menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Staatsballett Berlin

06 mars 2015 : La Belle au bois dormant (Nacho Duato) à la Deutsche Oper de Berlin


Dornröschen
Dornröschen  / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)


Dès l'ouverture du rideau, le ton est donné : les décors et les costumes sont splendides. Mais pas dans le pompeux à la française avec de l'or partout, des grosses perruques ou des fleurs à foison.. simplement beaucoup de blanc, de diamants et une scène pas trop chargée en décors.

Prologue - Superbe première danse du corps de ballet qui se joue de cette chorégraphie classique à la sauce Duato... d'autant plus avec ces longues robes!! Personnellement, plutôt habituée aux versions classiques (versions russes, françaises ou anglaises), ce mélange de classique et de "moderne" ne m'a - au début - pas embêtée du tout). L'arrivée des fées est un enchantement! Elles sont toutes vraiment superbes. La Fée Violente (Elisa Carrillo Cabrera, étoile depuis 2011) nous nargue avec ses lignes et sa danse si piquante. On se demande d'ailleurs pourquoi une étoile se retrouve à faire une simple fée. Krasina Pavlova (Fée Fleur de farine), qui dansera Aurore en avril, a une technique très sûre. Mais ma préférence va à Marina Kanno en Fée Canari!!! Elle virevolte, tourne et joue au milieu des autres danseurs avec une réelle aisance. Mais par contre, la Fée des Lilas (Sarah Mestrovic, soliste depuis 2011) est vraiment un très mauvais choix. Surtout quand on voit avant elle le niveau de ses comparses! Certes, elle est grande et mince, et a une facilité pour tourner.. mais j'ai souffert durant tout le spectacle tant elle semblait lutter contre son manque évident de technique. Vraiment à mes yeux, le gros point négatif de ce spectacle.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

La Reine, dansée par Beatrice Knop, une autre danseuse principale bientôt retraitée (à Berlin  depuis 1991 et étoile depuis 1998) est vraiment majestueuse.. Et même si elle ne peut pas beaucoup bouger vu sa robe, le peu qu'elle a dansé m'a donné envie d'en voir beaucoup plus. Carabosse au début fait son effet.. dansée par un homme très grand, mais surtout très imposant, il/elle hypnotise réellement.

Rishat Yulbarisov (depuis 2014 à Berlin, Duato l'ayant amené dans ses bagages directement du théâtre Mikhaïlovsky) a dansé, il me semble, ce rôle en 2011 lors de la première à Saint Pétersbourg. Mais finalement, n'ayant aucune expression, et étant simplement aidé par son superbe costume et son maquillage à la Black Swan, il ressemble pour moi plus à une Drag Queen qu'à une femme diabolique, ou froide, ou aigrie... Aucune idée de ce qu'il tente de jouer.... Dommage... Mais le public l'a ovationné lors des saluts, donc ça ne doit venir que de moi, qui suis habituée à voir des Carabosse (homme ou femme) qui jouent vraiment et tentent de raconter une histoire. Puis il/elle est aussi beaucoup aidé par ses monstres, bondissants et mesquins par excellence.... dommage qu'ils ne soient pas venus saluer au final.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Acte 1- Contrairement à l’ensemble du spectacle, les costumes des filles du corps de ballet lors de la valse du premier acte ne les mettent pas à leur avantage. On dirait qu’elles portent des jupes en feuilles de salade, et leurs corsets ne semblent pas bien ajustés à leur taille. Dommage, car l’ensemble avec les garçons est très beau et on a l’impression qu’ils sont heureux de danser, mais ça m’a gâché un peu le moment. D'ailleurs, j’ai reconnu quelques danseurs français, sortis entre autre du Conservatoire de Paris, et ça fait plaisir de les voir danser.

Mais le plus important pour ce premier acte est l'arrivée de la jeune Aurore, campée ici par une Iana Salenko absolument parfaite. L’interprétation, les lignes, la technique brillante, tout est là! Et même si la première variation n’est pas une des plus esthétique, elle s’en sort à merveille. La chorégraphie n’a vraiment pas l’air facile et n’est pas très organique, mais Iana Salenko se joue de tous ces pièges avec une telle facilité – pièges dans lesquels bon nombre d’étoiles seraient tombées - c’en est déconcertant!

