a un rayonnement
particulier, une concentration dans l’intensité énergétique qui émane de
tous les danseurs qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est vrai du corps de
ballet, c’est vrai des deux beaux anges de Silvia Azzoni et Alexandr
Trusch, et c’est vrai aussi du personnage un peu marginal joué par Lloyd
Riggins, homme d’aujourd’hui qui observe l’histoire sacrée avant de s’y
fondre : premier soliste à Hambourg depuis vingt ans, maître de ballet
depuis quelques années, Riggins incarne la tradition continuée que le
jeune Neumeier a créé il y a plus de quarante ans.
Dominique Adrian © 2015, Dansomanie
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Silvia Azzoni - Alexandr Trusch (Les Anges)
Weihnachtsoratorium I-VI
Musique : Jean-Sébastien Bach - Oratorio de Noël BWV 248
Chorégraphie : John Neumeier
Costumes et lumières : John Neumeier
Décors : Ferdinand Wögerbauer
Ein Mann / Un Homme : Lloyd Riggins
Die Mutter / La Mère : Anna Laudere
Ihr Mann / Son époux : Carsten Jung
Ein Hirte / Un Berger : Karen Azatyan
Engel / Les Anges : Silvia Azzoni, Alexandr Trusch
Hamburg Ballett
Musique enregistrée
Dimanche 15 novembre 2015, Festspielhaus Baden-Baden
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