|




|

 |
|
|
Bayerisches Staatsballett (Munich)
10 juillet 2015 : Das Triadische Ballett / Le Sacre du Printemps au Prinzregententheater
Alexander Bennet, Alisa Bartels et Nicholas Losada dans Das Triadische Ballett
Depuis
quelques années, le Ballet de Bavière participe à
un projet d’ampleur nationale visant à explorer la
contribution quelque peu oubliée de l’Allemagne à
l’avènement de la modernité en danse. Cela passe
par l’entretien d’un répertoire, celui
créé depuis la seconde guerre mondiale à
Stuttgart, Munich et Hambourg par John Cranko ou John Neumeier, mais
également la saison prochaine par l’entrée au
répertoire d’une importante pièce de Pina Bausch.
Cela passe aussi par quelques tentatives de reconstruction de
pièces plus anciennes, comme les deux qui sont
présentées en ce mois de juillet 2015.
Marta Navarrete Villalba dans Das Triadische Ballett
La raison d’être de la première pièce n’est pas chorégraphique : le Ballet Triadique
est le produit de l’imagination du peintre Oskar Schlemmer,
responsable de la section Arts du spectacle du Bauhaus, la
célèbre école d’arts fondée en 1919
à Weimar par Walter Gropius ; si l’œuvre peint de
Schlemmer continue à rester dans un confortable semi-oubli pas
entièrement immérité, les costumes qu’il a
réalisé pour cette pièce restent son œuvre
la plus connue (on peut admirer les originaux au très beau
musée des beaux-arts de Stuttgart). Créé à
l’origine sur un patchwork musical très
hétéroclite, puis sur une partition elle aussi
oubliée de Paul Hindemith, le Ballet Triadique
est quant à sa chorégraphie originale presque
entièrement perdu, mais l’attrait des costumes de
Schlemmer est tel que les tentatives de reconstruction n’ont pas
cessé. Celle proposée par la jeune troupe du Ballet de
Bavière est à vrai dire la reconstruction d’une
reconstruction, celle réalisée en 1977 par Gerhard
Bohner, disparu depuis plus de vingt ans, qui avait demandé une
nouvelle partition à Hans-Joachim Hespos.
Sebastian Goffin et Marta Navarrete Villalba dans Das Triadische Ballett
Musicalement,
le résultat est agréablement contemporain, avec des
touches de free jazz qui ne déparent pas. Bohner a, sans nul
doute, travaillé dans l’esprit de Schlemmer, pour qui la
danse était avant tout un support pour ses recherches plastiques
: en mettant ses costumes en mouvement, Schlemmer voulait donner une
dimension supplémentaire à son travail sur les couleurs,
celle du mouvement, de la vitesse, de la profondeur, ce qui le
différencie d’ailleurs de l’absurde volontaire du
surréaliste «ballet réaliste» Parade créé quelques années plus tôt par les Ballets Russes avec les costumes de Picasso.
Florian Sollfrank dans Das Triadische Ballett
Le résultat n’est pas sans charme : Bohner construit
à partir des costumes des petites scènes parfois
abstraitement narratives, qui mélangent pantomime, cirque et jeu
sur l’imaginaire de la danse classique. Seule une étroite
bande en avant-scène est utilisée, ne serait-ce que parce
que la liberté de mouvement des danseurs est plus ou moins
limitée par le costume. On y admire l’invention des
costumes, l’humour discret des scènes, mais il faut bien
avouer que, de scène en scène, l’attention se
relâche, faute de structure d’ensemble ; qui plus est, les
noirs un peu trop longs qui se succèdent toutes les quelques
minutes viennent casser le rythme de ces soixante-dix minutes.
Le Sacre du Printemps (chor. Mary Wigman)
Le bilan est moins positif encore pour la seconde partie du programme, Le Sacre du printemps
créé par Mary Wigman en 1957, l’une de ses
dernières œuvres, dont la chorégraphie était
elle aussi disparue. La reconstruction était malgré tout
plus facile, beaucoup des protagonistes de l’époque
étant encore de ce monde, mais il faut bien dire que la
radicalité de celle qui fut la grande pionnière de la
danse moderne en Allemagne s’est bien évaporée, si
tant est qu’elle a été présente à la
création de cette œuvre tardive.
