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Carte blanche à Nicolas Le Riche
04 novembre 2014 : Carte blanche à Nicolas Le Riche, au Théâtre des Champs-Élysées
Martine Bailly et Nicolas Le Riche dans A Suite of Dances (chor. Jerome Robbins)
L'affiche était prometteuse, et le tout-Paris
s'était donné rendez-vous au Théâtre des Champs-Elysées pour cette
«carte blanche» à Nicolas Le Riche. La popularité du danseur étoile de
l'Opéra de Paris, adulé du public, n'a manifestement pas faibli depuis
son départ à la retraite il y a cinq mois.
Pourtant, certaines espérances auront été
déçues. Tout d'abord, le programme a été
amputé de l'un de ses plats de résistance, Critical Mass,
de Russell Maliphant, suite à la blessure inopinée du chorégraphe et
danseur britannique, vieux complice de Nicolas Le Riche, avec lequel il
devait interpréter ce pas de deux. Russell Maliphant est l'une des
principales figures du ballet contemporain Outre-Manche. En France, il
est surtout connu pour ses collaborations régulières avec Sylvie
Guillem.
Ainsi émondée, la soirée perdait certes une partie de son sel, mais A Suite of Dances,
qui ouvrait le spectacle, devait être de nature à nous faire oublier
ces contrariétés. Nicolas Le Riche n'avait-il pas travaillé cet ouvrage
mythique – créé pour Mikhaïl Barychnikov - lors de son entrée au
répertoire de l'Opéra de Paris en 1996 avec Jerome Robbins en personne,
deux ans avant le décès de ce dernier? Lors d'une conférence de presse,
M. Le Riche, se remémorant les séances de répétitions, avait déclaré que
Jerome Robbins, dont il se sentait particulièrement proche, était le
seul chorégraphe qui pouvait lui demander de recommencer vingt fois de
suite le même enchaînement, sans qu'il perde patience. Si le bonheur de
danser de Nicolas Le Riche est demeuré manifestement intact, on
déplorait cependant l'absence d'une vraie interaction avec la
violoncelliste Martine Bailly, chargée d'interpréter sur scène les
extraits des 1ère, 5ème et 6ème Suites
de Jean-Sébastien Bach, sur lesquels est construite la pièce de
Robbins. L'instrument et le danseur doivent tour à tour s'affronter et
fusionner, en une sorte de Dialogue de l'ombre double,
pour paraphraser Boulez et Claudel. Un tel échange faisait ici défaut,
d'autant que la musicienne – ancienne soliste de l'orchestre de l'Opéra
de Paris, et qui avait été choisie en personne par Robbins pour assurer
les représentations de 1996 – a connu quelques défaillances que l'on
n'attendait pas d'une artiste de ce niveau, notamment dans la gigue
conclusive de la Suite en Sol Majeur.
Clairemarie Osta dans Une Après-midi (chor. Nicolas Le Riche)
Suivait Une Après-midi,
où l'on retrouvait Nicolas Le Riche, non plus danseur, mais
chorégraphe. L'ouvrage, dont c'était la première représentation, avait
été programmé en remplacement d'Annonciation,
d'Angelin Preljocaj, devenu renonciation suite à l'indisponibilité
d'Eleonora Abbagnato, qui devait interpréter le pas de deux aux côtés de
Clairemarie Osta. Cette dernière aura donc dû se «contenter» d'un solo,
écrit par son propre époux sur la célèbre partition du Prélude à l'après-midi d'un faune, de Debussy. Une Après-midi
a indiscutablement remporté un vif succès auprès du public. L'idée de
tracer une sorte de pendant féminin à la chorégraphie de Nijinsky était
en soi séduisante. Dommage tout de même qu'elle n'ait pas été menée à
bout, et que Nicolas Le Riche se soit contenté de faire tracer à Mlle
Osta de jolies arabesques, qui n'étaient d'ailleurs pas sans rappeler
celles de la Lune, dans Caligula, ballet d'une soirée entière commandé par l'Opéra de Paris à M. Le Riche en 2005.
Aires migratoires,
d'Hervé Diasnas, se fondait aussi sur un propos alléchant : «inspiré
des bancs de poisson ou des vols d'étourneaux, le vol dansé est une
technique chorégraphique de danse chorale unique. L'orientation spatiale
et ses mécanismes de repères sont reconsidérés pour des déplacements
omnidirectionnels, libérés des contraintes ordinaires», nous dit la
plaquette de présentation. On pouvait espérer une application à la danse
des principes de la stochastique, chers à Xenakis, ou rêver à une sorte
de grande polyphonie aviaire, telle l'Epode qui conclut Chronochromie,
d'Olivier Messiaen. Las, Hervé Diasnas ne va pas au bout de son
ambition, et nous donne à voir un simili-Papageno armé d'une sorte de
flûte électronique, qui tente avec plus ou moins de réussite de mettre
en mouvement son groupe chorégraphique. Et c'est finalement la musique
électro-acoustique, dont Hervé Diasnas est également l'auteur qui,
paradoxalement, convainc le plus. Bref, une belle idée, dont il reste à
extraire toute la substance.
Nicolas Le Riche dans Odysée (chor. Nicolas Le Riche)
Noblesse
oblige, c'est à un Nicolas Le Riche à la fois danseur et
chorégraphe que revenait l'honneur de conclure la soirée.
Odyssée
est un pas de deux sinon autobiographique, du moins évocateur
d'épisodes de la vie personnelle de l'artiste et de sa compagne,
Clairemarie Osta. Le choix de cette pièce intimiste pour achever une
soirée de gala est assez surprenant et osé. Point d'apothéose, de
dernier triomphe. Une danse en nuances de gris, tout comme les costumes,
à laquelle manque encore l'énergique coup de pinceau qui donnera au
mouvement l'ampleur, la direction nécessaires.
Romain Feist © 2014, Dansomanie
A Suite of Dances
Musique : Jean-Sébastien Bach
Chorégraphie : Jerome Robbins
Avec : Nicolas Le Riche
Martine Bailly, Violoncelle solo
Une Après-midi
Musique : Claude Debussy
Chorégraphie : Nicolas Le Riche
Avec : Clairemarie Osta
Musique enregistrée
Aires Migratoires
Musique : Hervé Diasnas
Chorégraphie : Hervé Diasnas
Avec : Angéline Soum, Lynda Rahal, Marinette Dozeville
Nancy Moreau, Valérie Lamielle, Damien Briançon, Fabrice Padoux
Musique électroacoustique
Odyssée
Musique : Arvo Pärt
Chorégraphie : Nicolas Le Riche
Avec : Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche
Musique enregistrée
Mardi 04 novembre 2014, 20h00, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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