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Stuttgarter Ballett
19 juin 2015 : Endstation Sehnsucht (John Neumeier) à l'Opéra de Stuttgart
Myriam Simon (Blanche), Daniel Camargo (Stanley)
Après le cinéma et avant l’opéra (André Previn,
1998), pourquoi la danse ne se serait-elle pas emparée du Tramway nommé Désir, la pièce de Tennessee Williams, créée en 1947, en pleine vogue de
la psychologie populaire? La version de John Neumeier n’est pas la
première, mais elle est la seule à s’être imposée ; le ballet de
Stuttgart, qui l’a créé en 1983, la joue non pas dans la grande salle de
l’opéra, mais dans la plus intime salle du Théâtre national fraîchement
reconstruite (son architecture vaut le coup d’œil).
Myriam Simon (Blanche), Sinéad Brodd
L’adaptation de Neumeier, cependant, n’est pas sans défaut : l’idée de
placer l’essentiel de l’action comme un flash-back dans l’esprit pas
toujours rationnel de Blanche depuis l’hôpital psychiatrique où elle a
fini par atterrir prive la montée vers la folie de Blanche d’une bonne
part de sa violence. Elle conduit notamment à séparer deux niveaux
d’action intrinsèquement mêlés dans la pièce, le paradis perdu de Belle
Reve et l’échec du refuge de la dernière chance auprès de sa sœur
Stella, et cette recréation d’une linéarité narrative étrangère à la
pièce originelle en affadit beaucoup le propos. Belle Reve occupe
l’essentiel de la première partie, autour d’une trop longue scène de
bal, qui s’achève certes en un violent drame, mais qui ne s’écarte pas
assez des poncifs que la danse accumule si volontiers sur elle-même. On
rêverait ici du Neumeier traumatique de Nijinsky, on se retrouve un peu
trop près de La Dame aux camélias.
Angelina Zuccarini (Stella), Daniel Camargo (Stanley)
Du moins, avec tous ses défauts, le ballet de
Neumeier est une bonne occasion de plus pour admirer la troupe du ballet
de Stuttgart, et pour l’admirer aussi bien comme un tout cohérent que
comme l’addition de talents individuels. Dans ce qui nous est offert sur
scène, il n’y a pas de petit rôle : chaque personnage est dessiné avec
le même soin, chaque danseur a eu l’opportunité de développer une
interprétation travaillée, fût-ce le malheureux vendeur de journaux,
dernière conquête pas très consentante de Blanche. Créé pour Marcia
Haydée, le rôle de Blanche est naturellement le point focal du ballet,
le seul à faire un usage abondant des pointes ; Myriam Simon y fait
montre d’une puissance dramatique peu commune chez une danseuse, mais
elle ne peut pas éviter une certaine monotonie qui tient au dessin trop
monolithique du rôle par Neumeier (la sympathie qu’il dit éprouver pour
le personnage ne se voit guère…). La sœur de Blanche, Stella, a un rôle
beaucoup plus valorisant, et Angelina Zuccarini s’en donne à cœur joie :
elle a cette pointe de vulgarité que le rôle appelle, mais elle respire
surtout le naturel, l’allant, la séduction légère que le destin a
refusé à Blanche.
Daniel Camargo (Stanley)
De son époux Stanley Neumeier a fait un boxeur, ce qui
n’est pas une mauvaise idée pour exprimer le rapport à la violence du
personnage, qui apparaît du reste plutôt sympathique ici ; Daniel
Camargo joue remarquablement, mais son rôle est loin de n’être que du
théâtre : même dans cette forme très narrative, sa virtuosité fait
merveille, d’autant qu’elle n’est jamais gratuite. En cela, elle
illustre bien ce qui constitue, de ballet en ballet, et même dans les
moins réussis, la force de Neumeier, cette capacité à traquer l’émotion
dans la danse. La force collective d’une troupe aussi soudée et aussi
soucieuse de se mettre au service d’un effort commun qu’est le Ballet de
Stuttgart fait plaisir même dans ce cadre plaisir à voir.
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Dominique Adrian © 2015, Dansomanie
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Angelina Zuccarini (Stella), Daniel Camargo (Stanley), Myriam Simon (Blanche)
Endstation Sehnsucht (Un tramway nommé Désir)
Musique : Serge Prokofiev, Afred Schnittke
Chorégraphie : John Neumeier
Décors, costumes et lumières : John Neumeier
Blanche Du Bois – Myriam Simon
Stella – Angelina Zuccarini
Stanley Kowalski – Daniel Camargo
Mitch – Roland Havlica
Stuttgarter Ballett
Musique enregistrée
Vendredi 19 juin 2015, Schauspielhaus Stuttgart
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