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Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
22 mars 2015 : Quatre tendances (5) au Grand Théâtre de
Bordeaux
Au-delà des grands espace (chor. Hamid Ben Mahi)
Comme
l’indique le titre, il s'agit donc du cinquième retour au
Ballet de Bordeaux de cette formule appréciée du public,
et qui présente à chaque fois quatre œuvres de
danse contemporaine. On peut discuter du terme contemporain en
constatant que Tam-Tam et percussion
de Felix Blaska a été créé en 1970. Cette
petite anomalie est en l’occurrence contrebalancée par la
commande d’une création.
L’auteur de cette création, Hamid Ben Mahi, est un artiste
bien implanté dans la région bordelaise. Il y a grandi, y
a étudié la danse et la chorégraphie au CNR de
Bordeaux où il a été récompensé en
modern jazz. Il s’est formé également en danse
classique à l'école de danse Rosella Hightower puis au
sein de l'école de Alvin Ailey à New York, afin
d'élargir son horizon contemporain. Il a fondé en 2000 sa
propre compagnie, la Compagnie Hors Série, qui
collabore régulièrement avec plusieurs centres
chorégraphiques ou théâtres de danse du grand
ouest. Elle se consacre à la danse hip-hop, en en repoussant
sans cesse les limites et en cherchant à fusionner les styles.
C’est cette fusion des styles qui a intéressé Ben
Mahi dans son travail avec le Ballet de l’Opéra National
de Bordeaux.
Au-delà des grands espaces reprend en partie ce qu’il avait réalisé pour Apache,
pièce de groupe sur des musiques d’Alain Bashung,
créée en 2013 à Tremblay-en-France, en
l’adaptant aux danseurs classiques de la troupe de Charles Jude.
Le titre se réfère à un des albums les plus
célèbres du chanteur, à l’univers si
gainsbourien. Malheureusement, sa musique est mixée dans une
sauce rock bien insipide par Yann Péchin et le bassiste Bobby
Jocky, qui jouent sur la scène. Devant eux, six danseurs, quatre
filles et deux garçons, se rencontrent, se jaugent, se
séparent, dans une atmosphère de boite de nuit. Ils
semblent parfois improviser leurs évolutions, se jetant par
terre à tout propos. Neven Ritmanic mime une scène
d’ivresse. Mais malgré cette tentative de dramatisation,
on peine à s’intéresser à ces fades
personnages. N’y avait-il rien d’autre à faire
danser à la fine Vanessa Feuillate? Le mélange des styles
illustre ici ses limites car il est probable que de vrais danseurs
hip-hop auraient donné une autre authenticité à
cette étrange aventure. Dommage.
Tam-Tam et Percussion (chor. Félix Blaska)
La fusion des styles était justement le propos de Félix Blaska quand il a composé Tam-Tam et Percussion.
C’est en effet à la suite d’une tournée en
Afrique du Sud, et de la vision d’un spectacle de danse
traditionnelle, que le chorégraphe d’origine
biélorusse, qui dansait alors avec Roland Petit, eu
l’idée d’intégrer certaines
caractéristiques de la danse africaine à une pièce
classique, dansée par des danseurs classiques. Le
résultat en est assez réjouissant, très
illustratif certes d’une époque foncièrement
optimiste, mais qui touche le spectateur d’aujourd’hui.
Dans une première séquence, Marc-Emmanuel Zanoli
déploie sur les rythmes effrénés des tam-tam toute
la grammaire classique, des dégagés et sissones aux
manèges et aux tours attitude, avec toute
l’élégance qui lui est coutumière. Puis les
danseuses du corps de ballet entrent en grands mouvements
latéraux, à la manière des silhouettes des frises
graphiques des peintures africaines. Mouvements
déhanchés, poignets cassés, doigts
écartés, décalages syncopés nous emportent
dans une mécanique irrésistible, au son obsédant
des percussions.
Le pas de deux qui suit apporte détente et poésie. Devant
la machine à cloches qui distille des sons envoûtants, les
silhouettes parfaites de Mika Yoneyama et Marc-Emmanuel Zanoli en
académiques blancs dessinent des figures étonnantes.
Enfin la bacchanale finale rassemble les quinze danseurs dans un
abrégé de pas classiques, cette fois
«africanisés». On souhaiterait encore davantage de
vivacité et de mordant dans les découpages
géométriques du corps de ballet pour donner la pleine
mesure de ce ballet très tonifiant. Il est à noter que
cette reprise a été réglée par Félix
Blaska lui-même.
If to leave is to remember (chor. Claude Brumachon)
Dans le prolongement de sa création de la dernière saison Pneuma, Carolyn Carlson a offert au Ballet de Bordeaux If to leave is to remember,
une pièce de 2006 inspirée par le thème de la
rupture, de la séparation, qu’elle soit temporaire ou
définitive, et de la douleur qui en résulte. Sur le
troisième quatuor à corde de Philip Glass, la diaphane
chorégraphe nous propose une suite d’imageries mouvantes,
en un mélange de naïveté et de profondeur qui
n’appartient qu’à elle, et dont la
sincérité ne peut être mise en doute. Les chemises
blanches des danseurs prennent par moments des allures de blouses
d’infirmiers. La petite table qui sert d’accessoire
ressemble à une table d’opération. Kase Craig finit
par réciter joliment un texte en anglais, dont il est impossible
de trouver ni les références, ni la traduction. On se
laisse prendre volontiers, mais on se dit peut-être que
c’est la dernière fois.
