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Ballet du Capitole de Toulouse
15 janvier 2015 : Entre deux (Kader Berlarbi, Maguy Marin, Stijn Celis)
Julie Charlet et Davit Galstyan dans A nos amours (chor. K. Belarbi)
Lorsque Kader Belarbi créa A nos amours
pour le Ballet du Capitole en 2010, il n’avait pas encore pris
ses fonctions de directeur de la danse. Depuis ce temps, les
interprètes d’alors se sont dispersés vers divers
horizons. La décision de reprendre ce ballet a conduit le
chorégraphe à repenser son œuvre en
l’adaptant aux caractéristiques et aux
personnalités des nouveaux danseurs de la compagnie toulousaine.
Par la magie de l’expression chorégraphique,
l’œuvre a gardé toute la fraîcheur qui la
caractérisait il y a cinq ans, et les différences
nécessaires ne semblent en rien avoir changé la force
d’à-propos de ses épisodes.
Takafumi Watanabe et Beatrice Carbone dans A nos amours (chor. K. Belarbi)
Le dispositif
scénique des trois cages de verre mobiles est toujours aussi fascinant
en ce qu’il ouvre comme infinité de perspectives autour des trois
couples. Trois couples à trois âges, ou le même couple se reflétant en
trois étapes, ou bien aussi trois visages de l’amour, toutes les
interprétations sont ouvertes. Les cages de verre sont à la fois des
refuges, mais aussi s’ouvrent sur le monde extérieur, formant un
univers sans cesse mouvant. Le petit meuble rouge, chaise, table ou
banc, accessoire indispensable de chacun des couples, symbolise une
forme de quotidien. La grammaire utilisée par Kader Belarbi mélange
habilement la technique sur pointes et une gestuelle contemporaine. On
sent l’influence prégnante de Mats Ek, mais A nos amours est
certainement l'un des plus personnels des ballets de Kader Belarbi.
Takafumi Watanabe et Beatrice Carbone dans A nos amours (chor. K. Belarbi)
Le
couple jeune, habillé de blousons et jeans, revit en Julie
Charlet et Davit Galstyan. Moins explosive que ne l’était
naguère Gaëlle Riou, Julie Charlet donne une gracieuse
spontanéité à son personnage, s’affirmant
progressivement face à l’assurance virile de Davit
Galstyan. La composition séduit. Le couple de la
maturité, certainement le plus passionné, est
dévolu à la danse large de Beatrice Carbone et Takafumi
Watanabe. Leur technique et leur expressivité n’est pas en
défaut. Il leur manque probablement un peu de vécu commun
pour que leur partenariat fonctionne pleinement. Maria Gutierrez et
Avetik Karapetyan, jupe écossaise et pull jacquard,
forment le vieux couple. Ce danseur à la forte carrure,
originaire d’Arménie, nouveau premier soliste au Ballet du
Capitole, s’avère tout à fait convaincant dans ce
type d’emploi, face à une Maria Gutierrez
concentrée et réfléchie. Les musiques perdent un
peu à ne pas être jouées en direct, en particulier
le fade Arvo Pärt. Les atmosphères se créent
pourtant comme une évidence, avec un dernier tableau tout ce
qu’il y a de plus touchant sur «l’Heure
exquise».
Nicolas Rombaut et Eukene Sagues-Abad dans Eden (chor. M. Marin)
Pas de musique en revanche chez Maguy Marin. Pour le duo d’Eden,
créé en 1986, celle-ci a choisi une bande-son
composée de bruits de cascades, d’orages lointains. Pas de
décor non plus. Un couple de danseurs apparaît au fond de
la scène, semblant comme nus dans leurs académiques
couleur chair. Il arborent des cheveux sortis tout droit de la La Guerre du feu,
des visages vagues, et leur démarche est ralentie, comme
d’une autre temporalité. Ils figurent Adam et Eve avant la
Chute, au temps de l’innocence. La danseuse est presque
constamment portée par son partenaire, s’enroulant et
s’enlaçant autour de lui comme une liane. Le danseur la
soutient, accompagnant ses gestes souples. L’effet est d’un
statisme voulu, sans début ni fin, dans ce qu’on pourrait
appeler le pas de deux originel.
