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Ballet National de Bordeaux
05 juillet 2015 : Le Lac des cygnes au Ballet National de Bordeaux
Le Lac des cygnes (chor. Charles Jude)
Le Lac des cygnes
bordelais nous emmène en plein pays d’Ecosse. Landes
brumeuses et sombres a-pics enserrent le lac, éclairé
alternativement par le soleil levant ou une lune blafarde. Les tartans
aux couleurs du clan sont omniprésents dans les scènes de
palais. Charles Jude n’a pourtant pas poussé le
dépaysement outre mesure. Siegfried n’arbore pas le kilt
à la manière de James, et Rothbart, malgré ses
ailes de cauchemar, n’a rien du monstre du Loch Ness. On reste du
moins dans le domaine d’un imaginaire abstrait et c’est
l’essentiel. Pour nous déconcerter un peu plus, la grande
salle du palais du prince est ornée d’un immense tableau
très énigmatique de Dosso Dossi, «Jupiter, Mercure
et la Vertu», qui dans le contexte de cette étrange
histoire, ne laisse pas d’intriguer. Ajoutons que cette
production, conçue à l’origine pour le plus grand
plateau du Palais des sport, s’adapte parfaitement à la
scène du Grand Théâtre.
Pendant
le prologue, le prince Siegfried est absorbé par la lecture
d’un conte qui relate l’enlèvement de la princesse
Odette par un méchant sorcier. Puis il s’endort. Cet effet
de distanciation n’est pas rappelé par la suite. Le prince
a-t-il rêvé toute l’aventure ? On ne le saura
pas. L’histoire se déroule telle que chaque balletomane la
connaît par cœur, avec pour cette fois une fin tragique. Le
prince parjure est englouti dans le lac déchaîné
par le pouvoir du sorcier, tandis qu’Odette et ses compagnes
restent condamnées à vivre en cygnes sur ses abords.
Outre la trame narrative, Charles Jude respecte les
éléments chorégraphiques connus pour venir de
Petipa et Ivanov, notamment dans les actes blancs, ainsi que les
très attendus trente-deux fouettés du Cygne noir. La
scène d’ivresse du précepteur semble provenir des
versions les plus anciennes du livret, tandis que, tout comme dans la
version Bourmeister, bien connue de Charles Jude, les danses
pittoresques du 3ème acte font partie de la suite de Rothbart.
Beaucoup d’autres détails sont inspirés par la
version Noureev, que Charles Jude a également beaucoup
dansée. Ainsi le premier acte se clôt sur une variation
rêveuse de Siegfried. Le pas de trois du premier acte cite
textuellement celui de l’Opéra de Paris (mais pourquoi de
même qu’à Paris faire apparaître les trois
danseurs au moment même où la reine quitte les lieux, ce
qui semble dans n’importe quelle cour une insulte au protocole le
plus élémentaire?). Quant à la scène de
séduction du Cygne noir, elle est également
transformée en pas de trois Odile-Siegfried-Rothbart, avec
cependant une variation de Rothbart sensiblement différente de
celle de Paris.
Liudmila Konovalova (Odile) et Igor Yebar (Siegfried)
C’est la première danseuse du Ballet de la Staatsoper de
Vienne Liudmilla Konovalova qui a été invitée pour
le double rôle d’Odette-Odile. Habituée des lieux,
elle avait déjà fait montre il y a peu
d’années d’un métier très sûr
dans le rôle d’Aurore de la Belle au bois dormant.
Sa technique semble encore davantage appropriée au lac. En Cygne
blanc ses battements de jambes, ses pointes de fer, ne contredisent en
rien le lyrisme tragique de son haut de buste. Son cygne noir
extraordinairement brillant manifeste une irrésistible joie de
danser et il faut toute la perfidie de l’excellent Rothbart de
Roman Mikhalev pour lui rappeler son rôle maléfique.
Performance mémorable, digne des meilleurs incarnations du
rôle.
A ses côtés, les danseurs bordelais ne
déméritent pas mais c’est surtout le corps de
ballet qu’il faut louer pour son extraordinaire
homogénéité. Malgré un nombre non
négligeable de surnuméraires, indispensables pour la
cohorte des vingt-six cygnes, tous les danseurs font preuve d’une
vraie qualité stylistique, et réalisent des alignements
parfaits sans aucune fausse note, aussi bien dans les actes blancs, que
dans les valses, polonaises ou autres danses de caractères. La
danse des petits cygnes se taille un beau succès grâce
à quatre danseuses au bas de jambe sans reproche et au port de
tête à l’unisson. Citons aussi les très
pétillantes Marina Guizien et Diane Le Floc'h dans le pas de
trois du premier acte.
Igor Yebar (Siegfried) et Liudmila Konovalova (Odette)
Pour cette série de représentation, l’Orchestre
National de Bordeaux – Aquitaine, dirigé avec chaleur par
Paul Connelly, s’est adjoint les services d’un
véritable concertiste en guise de violon solo. Après
avoir joué l’adage blanc avec la gravité rayonnante
d’un andante beethovénien, rejoint pour la reprise par le
violoncelle solo, puis l’adage noir avec la suavité
qu’on entend dans le concerto de Tchaïkovski, il
interprète ensuite, en interlude entre les 3ème et
4ème actes, une étourdissante danse russe,
agrémentée de cadences de son cru, qui soulève
d’enthousiasme la salle. Renseignement pris, il s’agit du
jeune virtuose Matthieu Arama, attaché à
l’orchestre de Bordeaux par le titre peu courant de
Supersoliste-Concertmaster. Assurément un talent à
suivre. Les maisons d’opéra de font pas toujours preuve
d’un tel respect envers les musiques de ballet..
Jean-Marc Jacquin © 2015, Dansomanie
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Le Lac des cygnes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie et scénographie : Charles Jude
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr
Odette / Odile – Liudmila Konovalova
Le Prince Siegfried – Igor Yebra
Le Précepteur Wolfgang / Rothbart – Roman Mikhalev
Pas de trois – Ashley Whittle, Diane Le Floc’h, Marina Guizien
4 Grands cygnes – Marina Kudryashova, Marie-Lys Navarro, Claire Teisseyre, Pascaline Di Fazio
4 Petits cygnes – Diane Le Floc’h, Marina Guizien, Alice Leloup, Pauline Perraut
Danse hongroise – Marina Kudryashova, Kase Craig, Lyria Van Moer, Nicole Muratov
Angélique Blasco, Nozomi Kayano, Léa Magud, Austin Lui, Loan Frantz, Oliviero Bifulco
Pierre Emmanuel Lauwers, Mike Derrua, Robin Papazian
Danse espagnole – Stéphanie Roublot, Alexandre Gontcharouk
Davit Gevorgyan, Take Okuda, Ashley Whittle
Danse Napolitaine – Marina Guizien, Diane Le Floc’h, Evangeline Ball, Pauline Perraut
Charlotte Cox, Coralie Aulas, Romane Groc, Nozomi Kayano
Mazurka – Felice Barra, Pierre Devaux, Guillaume Debut, Samuele Ninci,
Germano Trovato, Léo Lecarpentier, Marie-Lys Navarro, Camille Lebesgue
Lucie Peixoto, Dara Tombroff, Natalia Butragueno, Victoria Dauberville
La Reine – Lolita Lequellec
Le Majordome – Cyril Cosson
Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. Paul Connelly
Dimanche 05 juillet 2015, Grand
Théâtre de Bordeaux
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