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Compañía Nacional de Danza (Madrid)
27 janvier 2015 : La Compañía Nacional de Danza au Théâtre des Champs-Élysées
Casi casa (chor. Mats Ek)
La
venue de la Compañía Nacional de Danza, dirigée
par José Martinez, ancienne Etoile du Ballet de
l’Opéra de Paris, était l’un des
événements les plus attendus de la saison
chorégraphique concoctée par le Théâtre des
Champs-Elysées et les productions Albert Sarfati.
La troupe madrilène se forge depuis deux ans un
répertoire éclectique, classique et contemporain, et se
prépare même, avec un prochain Don Quichotte,
à affronter les grands ouvrages chorégraphiques de
l’époque romantique. Pour la tournée parisienne,
José Martinez a néanmoins choisi de présenter un
programme résolument inscrit dans le XXIème siècle
avec des pièces signés Itzik Galili, Alejandro Cerrudo et
Mats Ek.
Itzik Galili – aujourd’hui établi aux Pays-Bas, fait
partie de l’avant-garde artistique israélienne, fortement
médiatisée depuis le milieu des années 1990. Sub,
qui date de 2009, était donné en création
française et tenait lieu d’ouverture de soirée.
Hors-d’œuvre assez conséquent, du reste, car
l’ouvrage, brutal et martial – il rappelle, sans pouvoir
prétendre au même génie, Artifact Suite
de William Forsythe – et sollicite fortement les danseurs de la
CND. Les éclairages crus, les costumes minimalistes (sortes de
jupes longues renvoyant aux codes tribaux et sadomasochistes), ainsi
que la musique lancinante (sorte de mélange d’effets
électroacoustiques, d’explosions brutales et de
néo-baroque à la rythmique trépidante)
signée de Michael Gordon contribuent à plonger le
spectateur dans une ambiance âpre et guerrière,
qu’Itzik Galili a peut-être voulue à l’image
de notre époque.
Sub (chor. Itzik Galili)
Le spectacle se poursuivait par Extremely Close,
ouvrage signé d’Alejandro Cerrudo, jeune chorégraphe espagnol, mais qui
s’était jusqu’à présent davantage fait connaître aux Etats-Unis
(Boston, Chicago, New York, Seattle ont été les lieux de ses dernières
créations) que dans la péninsule ibérique. A juste titre, José Martinez a
voulu promouvoir le travail d’un compatriote qui, par ailleurs, offrait
l’intérêt de contraster de manière saisissante avec la violence de Sub.
Trop saisissante peut-être. Alejandro Cerrudo revendique ouvertement la
filiation avec Jiří Kylián, chez qui il fut danseur. On regrettera
toutefois un style encore imparfaitement mûr, où se mêlent des
influences diverses, mais qui manque d’une vraie personnalité, unique.
Parmi les épigones de Kylián, un Medhi Walerski fait preuve d’une toute
autre créativité. Extremely Close
fait certes évoluer les danseurs sur un nuage de plumes – réminiscence
d’un lac hanté de volatiles chers aux ballettomanes, mise en scène par
Tom Visser, l’un des collaborateurs habituels de Kylián au Nederlands
Dans Theater -, mais l’originalité s’arrête là. Les mouvements sont
amples, fluides, fort bien exécutés par les huit danseurs venus
d’outre-Pyrénées, au lyrisme tout à fait remarquable. Mais rien que l’on
n’ait déjà vu ailleurs. Et ultime poncif, le choix, pour la musique, de
Philip Glass, qui semble être incontournable pour (presque) tous les
chorégraphes actuels, bons et moins bons.
Extremely Close (chor. Alejandro Cerrudo)
Le mot de la fin revenait à un chorégraphe dont
nul ne saurait douter du talent et de l’inventivité : Mats Ek, qui vient
malheureusement de faire savoir qu’il allait mettre progressivement un
terme à ses activités.