Eukene Sagues-Abad et Nicolas Rombaut dans Eden (chor. M. Marin)
Les sympathiques
Eukene Sagues Abad et Nicolas Rombaut donnent à leurs mouvements un
maximum de fluidité et de précision, sans lesquelles le tableau perdrait
de sa puissance. Maguy Marin, dont l’implantation à Toulouse a
finalement tourné court, poursuit ainsi sa collaboration avec le Ballet
du Capitole, débutée brillamment avec le burlesque Groosland.
Noces (chor. S. Celis)
La reprise de Noces de
Stijn Celis s’inscrit naturellement dans cette thématique
des liens qui se tissent entre deux êtres. Mais, alors que les
rapports amoureux étaient vus de manière individuelle
dans les deux premières pièces du programme, les liens
conjugaux sont vus chez Stijn Celis sur le plan de la
collectivité, à travers l’institution sociale du
rite du mariage. Stijn Celis
reprend en effet à sa manière le thème du mariage paysan exploré à
l'époque de Diaghilev par Bronislava Nijinska et Igor Stravinsky. Le
ton en est radicalement différent. Le ballet s'ouvre dans une
atmosphère sombre où les hommes vêtus de noir déplacent les longs
bancs, dont le bois racle bruyamment sur le sol, et délimitent ainsi
plusieurs espaces qui évolueront.
Solène Monnereau dans Noces (chor. S. Celis)
Les
épouses entrent pieds nus, en robes blanches
déchirées. Le chorégraphe privilégie les
alignements pour éviter de mettre en avant les
individualités. Sous leur maquillage grotesque, les danseurs
sont d'ailleurs à peine reconnaissables. Leurs
piétinements, leurs mouvements d'avant en arrière, leurs
affrontements brutaux prennent alors un rythme furieux. Les danseurs de
Toulouse font preuve d'une homogénéité de tous les
instants dans ces agitations de marionnettes devenues folles.
Jean-Marc Jacquin © 2015, Dansomanie
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Noces (chor. S. Celis)
A nos amours
Musique : Gabriel Fauré, Reynaldo Hahn, Zoltán Kodály, Arvo Pärt
Chorégraphie : Kader Belarbi
Scénographie : Michaela Buerger, Kader Belarbi
Costumes : Michaela Buerger
Lumières : Sylvain Chevallot
Les Jeunes – Julie Charle, Davit Galstyan
Les Adultes – Béatrice Carbone, Takafumi Watanabe
Eden
Chorégraphie : Maguy Marin
Scénographie : Maguy Marin
Bande-son : Maguy Marin
Costumes : Montserrat Casanova
Lumières : Alexandre Béneteaud
Avec : Eukene Sagues Abad, Nicolas Rombaut
Noces
Musique : Igor Stravinsky
Chorégraphie : Stijn Celis
Décors : Stijn Celis
Costumes : Catherine Voeffray
Lumières : Marc Parent
Avec : Virginie Baïet-Dartigalongue, Taisha Barton-Rowledge, Caroline Betancourt
Sofia Caminiti, Vanessa Dirven, Estelle Fournier, Lauren Kennedy, Julie Loria
Solène Monnereau, Kayo Nakasato, Tiphaine Prévost, Juliette Thélin
Valerio Mangianti, Shizen Kazama, Matthew Astley, Alexandre Akulov
Evgueni Dokoukine, Davit Galstyan, Minoru Kaneko, Shizen Kazama, Jérémy Leydier
Artyom Maksakov, Nicolas Rombaut, Maksat Sydykov, Takafumi Watanabe
Ballet du Capitole de Toulouse
Musique enregistrée
Mercredi 15 janvier 2015, Halle aux grains, Toulouse
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