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

L’Adage à la rose est également exécuté avec brio, ici soutenu par quatre princes très prévenants (dont le Français Kevin Pouzou). Mise à part la série finale de manèges attitude avec ses quatre princes, l’ensemble de la chorégraphie (et il en est de même pour tout le ballet) est totalement différente de ce que l’on voit d’habitude. Et personnellement, je sais que je peux me lasser très vite d’un énième Adage à la rose, mais le fait que la chorégraphie soit complètement différente, a fait que le temps s’est presque envolé ; aucun moment d’ennui... un très bon point!

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

C’était le souhait de Nacho Duato en faisant cette Belle au bois dormant, de faire SA propre version, et non pas un énième copier-coller de la version de Petipa. Pour le coup c’est très différent... et parfois ce mélange de pas purement classiques avec des bras plus modernes ou des décalés - déhanchés du genre Kylian-Forsythe peut surprendre. Je pense que l’effet rend bien car les danseurs sont très bons. Mais c’est parfois, à mon goût, tellement difficile et pas toujours organique, que je ne pense pas que les danseurs s’épanouissent totalement. On voit bien qu’ils essayent de se dépêtrer de ce mélange de pas "tordus" et sont heureux une fois qu’ils ont réussi à s’en sortir sans trop d’accrocs.



Acte 2 - Après un premier acte où les décors et les lumières mettaient bien en valeur tout le monde, ce deuxième acte, beaucoup plus sombre, fait un peu retomber le soufflé. Il s’agit de la scène de la chasse, sur fond de décors dans les bleus-violets-verts. Alors pourquoi faire porter aux garçons des costumes de la même couleur? Parfois, il était vraiment difficile de retrouver les danseurs dans le décor. Dommage!

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

L’arrivée du prince Désiré (Marian Walter) ne se fait pas trop remarquer, mais dès ses premières variations, on tombe sous le charme. Certes, il est beau, élégant, il danse très bien... mais il a ce je ne sais quoi qui fait qu’on s’attache tout de suite au personnage qu’il joue. Contrairement à ce que les filles ont dû endurer avec leurs variations dans le premier acte, la variation de Désiré n’est pas trop tordue ou semée de pièges. Il s’en sort très bien, même si parfois on voudrait qu’il se lâche encore plus.  Les jeunes filles du corps de ballet (Nymphes) sont au début très ensemble, avec ici aussi des pas purement classiques. Leurs costumes manquaient d’un peu plus de détails. Le changement est radical par rapport à la beauté de certains costumes dans le premier acte.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Iana Salenko est de nouveau parfaite, malgré un petit accroc dans une pirouette, mais rattrapé avec brio. Il fallait vraiment avoir l’oeil pour le remarquer. Ses lignes, ses arabesques, ses descentes de pointes, on a vraiment l’impression qu’elle effleure à peine le sol. Cette danseuse mérite vraiment d’être plus reconnue et d’être plus souvent invitée dans de grosses compagnies (elle a été guest au Royal Ballet en 2013, dans le Don Quichotte d’Acosta).

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Carabosse n’apporte, à mes yeux, plus rien de spécial. J’ai été plus attirée par ses petits monstres, qui même cachés sous leur masques, font vraiment ressentir la méchanceté, la malice que l’on devrait voir sur le visage de la méchante fée.

J’ai eu du mal également à comprendre comment et pourquoi, à la fin de cet acte, on voit la Belle endormie... posée sur une pierre/tombe? Une princesse, posée ainsi à même le sol, en pleine forêt? Etrange, mais bon, on passe. La scène du baiser final est en tout cas très belle ; de magnifiques roses tombent lentement des cintres et forment tel un cadre entourant le couple... du plus bel effet.


Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Acte 3 - Cet acte est aussi vraiment très beau, et personnellement ces décors et costumes font que j’en oublie même de savoir si j’aime ou pas la chorégraphie. Chaque petit duo/trio fait son entrée : Pierres précieuses, Chat botté / Chatte blanche, Oiseau bleu / Princesse Florine, Petit chaperon rouge / Loup danseront par la suite leurs variations. Mais se joignent aussi à la fête Cendrillon et son prince, la Belle et la Bête et même une grenouille et sa princesse! Pour ce dernier, le costume vert flashy détonait avec le reste des costumes blancs étincelants, mais son entrée à fait son effet auprès du public.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Les couples de Chats, Oiseaux, Chaperon rouge et son loup ont eu un sacré succès... bien mérité. Ici, les variations n’étaient pas faciles, mais ils ont tous été vraiment très courageux. Ma préférence allait aux fameuses Pierres précieuses (Saphir, Améthyste, Or) et le soliste homme en or. Ces quatre solistes (Mmes Kurkova, Pavlova, Cabrera et M. Kollmansperger) sont vraiment très bons et malgré les difficultés de leurs variations (surtout pour celle du soliste homme), ils s’en sont sortis à merveille, même si on lisait légèrement la tension sur leurs visages durant certains enchainements.
Contrairement à la version Opéra de Paris, où nous retrouvons un couple de solistes accompagné de trois Pierres précieuses, ici chacun des quatre danseurs a sa variation solo. Donc le découpage musical est différent... mais ça fait du bien, ça change.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Seul bémol, les tutus qui étaient plus bleu, violet ou orange criards que "pierres précieuses". Cela détonait avec le reste! La Fée Lilas, encore une fois, je passe... je ne comprends pas comment on peut distribuer une telle danseuse, surtout quand on voit les autres (Etoiles même, telles que Elisa Carrillo Cabrera) danser des rôles de second plan. Le couple Salenko/Walter a une fois de plus montré tout son talent. Elle est décidément une Aurore parfaite ; tout semble si frais, si naturel. Même chose pour le prince Désiré qui nous a offert une série de sauts et surtout de pirouettes vraiment époustouflantes. Puis la fin, avec l’arrivée de la traine toute ornée de diamants, et qui prend toute la la longueur de la scène, est une image que je garderai gravée dans mon esprit. Les gens dans la salle retenaient leur souffle. Quand la jeune princesse, une fois arrivée en haut des escaliers, ornée de son long voile, se tourne vers son prince charmant, et qu’il accourt vers elle, (dommage sans son cheval..), je pouvais clairement ressentir l’intense émotion dans le public. Le rideau se ferme sur cette image si belle.... A sa réouverture, le public les ovationne.

Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)

Chaque danseur a reçu un accueil très chaleureux du public. Même chose pour l’orchestre et son chef, qui ont été brillants (sauf dans la variation d’Aurore du 3ème acte, où les notes crissaient parfois un peu trop). J’en suis ressortie émue et aux anges, mais je crois que les décors, costumes, et surtout le couple Salenko/Walter y sont pour beaucoup. Personnellement, je trouve que la chorégraphie de Nacho Duato est trop tarabiscotée, et n’aide pas les danseurs. J’ai vu des gens dans la salle faire la moue à la vue de certains enchainements bizarres (Fées, Aurore, Pierres précieuses). Après je lui reconnais le fait qu’il a voulu changer le style, et ne pas copier ce qui existe depuis un siècle et que l’on voit partout. Ce fut en tout cas une très belle soirée.


Aurélie Lafaye © 2015, Dansomanie

Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 


Dornröschen
Dornröschen / La Belle au bois dormant (chor. Nacho Duato)



La Belle au bois dormant (Dornröschen)
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Chorégraphie : Nacho Duato
Décors et costumes : Angelina Atlagic
Lumières : Brad Fields

Aurore –  Iana Salenko
Le Prince Désiré – Marian Walter

Carabosse – Rishat Yulbarisov
La Reine – Beatrice Knop
Le Roi Florestan – Michael Banzhaf
Catalabutte – Arshak Ghalumyan

La Nourrice – Martina Böckmann

La Fée des Lilas – Sarah Mestrovic
Permière Fée – Anastasia Kurkova
Deuxième Fée – Krasina Pavlova
Troisième Fée – Ilenia Montagnoli
Quatrième Fée – Marina Kanno
Cinquième Fée – Elisa Carillo Cabrera

Le Prince anglais – Nikolay Korypaev
Le Prince indien – Kevin Pouzou
Le Prince espagnol – Alexej Orlenco
Le Prince italien – Olaf Kollmannsperger

La Duchesse – Elena Pris

Pierres précieuses / Saphir – Elisa Carillo Cabrera
Pierres précieuses / Améthyste – Krasina Pavlova
Pierres précieuses / Or – Elisa Carillo Cabrera, Olaf Kollmannsperger

La Chatte blanche – Iana Balova
Le Chat botté – Ulian Topor

La Pricesse Florine – Iana Balova
L'Oiseau bleu – Ulian Topor

Le Petit chaperon rouge – Maria Giambona
Le Loup – Taras Bilenko

La Princesse-Grenouille – Patricia Zhou
Ivan-Tsarevitch (Grenouille) – Alexander Shpak

Cendrillon – Aoi Suyama
Le Prince charmant – Tyler Gurfein

La Belle – Xenia Wiest
La Bête – Taras Bilenko




Staatsballett Berlin
Orchestre de la Deutschen Oper Berlin, dir. Pedro Alcalde

Vendredi 06 mars 2015,  Deutsche Oper Berlin


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page