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critiques et comptes rendus
Année France-Corée

19 septembre 2015 : Jongmyo Jeryeak (National Gugak Center) au Théâtre de Chaillot


Jongmyo jeryeak
Jongmyo Jeryeak (National Gugak Center)


Le Théâtre de Chaillot a eu l'honneur de servir de cadre au lancement de l'année France-Corée. Toute une série de festivités culturelles sont également programmées dans d'autres lieux de la capitale française, notamment au Théâtre de la Ville et au Théâtre du Châtelet.

Pour ce spectacle d'ouverture, la direction du Théâtre de Chaillot et les autorités coréennes avaient mis les petits plats dans les grands,  en mobilisant les ressources du National Gugak Center, le Centre National des Arts de Séoul, dont les origines remontent au VIIème siècle, qui regroupe trois ensembles musicaux – dédiés respectivement à la musique de cour, au folklore et à la création contemporaine – ainsi qu'un groupe chorégraphique. La Cité de la musique et le Centre National de la Danse réunis en une même institution, mutatis mutandis.

Jongmyo jeryeak
Jongmyo Jeryeak (National Gugak Center)

Que les spécialistes de l'histoire et de l'art de la Corée nous pardonnent certains raccourcis excessifs, mais l'exercice nécessite d'être didactique, puisqu'il s'agit précisément de s'adresser aux non-spécialistes. Le Théâtre de Chaillot a d'ailleurs délibérément choisi de rendre accessible cette soirée aux profanes, en distribuant gratuitement un très joli livret illustré, décrivant, photos à l'appui, tous les instruments de l'orchestre disposé sur scène, et donnant le déroulé exact – repris sur le surtitreur lumineux – du Jongmyo Jeryeak qui figurait à l'affiche. Une initiative qui mérite d'être saluée, qui témoigne également de la volonté des Coréens de diffuser et de faire apprécier leur culture prestigieuse.  Le Jongmyo Jeryeak tient à la fois de la chanson de geste, de la cérémonie religieuse et du spectacle, mêlant musique, danse, psalmodie et rituel mystique.

Le Jongmyo Jeryeak raconte, scandé par les interventions des chantres et des «prêtres» (ici, en fait, des acteurs), l'épopée de la dynastie des Choseon (ou Joseon, dans les translittérations les plus récentes), fondée en 1392 par Yi Songgye, qui établit alors sa capitale sur l'emplacement actuel de Séoul. La lignée des Choseon s'est éteinte en 1910, avec l'annexion de la Corée par le Japon.

Jongmyo jeryeak
Jongmyo Jeryeak (National Gugak Center)

Une grande partie du récit fait l'éloge de Sejong le Grand, monté sur le trône en 1418. Sejong le Grand mit fin au raids des pirates japonais, qui entravaient la prospérité de la Corée, et se comporta en despote éclairé, protecteur des arts et des sciences, qui dota le pays d'une administration moderne et efficace. On pourrait tracer ainsi un parallèle avec un monarque occidental tel François 1er.

Le reste est essentiellement constitué des récits des luttes intestines qui minèrent l'autorité royale après la disparition de Sejong le Grand en 1450, puis des guerres incessantes contre l'«ennemi héréditaire» nippon, révélant au passage que certaines blessures ne sont, aujourd'hui encore, pas totalement cicatrisées.

Paradoxalement, la musique du Jongmyo Jeryeak est d'une assez grande proximité avec la musique japonaise, et notamment celle du Gagaku. Pour être exact, c'est plutôt le Japon, qui, au retour d'invasions multiples, a importé une partie des traditions musicales coréennes. L'instrumentarium, avec notamment le jingo (gros tambour posé sur un bâti en bois – équivalent coréen du kakko nippon), le dageum (flûte en bambou devenue ryūteki au Japon) ou encore le dangpiri (hautbois) ou les gayageul et geonmungo (cithares) devenues yamatogoto et koto sur la rive orientale du détroit de Corée, est très proche de celui utilisé au Pays du Soleil levant. Seuls les jeux de cloches suspendus et les carillons de pierre évoquent davantage la Chine continentale.
  

Jongmyo jeryeak
Jongmyo Jeryeak (National Gugak Center)

Le Jongmyo Jeryeak fait également une place de choix à la danse. Même réduits à une trentaine d'exécutants au lieu des 64 normalement requis, en raison de l'exiguïté de la scène du Théâtre de Chaillot, les ensembles chorégraphiques sont spectaculaires, rehaussés par le rouge éclatant des somptueux costumes portés par les artistes coréens.

Un seul regret : ce lever de rideau grandiose pour l'année France-Corée n'aura connu qu'une seule et unique représentation, limitant de facto le nombre des heureux élus qui auront pu l'admirer. Dommage, car il y aurait certainement eu un public suffisant pour remplir une seconde fois la salle.
 


Romain Feist © 2015, Dansomanie


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Jongmyo jeryeak

Direction artistique : Kim Hae-sook
Codirection artistique : Yong Ho-seong
Chorégraphie : Han Myung-ok
Direction musicale : Chung Jae-gook
Scénographie : Park Dong-woo
Lumières : Lee Sang-bong
Ingénieur du son : Oh Young-hoon
Artiste multimédia : Woo Jong-duk
Mise en scène : Kim Sun-kook


Musiciens et danseurs du  National Gugak Center de Séoul

Samedi 19 septembre 2015,  Théâtre National de Chaillot, Paris


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