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Semperoper Ballett (Dresde)
11 novembre 2015 : Adieux de Jiří Bubeníček dans Manon (Kenneth MacMillan)
Melissa Hamilton (Manon) - Jiří Bubeníček (Des Grieux)
Quel parcours que celui de Jiří Bubeníček!
Après avoir été une star pendant treize ans au Ballet de Hambourg, puis
une décennie danseur principal à la Semperoper, il vient de
faire ses adieux au public de Dresde au cours d'une soirée tout en
émotion.
Il a dansé tous les grands rôles possibles : aussi bien dans des ballets classiques, comme Le Lac des cygnes, La Bayadère ou, récemment, Thème et variations,
que dans des pièces néo-classiques ou contemporaines (il
a brillé dans des chorégraphies de Neumeier,
Kylián, Forsythe, Celis, Dawson, etc.). Quel courage
faut-il pour choisir de partir sur une pièce comme Manon de
MacMillan, qu'il n'avait même jamais dansée!
Il ne faut pas oublier que le rôle de des Grieux est celui d'un étudiant.
Passé quarante ans, M. Bubeníček ne peut plus avoir l'air d'un tout
jeune homme, mais peu importe! Quelle leçon et quel panache!
Du début à la fin, il s'est donné corps et âme dans son rôle. Sa
première longue variation a été réalisée avec un contrôle absolu
(surtout que cette variation - et même toute la chorégraphie de
MacMillan - est quand même assez peu organique).
Jiří Bubeníček (Des Grieux)
En comparaison avec la première du 7 novembre dernier, où, dans les
premières minutes, il paraissait légèrement fébrile, lors de sa soirée
d'adieux, il semblait profiter de chaque seconde et vouloir offrir à son
public un moment mémorable. Comme une façon de le remercier pour son
soutien.
Comme il le dit lui-même, il n’a plus autant de facilités techniquement
qu'auparavant, mais il s'est sorti avec brio de ses variations et pas de
deux, sans aucun accroc et nous offrant encore de très belles
pirouettes ou sauts suspendus dans les airs. Je l'ai senti vraiment amoureux de Manon. Chacun de ses sentiments
ressortaient dans ses gestes, dans sa façon de se mouvoir. On pouvait
comprendre que finalement Manon renonce aux avances de tous ces hommes
tant Des Grieux paraissait passionné et ne voulait pas la laisser.
C’est ce qui a toujours fait la popularité de Jiří Bubeníček, on sent
qu'il incarne toujours avec passion ses personnages, qu'il s'y jette à
corps perdu.
Jiří Bubeníček (Des Grieux) - Melissa Hamilton (Manon)
Le partenariat avec Melissa Hamilton coulait vraiment de source. Tout paraissait si simple!
Il faut rappeler que cette nouvelle étoile de la compagnie a été
proposée par Jiří Bubeníček lui-même au directeur Aaron Watkin, qui
voulait danser avec elle pour sa soirée d’adieux (ils dansaient parfois
ensemble lors de galas internationaux). Au final, à partir de janvier
2016, elle sera étoile fixe de la compagnie, et non plus uniquement
invitée, comme c’est le cas pour Manon.
Elle avait déjà dansé ce rôle lorsqu'elle
était soliste au Royal Ballet de Londres, et je ne sais pas trop
ce qu'il en avait été dit. Alors que
durant la première elle semblait assez timide (c'était la
première fois qu'elle dansait au Semperoper), elle s'est
vraiment libérée lors de ce deuxième spectacle. Sa
technique était précise, piquante. On a vu son rôle
évoluer et elle osait beaucoup plus se lancer dans certains
portés périlleux. En ce qui me concerne, j'ai
préféré la voir dans le deuxième acte
où elle jouait vraiment avec les danseurs et semblait prendre un
malin plaisir à rendre fous tous ses prétendants.
Les seconds rôles, Denis Veginy (Lescaut) et Svetlana Gileva (sa Maîtresse), ont de nouveau fait le show, mais je dois avouer qu'ils ont
été légèrement moins bons que lors du premier spectacle, où ils nous
avaient offert des moments uniques. Le public allemand est plutôt réputé
pour sa politesse et son calme, mais là, clairement, les gens riaient et
semblaient suspendus aux longs équilibres offerts par Mademoiselle Gileva. Il y
a eu de légers ratés lors de ce deuxième spectacle, mais je suppose que
le public ne leur en a pas tenu rigueur, car là encore, ces danseurs
furent chaudement applaudis.