Ilana Werner (L'Élue) dans Le Sacre du Printemps
Il
est difficile de comprendre pourquoi chacune des deux parties du ballet
commence par plusieurs minutes à rideau fermé ; ensuite,
la danse qu’on découvre, sur un large cercle
légèrement incliné au milieu de la scène,
paraît une sorte de condensé de tous les clichés
qu’on associe au Sacre du printemps
– danseurs en cercle, tremblements, Sage hiératique et
Élue luttant contre son destin (Ilana Werner se tire du reste
très bien de son solo, le seul véritablement consistant
de la pièce). Les tentatives de reconstruction de la version
originale de Nijinsky ont le même problème : entre temps,
le monde entier a vu la version de Pina Bausch, et la comparaison met
cruellement en avant le manque de vie et d’émotion de ces
versions et de leurs reconstructions. Il sera peut-être permis de
considérer que le monde de la danse ferait mieux de
privilégier les chorégraphies préservées
que de s’attacher ainsi à des souvenirs impossibles
à raviver.
Dominique Adrian © 2015, Dansomanie
Le
contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et
www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de
Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction
intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie
ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de
citation
notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage
privé), par
quelque procédé que ce soit, constituerait une
contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété
intellectuelle.
Norbert Graf, Lisa-Maree Cullum, Daria Sukhorukova et Freya Thomas dans Le Sacre du Printemps
Das Triadische Ballett
Musique : Hans-Joachim Hespos (version de 1977)
Chorégraphie : Gerhard Bohner (version de 1977)
Costumes : Oskar Schlemmer (version de 1922), reconstitués par Colleen Scott et Ivan Liška
Rang jaune (Gelbe Reihe)
La Grande jupe (Großer rock) – Myriam Simon
Le Scaphandrier (Taucher) – Flemming Puthenpurayil
La Jupe-boule (Kugelrock) – Annamaria Voltolini
L'Homme-cylindre (Zylindermann) – Marten Baum
Les Mains-sphères (Kugelhände) – Flemming Puthenpurayil
Le Pantin (Hampelmann) – Filippo Lussana
Rang rose (Rosa Reihe)
La Jupe aux disques (Scheibenrock) – Laura Moreno Gasulla
La Jupe en nacre (Perlmuttrock) – Paola Kumanaku
La Jupe-boule (Harlekin in weiß) – Carl van Godtsenhoven
Le Danseur turc à la quille (Tänzer türkisch mit Kegel) – Simon Jones
La Jupe turque (Türkenrock) – Annamaria Voltolini
Le Danseur turc aux cymbales (Tänzer türkisch mit Becken) – Flemming Puthenpurayil
Rang noir (Schwarze Reihe)
La Spirale (Spirale) – Marta Cerioli
Les Danseurs aux disques (Scheibentänzer) – Alexander Bennett, Filippo Lussana
La Jupe en fil-de-fer (Drahtrock) – Pauline Simon
Les Sphères dorées (Goldkugeln) – Flemming Puthenpurayil, Filippo Lussana
L'Homme abstrait (Der Abstrakte) – Marten Baum
Bayerisches Staatsballett II
Musique enregistrée
Le Sacre du printemps
Musique : Igor Stravinsky
Chorégraphie : Mary Wigman
Décors et costumes : Wilhelm Reinking, reconstitués par Alfred Peter
L'Élue (Die Erwählte) – Ilana Werner
Le Sage (Der Weise) – Cyril Pierre
La Figure maternelle (Mütterliche Gestalt) – Séverine Ferrolier
Deux Prêtresses – Kyla Moore, Freya Thomas
Un Couple d'amoureux – Mai Kono, Zoltan Mano Beke
Le Meneur du bal (Anführer des Männertanzes) – Erik Murzagaliyev
Un Adolescent – Javier Amo
La Directrice du chœur – Sinead Bunn
La Jeune fille à la couronne – Ivy Amista
Bayerisches Staatsballett
Münchner Symphoniker, dir. Myron Romanul
Vendreid 10 juillet 2015, Prinzregententheater, Munich
|
|
|