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critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

14 décembre 2014 : Casse-Noisette au Ballet National de Bordeaux


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La Bataille des Rats


Casse-Noisette fut l’un des premiers grands ballets que Charles Jude chorégraphia après son arrivée à la tête de la compagnie bordelaise. Depuis sa création en 1997, ce ballet ne cesse d’être repris au moment des fêtes de fin d’année. Au rythme presque régulier d’une reprise tous les trois ans, l’Opéra de Bordeaux s’approprie ainsi une tradition fortement ancrée ailleurs, notamment dans les pays anglo-saxons. Et il est vrai que de par son mélange de merveilleux et d’exotisme, tout en partant d’un environnement familier puisqu’il décrit justement une veillée de Noël dans un intérieur bourgeois, grâce aussi à la participation d’enfants dans certaines parties de la chorégraphie, Casse-Noisette constitue un spectacle recherché à l’approche des fêtes. Le succès ne se dément pas car cette année encore, les différents systèmes de réservation ont rapidement été pris d’assaut jusqu’à obliger le théâtre à afficher complet pour la vingtaine de représentations.

Et en effet le public, tous âges confondus, se presse en cette matinée de dimanche, dans le vestibule du Grand-Théâtre, tout illuminé pour l’occasion. La version de Charles Jude se distingue par la profusion de ses décors. Découpée en une dizaine de tableaux, elle transpose au premier acte la réception chez les Silberhaus dans les années 1920 : silhouettes filiformes, robes aux mollets, coiffures légères pour les femmes, smokings élégants ou uniformes militaires pour les hommes, le Président Silberhaus expose ses pièces de collections dans de riches salons. Les enfants arborent encore pour certains de magnifiques costumes marins. S’inspirant en de nombreux points de la version de Noureev, Charles Jude a  introduit par exemple au début du deuxième acte une scène de cauchemar avec le retour du Roi des rats accompagné d’une nuée de chauves-souris, scène pourtant peu convaincante sur le strict plan de la chorégraphie. Elle diffère cependant avec la version parisienne sur un point majeur, et se rapproche ainsi du conte d’Hoffmann, et de son adaptation par Dumas, qui inspira Petipa : c’est bien le casse-noisettes jouet qui se transforme en Prince, et non pas le mystérieux Drosselmeier. Comme souvent, la fée Dragée et son partenaire ont disparu. Le Prince Casse-Noisette n’emmène pas Marie (prénom de l’héroïne chez Hoffmann) au royaume des friandises, mais dans un voyage autour du monde. Les danses de caractères du deuxième acte sont alors le prétexte à autant de changements de décors ponctués de notes humoristiques. Charles Jude et Giulio Achilli se sont inspirés ici de l’univers d’Hergé, tout du moins de ses illustrations pour les aventures les plus lointaines de Tintin. On abandonne alors sans détour l’atmosphère fantastique d’Hoffmann pour un livre d’images purement descriptif. Comme dans de nombreuses versions c’est à Marie et à son Prince qu’échoit le grand pas de deux qui respecte peu ou prou le contenu traditionnel tel qu’il s’est retransmis depuis Petipa.

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Le Roi des Rats et sa troupe

Cette série de représentations fut l’occasion de nombreuses prises de rôles. Et parmi elles, celle de Sara Renda a fait l’événement puisqu’elle lui valut une nomination de Première Danseuse, titre créé par Charles Jude il y a peu d’années sur le modèle hiérarchique de l’Opéra de Paris. Par suite de l’indisponibilité d’Oksana Kucheruk, souffrante, Sara Renda multiplia les représentations. De toute évidence, cette danseuse dispose d’une technique classique souveraine, qui lui permet d’aborder avec une autorité rayonnante les rôles virtuoses. La beauté de ses pointes, le naturel de ses extensions font merveille dans le pas de deux final. Tout juste peut-on lui reprocher un défaut de caractérisation de son personnage, notamment au premier acte, à tel point qu’on la perd de vue à plusieurs reprises pendant les longues scènes de pantomime. L’évolution psychologique de l’adolescente, qui forme souvent la trame du ballet, est ainsi complètement laissée à l’abandon. Mais sans nul doute, les prochaines prises de rôles de Sara Renda seront attendues.

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La Pastorale

A ses côtés Igor Yebra n’a semble-t-il éprouvé aucune difficulté à s’adapter à sa nouvelle partenaire, lui qui forme un couple régulièrement distribué avec Oksana Kucheruk. Si sa technique a perdu quelque peu de son éclat, il conserve cette volupté naturelle qui donne une épaisseur particulière à ses princes.

Les danses de caractère donnent l’occasion de briller à de nombreux solistes de la troupe. La revigorante danse russe est formidablement défendue par Vladimir Korec, Neven Ritmanic et Mike Derrua, tandis que dans la danse arabe, Stéphanie Roublot et Kase Craig ne se laissent pas distraire par un chameau légèrement cabot. Alvaro Rodriguez Piñera dans la danse espagnole et Alexandre Gontcharouk dans la pastorale (danse des Mirlitons) savent faire preuve d’élégance dans des parties assez redoutables.

Le corps de ballet est particulièrement mis à contribution dans les deux célèbres valses. Aussi bien dans la valse des flocons que dans la valse des fleurs, il fait preuve d’une rigueur et d’une homogénéité exemplaires, démontrant ainsi la densité et le travail sérieux de la compagnie. On loue dans ces deux moments emblématiques la superbe réussite des costumes de Philippe Binot.




Jean-Marc Jacquin © 2014, Dansomanie

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Diane Le Floc'h en costume de Marie lors de sa promotion au rang de Soliste


Casse-Noisette
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie, scénographie et lumières : Charles Jude
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot

Marie – Sara Renda
Le Prince - Casse-Noisette
Igor Yebra
DrosselmeierOleg Rogatchev
FritzAlexandre Gontcharouk
LouiseMarina Guizien
ArlequinAustin Lui
Colombine – Diane Le Floc'h
Le Cosaque – Vladimir Korec
Le Président Silberhaus – Guillaume Debut
La Présidente Silberhaus – Mika Yoneyama
Le Grand-père – Oliviero Bifulco
La Grand-mère – Laura Hierro Perrez
La Gouvernante – Lolita Lequellec
Deux Vieilles filles – Lucie Peixoto, Laure Lavisse
La Servante – Anna Guého
Une Amie – Alice Leloup
Les Amis de Fritz – Vladimir Korec, Ashley Whittle
Le Roi des ratsLudovic Dussarps
Deux FloconsMika Yoneyama, Laure Lavisse
Danse espagnolePascaline Di Fazio, Alvaro Rodriguez Piñera
Le ChameauOliviero Bifulco, Loan Frantz
Danse arabeStéphanie Roublot, Kase Craig
Danse russeVladimir Korec, Neven Ritmanic, Mike Derrua
PastoraleMarina Guizien, Alice Leloup et Alexandre Gontcharouk



Ballet National de Bordeaux
Maîtrise du Conservatoire de Bordeaux - Jacques Thibaud
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir.  Ermanno Florio

Dimanche 14 décembre 2014,  Grand Théâtre de Bordeaux


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