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Stuttgarter Ballett
16 novembre 2014 : Léonce et Léna (Christian Spuck) à l'Opéra de Stuttgart
Le Ballet de Stuttgart dans Léonce et Léna (chor. Christian Spuck)
La comédie dansée, vieux problème! À Stuttgart,
depuis l’ère Cranko, la comédie n’est pas absente du répertoire, et
c’était suivre la lignée du fondateur mythique de la maison que
d’inscrire au répertoire, en 2010, l’adaptation que Christian Spuck
avait créé deux ans plus tôt à Essen de la comédie Léonce et Léna de
Georg Büchner, d’autant plus que Spuck y fait grand usage de citations
des grands ballets de Cranko, sans que cela ait une fonction vraiment
convaincante. Spuck, ancien danseur à Stuttgart, était alors depuis 2001
(et jusqu’à son départ pour prendre la succession de Heinz Spoerli à
Zurich en 2012) chorégraphe en résidence dans la maison. Les ballets
qu’il y a créés ont presque toujours un point de départ narratif et
littéraire ; ici, c’est l’unique comédie de Büchner, pièce vertigineuse
et virtuose d’une hauteur visionnaire toute shakespearienne, qui sert de
point de départ au ballet.
Miriam Kacerova (La Gouvernante), Elizabeth Wisenberg (Léna)
Sans doute, il y a chez Spuck une volonté louable
de restituer sur la scène quelque chose de l’écriture comique de
Büchner, qui fait feu de tout bois pour faire exploser la langue et
démentir toute idée que les mots puissent avoir un sens et plus encore
une fonction, et cette volonté donne de très réels résultats : les corps
sont entraînés de pose en pose, comme prisonniers d’un corps qui refuse
obstinément aussi bien l’expression personnelle que la fonctionnalité,
et Spuck fait bien sentir que, tout aussi prisonnier de conventions
absurdes qu’il est, Léonce s’en distingue par la conscience qu’il a de
ces sujétions. Léna, elle, ancrée dans le sol, est une princesse hors
normes, animée par un théâtre intérieur qui lui donne son irrépressible
indépendance : quel dommage que Spuck n’ait pas su faire vivre tout au
long des deux actes ces personnages attachants! On s’amuse, certes de
la foire aux monstres au début du deuxième acte, mais c’est un peu au
détriment de l’efficacité satirique de l’ensemble.
David Moore (Léonce), Özkan Ayik (Valério)
Comme à Paris le samedi, les matinées du dimanche
semblent à Stuttgart avoir vocation à accueillir les débuts de danseurs
moins expérimentés que ceux qui donneront la seconde distribution de la
journée : tous les interprètes principaux de cette représentation
faisaient leurs débuts dans leurs rôles respectifs. Il est dans ces
conditions un peu imprudent d’émettre un avis dès lors qu’on découvre
soi-même la pièce ; il nous a semblé néanmoins qu’il y avait ici une
marge de progression générale pour mettre plus distinctement en avant
l’acuité satirique de cette oeuvre qui, certes, comme tout bon ballet
narratif, conduit au mariage du prince et de la princesse, mais pas
vraiment dans l’ambiance naïve des contes de fées. Peut-être aussi le
public, dans cette comédie, en aurait un peu plus volontiers ri. Le
niveau général de la troupe de Stuttgart, sans doute, reste excellent,
mais tous sont trop prudents pour vraiment convaincre, y compris les
principaux protagonistes, la demi-soliste Elizabeth Wisenberg et le
premier soliste David Moore, trop sages, trop princes encore si on veut.
Les autres rôles, qui sont essentiellement des silhouettes
caricaturales, sont certes plus dessinés, mais c’est alors un peu
d’ambiguïté, de second degré qu’on manque. Gageons qu’ils auront des
occasions de mieux exprimer leurs talents dans des œuvres qui les
solliciteront plus.
Dominique Adrian © 2014, Dansomanie
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David Moore (Léonce), Elizabeth Wisenberg (Léna)
Léonce et Léna
Musique : Martin Donner, Johann Strauß, Bernd Alois Zimmermann, Alfred Schnittke
Chorégraphie : Christian Spuck
Décors et costumes : Emma Ryott
Le Roi Peter – Roland Havlica
Prince Léonce – David Moore
Princesse Léna – Elizabeth Wisenberg
Valério – Özkan Ayik
La Gouvernante – Miriam Kacerova
Rosetta – Heather McIsaac
Stuttgarter Ballett
Staatsorchester Stuttgart, dir. James Tuggle
Dimanche 16 novembre 2014, Opernhaus Stuttgart
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