Minus 16 (chor. Ohad Naharin)
La partie la plus stupéfiante du programme fut sûrement ce Minus 16
du chorégraphe israélien Ohad Naharin. Daté de
1999, la pièce est en fait un assemblage tiré de ses
précédents ballets.
En prélude, les lumières de la salle pas encore
éteintes, Neven Ritmanic vient nous proposer un stand-up muet
sur des musiques de mambo jouées en sourdine. Ses gestes, tout
d’abord discrets, ont tôt fait de captiver le public. Puis
il agrémente son numéro d’étourdissantes
cabrioles. On est éberlué en voyant le métier et
la décontraction dont fait preuve un danseur aussi jeune. Non
seulement Neven Ritmanic est un des techniciens les plus brillants de
la troupe, mais il dégage en plus un charisme à toute
épreuve. Une nomination s’impose décidément
de toute urgence.
Dans un premier tableau d’ensemble, une vingtaine de danseurs
sont assis en large demi-cercle sur de banales chaises de
réunion, vêtus de costumes, penchés en avant, les
coudes sur les genoux. Sur Echad Mi Yodea
les danseurs se jettent en arrière, un par un, les yeux et les
bras au ciel, puis jettent leurs vêtements au centre de la
scène, répétant cette séquence plusieurs
fois, avec de subtiles différences. La bande-son nous
emmène de surprise en surprise, faisant se succéder
Pérez Prado (le roi du mambo cubain), le crooner Dean Martin ou
Vivaldi pour un beau pas de deux sur le Nisi Dominus.
Dans une des dernières séquences, chaque danseur invite
un spectateur à monter sur scène pour lui servir de
partenaire. Pour qui n’est pas né de la dernière
pluie, l’absence de fausse note dans cet exercice délicat
rend difficile la pensée que ces spectateurs n’ont pas
été quelque peu préparés à
l’avance. Mais la bonne humeur de l’ensemble et le talent
des danseurs font tout passer. Le public en redemande et c’est
une œuvre qui se prête volontiers au bis. Cet esprit de
joyeux mélange cosmopolite était très
prégnant dans tout ce programme et c’était
peut-être bien le sens que Charles Jude voulait lui donner
lorsqu’il l’a composé.
Jean-Marc Jacquin © 2015, Dansomanie
Tam-tam et percussion
Chorégraphie : Félix Blaska
Musique : Pierre Chériza, Jean-Pierre Drouet
Avec : Mika Yoneyama, Marc-Emmanuel Zanoli
Nicole Muratov, Emilie Cerruti, Diane Le Floc'h, Pascaline Di Fazio
Marina Guizien, Alice Leloup, Marie-Lys Navarro, Natalia Butragueno
Claire Teisseyre, Felice Barra, Pierre Devaux, Kase Craig, Take Okuda
If to leave is to remember
Chorégraphie, mise en scène, lumières
et costumes : Carolyn Carlson
Musique : Philip Glass
Lumières : Guillaume Bonneau
Avec : Sara Renda, Diane Le Floc'h, Alice Leloup, Marie-Lys Navarro
Roman Mikhalev, Alvaro Rodriguez Pinera, Oleg Rogachev, Austin Lui
Kase Craig, Neven Ritmanic, Marc-Emmanuel Zanoli
Au-delà des grands espaces
Chorégraphie : Hamid Ben Mahi
Musique : Alain Bashung, arrangement Yann Péchin
Lumières : Antoine Auger
Avec : Vanessa Feuillatte, Diane Le Floc'h, Marina Guizien, Marina Kudryashova
Neven Ritmanic, Oleg Rogachev
Minus 16
Chorégraphie : Ohad Naharin
Musique : Antonio Vivaldi, Frédéric Chopin, Arlen Harold, musiques traditionnelles (Cha-Cha de amor)
Lumières : Avi Yona Bueno
Avec : Vanessa Feuillatte, Laure Lavisse, Diane Le Floc'h
Natalia Butragueno, Emilie Cerruti, Pascaline Di Fazio
Marina Kudryashova, Alice Leloup, Nicole Muratov, Claire Teisseyre
Roman Mikhalev, Oleg Rogachev, Alvaro Rodriguez Pinera
Felice Barra, Kase Craig, Guillaume Debut, Davit Gevorgyan
Austin Lui, Samuele Ninci, Take Okuda, Neven Ritmanic
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
Vincent Bauer, Adriano Dos Santos, percussions
Yann Péchin, guitare - Bobby Jocky, basse
Musique enregistrée
Dimanche 22 mars 2015, 15h00, Grand Théâtre de
Bordeaux
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