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Festival Novart 2014 à Bordeaux
18 nov. 2014 : Pindorama (L. Rodriguez) / Chorégraphie de la perte de soi (F. Zeghoudi)
Le
festival Novart anime l’automne bordelais depuis plusieurs
années. Il se consacre aux arts scéniques de toutes
sortes, des plus traditionnels aux plus étonnants. Le cru 2014
fait une large place aux spectacles dansés. C’est dans la
salle le Carré – les Colonnes de
Saint-Médard-en-Jalles que Lia Rodrigues nous invite pour son Pindorama.
Le mot provient de la langue amérindienne tupi, parlée
par les peuples natifs du Brésil et désigne leur terre.
Lia Rodrigues est une artiste brésilienne formée au
ballet classique à São Paulo. Après avoir
travaillé quelque temps avec Maguy Marin, elle a fondé sa
propre compagnie à Rio de Janeiro, où elle a
créé aussi un festival annuel de danse contemporaine.
Depuis une dizaine d’années elle s’est
engagée dans le développement pédagogique et
artistique de la plus grande favela de Rio, la favela de Maré.
C’est dans cette perspective qu’il faut voir la plupart de
ses plus récentes créations. Pindorama
est d’ailleurs la troisième pièce d’un
triptyque entamé avec Pororoca en 2009, et poursuivi avec Piracema
en 2011. Cette troisième pièce a été
créée au festival d’automne à Paris en 2013.
Etrangement la grande salle reste vide. Les spectateurs sont
invités à laisser leurs vêtements chauds sur les
fauteuils et à rejoindre la scène, fermée par le
rideau noir. Le silence se fait sans cérémonial ni effet
d’éclairage. Quelques artistes, en tenue de tous les
jours, déroulent une longue bâche en plastique sur toute
la largeur de la scène. Les spectateurs se répartissent
de la manière la plus naturelle de chaque côté,
assis par terre ou debout. L’atmosphère est celle
d’un happening de rue, avec beaucoup d’attention cependant.
Une jeune femme, entièrement nue, le visage masqué par
des cheveux en bataille, se place au milieu de la bâche, verse
une bouteille d’eau sur ses cheveux, puis commence à se
rouler lentement, de manière désordonnée, sur le
sol. Pendant ce temps les manipulateurs de la bâche la font
onduler, d’abord doucement, puis l’agitent en formant des
vagues, de plus en plus violemment, jusqu’à figurer un
torrent furieux. Ils accompagnent leurs mouvements en poussant des cris
sauvages. La longue lutte de la danseuse sera inexorablement perdue.
Après un intermède de quelques minutes où les
artistes épongent le sol, une deuxième scène
reprend presque à l’identique, avec cette fois cinq
danseurs, dépouillés eux aussi de tout vêtement. La
bâche de plastique les recouvre, les submerge. Ils
s’associent parfois dans la lutte, ou bien se combattent les uns
les autres. Leur destin sera le même, condamnés à
se perdre dans le grand tout de la tempête
déchaînée.
Avec ce dispositif rudimentaire, éloigné finalement de
toute recherche d’esthétisme, et cette expression
corporelle qui laisse la plus grande place à l’instinct,
Lia Rodrigues fait œuvre de militante plus que de
chorégraphe. Il faut toucher le public par des moyens autres que
l’émotion poétique, ne serait-ce qu’au moyen
des éclaboussures de l’eau. L’expérience est
forte.
Faizal Zeghoudi, artiste franco-algérien multidisciplinaire,
ayant travaillé notamment auprès de Karine Saporta, a
installé sa troupe à Bordeaux. Il explore à
travers son œuvre sa vision des rapports hommes-femmes, interroge
sur la condition de la femme dans le monde arabo-musulman, et la
représentation de la nudité (décidément
très tendance ces temps-ci). Chorégraphie de la perte de soi, présentée au casino Barrière, est une pièce qui fait partie d’un ensemble intitulé Le Chant de la gazelle.
Elle est conçue pour six danseurs, une femme et cinq hommes,
mais il faudrait dire une femme contre cinq homme. Au milieu d’un
beau décor composé de rideaux projetés de
lumières changeantes, dans de superbes éclairages
signés Luc Kérouanton, la femme peine à trouver sa
voie face aux hommes qui la surveillent. Toujours en mouvement, elle
est guidée, repoussée, portée, accompagnée,
maltraitée, contrainte en définitive de rester au foyer,
en subordination. Leur danse est simple et fluide. Des silhouettes
menaçantes vêtues de burqas viennent prendre un moment
possession de la scène, avant que la danseuse ne reviennent nue,
la tête et le visage couverts d’un niqab. L’un des
hommes vient la rejoindre pour un corps à corps dansé
d’une grande sensualité. C’est cette fois la femme
qui mène le jeu malgré son voile, ou peut-être
grâce à son voile, en esquivant constamment les avances de
l’homme, comme si la femme était condamnée à
perdre son identité pour gagner sa liberté.
Déborah Lary et le sculptural Assan Beyeck Rifoe
déploient dans ce pas de deux une expressivité
passionnée et passionnante, avec une simplicité et un
naturel qui emportent l’adhésion. Il y a donc aussi de la
vraie danse au festival Novart.
Jean-Marc Jacquin © 2014, Dansomanie
Pindorama, chorégraphie organique pour onze danseurs
Chorégraphie : Lia Rodrigues
Dramaturgie : Silvia Soter
Lumières : Nicolas Boudier
Mardi 18 novembre 2014, 18h00, Le Carré - Les Colonnes, Saint-Médard en Jalles
Chorégraphie de la perte de soi
Chorégraphie : Faizal Zeghoudi
Lumières : Luc Kérouanton
Avec : Ludovic Atchy Dalama, Assan Beyeck Rifoe, Déborah Lary
Javier Ferrer Machin, Alexandre Gbeblewoo, Oliver Tida Tida
Mardi 18 novembre 2014, 20h30, Casino-Théâtre Barrière, Bordeaux
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