Raphaël Coumes-Marquet (G.M) - Jenni Schäferhoff (Madame) - Milán Madar
Fabien Voranger - Svetlana Gileva (La Maîtresse de Lescaut)
Monsieur de G.M. (Raphaël Coumes-Marquet) et le Geôlier (Laurent
Guilbaud) ont été détestables à souhait. Chacun dans son rôle, ils ont
incarné parfaitement ces personnages sans pitié, qui utilisent la pauvre
Manon tel un vulgaire objet. Petit moment de chauvinisme, les danseurs
français de Dresde sont vraiment beaux et élégants...
Pour ce qui est de l'ensemble de la Compagnie, plutôt habitués aux
grands ballets classiques (La Belle au bois dormant, La Bayadère, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette,
créés par leur directeur-chorégraphe Aaron Watkin)
ou aux pièces néo-classiques / contemporaines où
leur réputation n'est plus à faire (ils ont
été appelés pour représenter le travail de
Forsythe ou de Mats Ek à Paris), c'était la
première fois qu'on les voyait dans un ballet narratif tel que
Manon. Encore une fois, ils montrent qu'ils sont des danseurs
extrêmement polyvalents et que cette compagnie est amenée
à devenir une des meilleures en Europe. Ils
paraissent tous tellement matures (malgré le jeune âge de
beaucoup), et brillants techniquement! Jamais je n'ai
d'appréhension quand ils sont sur scène, contrairement
à d'autres compagnies plus réputées d'Allemagne ou
de France que j'ai pu voir récemment. Certes, tout n'est pas
parfait, mais ils semblent tellement investis, qu'on leur pardonne
un peu tout.
Et si vous avez la possibilité de les voir en janvier 2016 dans She was Black au Théâtre des Champs Elysées à Paris, courez-y!
Laurent Guilbaud (Le Geôlier) - Melissa Hamilton (Manon)
Le
moment des saluts fut naturellement très intense. On pouvait
clairement deviner la tristesse de Jiří Bubeníček qui
disait un dernier au revoir à son public. Il a reçu de
nombreuses fleurs, envoyées du public ou apportées par
son frère jumeau Otto (blessé et venu avec des
béquilles!), puis par le directeur du Ballet Aaron Watkin et par
sa compagne. De longs rubans dorés ont jailli depuis les
coulisses, tel un feu d'artifice. Les danseurs autour de lui semblaient
vraiment heureux (hystériques même!) d'être
auprès de lui pour ce dernier moment de communion. Le public ne
voulait pas partir et les rappels furent continus. J’ai
discerné pas mal de gens les yeux embués de larmes (dont
moi, je dois l'avouer), ou d'autres qui lançaient de longs au
revoirs avec leurs mains à leur danseur adoré. En
sortant, j'ai vu beaucoup de jeunes élèves de la Palucca
Schule de Dresde, les yeux pleins d'étoiles.
Jiří Bubeníček (Des Grieux) - Melissa Hamilton (Manon)
Désormais, Jiří Bubeníček va se concentrer sur sa carrière, déjà bien
entamée, de chorégraphe. Il continuera de danser, en tant qu’invité de
nombreux galas internationaux.
Il travaillera cette saison, entre autres, avec le Ballet du Staatsoper
Hannover, le Junior Ballet du Ballett Dortmund, le Thüringen
Staatsballett, et a récemment chorégraphié le gala du nouvel an de
l’Opéra de Vienne. J'ai cru comprendre que son souhait serait de diriger
une compagnie de ballet dans un futur proche. C'est tout ce que je lui
souhaite!
Aurélie Lafaye © 2015, Dansomanie
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intellectuelle.
Jiří Bubeníček (Des Grieux)
Manon
Musique : Jules Massenet, arrangement Martin Yates
Chorégraphie : Kenneth MacMillan
Décors et costumes : Peter Farmer
Lumières : John B. Read
Manon : Melissa Hamilton
Des Grieux : Jiří Bubeníček
Lescaut : Denis Veginy
La Maîtresse de Lescaut : Svetlana Gileva
Monsieur de G.M. : Raphaël Coumes-Marquet
Madame : Jenni Schäferhoff
Le Chef des mendiants : Craig Davidson
Le Geôlier : Laurent Guilbaud
Deux Courtisanes : Aidan Gibson, Chantelle Kerr
Semperoper Ballett Dresden
Sächsische Staatskapelle Dresden, dir. Paul Connelly
Mercredi 11 novembre 2015, Semperoper, Dresde
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