Casi Casa est une commande de la
compagnie Danza Contemporánea de Cuba, qui créa la pièce à La Havane il
y a six ans; elle vient d’entrer au répertoire de la CND. Casi Casa
était présenté comme une sorte de « continuation » d’Appartement, conçu
en l’an 2000 pour le ballet de l’Opéra National de Paris. L’idée était
séduisante, dans la mesure où elle pouvait conduire à une série de
broderies loufoques et accommodées à la sauce hispano-latino, à partir
de la drolatique variation dite de «la Télévision». Las ! C’est en vain
qu’on aura attendu de Mats Ek qu’il endosse pour l’occasion le costume
d’un Almodóvar du chausson. Casi Casa ne s’avère être qu'une version «à l’économie» d’Appartement,
légèrement raccourcie et sans la présence explosive – et partie
intégrante de la scénographie – du Flesh Quarttet, ce remarquable
ensemble d’artistes issus de l’Académie Royale de Stockholm, capables de
passer en un éclair de Beethoven à l’électro-rock le plus sauvage.
Casi Casa (chor. Mats Ek)
Pour ceux qui connaissaient Appartement, Casi Casa, ce «quasi-Appartement»
donc, ne pouvait qu’être une déception, d’autant que là, des
personnalités de la trempe de Marie-Agnès Gillot, de Nicolas Le Riche,
de Kader Belarbi ou de … José Martinez, qui assurèrent la création de
l’ouvrage originel au Palais Garnier, font défaut.
Au-delà de ces réserves – à relativiser tout de même, car la comparaison
s’établit à un haut niveau de qualité -, la venue de la Compañía
Nacional de Danza en France n’en n’était pas moins un événement
incontournable : elle nous aura révélé le travail remarquable accompli
par José Martinez pour bâtir une troupe Casi-neuve
sur le champ de ruines laissé en héritage par Nacho Duato, parti à
Saint-Pétersbourg avec toutes ses chorégraphies. D’une compagnie
mutilée, privée de répertoire, M. Martinez a fait une troupe revigorée,
enthousiaste, et d’un excellent niveau technique. Il reste encore du
chemin à parcourir, mais si des choix politiques malvenus ou des
contraintes budgétaires insurmontables ne viennent pas gâcher la fête,
la CND devrait d’ici peu se faire une place enviable parmi les grandes
compagnies européennes. Et c’est au public qu’échoit la tâche de
soutenir les artistes dans leurs efforts, et de leur permettre de
relever cet ambitieux défi.
Romain Feist © 2015, Dansomanie
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quelque procédé que ce soit, constituerait une
contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété
intellectuelle.
Note importante : des incohérences
apparaissaient entre les distributions telles qu'elles figuraient sur
le programme et celles fournies à la presse par la production.
Nous avons retenues les secondes, mais leur exactitude ne peut
être garantie.
Sub
Musique : Michael Gordon
Chorégraphie : Itzik Galili
Scénographie : Leonardo Centi
Costumes : Natasja Lansen
Lumières : Yaron Abulafia
Avec : Esteban Berlanga, Toby William Mallitt, Erez Ilan
Álvaro Madrigal, Jacopo Giarda, Lucio Vidal, Rodrigo Sanz
Extremely close
Musique : Philip Glass, Dustin O'Halloran
Chorégraphie : Alejandro Cerrudo
Scénographie : Tom Visser
Costumes : Janice Pytel
Lumières : Tanja Rühl
Avec : Emilia Gisladöttir, Jessica Lyall, Kayoko Everhart, Sara Fernández
Isaac Montllor, Antonio De Rosa, Javier Monzón
Casi casa
Musique : Fleshquartet
Chorégraphie : Mats Ek, assisté d'Ana Laguna et Mariko Ayoma
Décors et costumes : Peder Freiij
Lumières : Erik Berglund
La Télévision – Francisco Lorenzo
La Cuisine – Kayoko Everhart, Lucio Vidal
L'Aspirateur – Emilia Gisladöttir
La porte – Jessica Lyall, Alessandro Riga
Le Trio – Isaac Montllor, Aleix Mañé, Mattia Russo
Pink – Aída Badía
Le Chapeau – Sara Fernández
Compañía Nacional de Danza
Musique enregistrée
Mardi 27 janvier 2015, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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