menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

29 juin 2014 : Don Quichotte (Charles Jude) au Grand Théâtre de Bordeaux


Don Quichotte
Marc-Emmanuel Zanoli (Don Quichotte) - Vladimir Korek (Sancho Pança)


Lorsque Charles Jude fut nommé à la direction du Ballet de l’Opéra de Bordeaux en 1996, celui-ci ne possédait quasiment rien dans la case "répertoire". Il fallait tout reconstruire, et patiemment, car à raison de quatre spectacles différents par saison, la construction ne pouvait être que lente. Charles Jude entreprit donc de remonter peu à peu les grandes pièces classiques, du 19ème siècle aussi bien que du 20ème. Il n'a pas oublié pour autant la danse contemporaine puisqu'il fit appel en parallèle aux chorégraphes contemporains les plus en vue. La compagnie bordelaise peut s’enorgueillir à présent de pouvoir présenter la plupart des grands classiques de la danse académique ou romantique, dont Coppélia, Giselle ou les trois grands Tchaïkovski. L'effectif de la troupe est pourtant modeste. Mais avec trent-huit danseurs permanents, à quoi il faut ajouter des danseurs surnuméraires régulièrement appelés pour les grandes productions, on peut commencer à afficher des ambitions. L'effectif est relativement stable (les danseurs se plaisent à Bordeaux et adhèrent au projet artistique), la base pour un travail approfondi est donc là. Mais ce ne serait rien sans une volonté d'excellence qui réunit toutes les forces artistiques de l' Opéra National de Bordeaux. C'est une situation relativement unique en France où ces grands ballets ne sortent que peu de la capitale, puisqu’ils sont de fait l'apanage de l'Opéra de Paris. Les nombreuses tournées du Ballet de Bordeaux, en France et à l'étranger, sont là pour prouver que cette politique ambitieuse porte des fruits éclatants.


Don Quichotte
Igor Yebra (Basilio) - Oksana Kucheruk (Kitri)

La relecture de Don Quichotte par Charles Jude, d'après la chorégraphie de Marius Petipa, reste fidèle à la lettre et à l'esprit plein de tonicité de l'original. Dans le court prologue, le héros de Cervantès met la dernière touche au portrait de Dulcinée, dont la vision l'obsède. Il part à l'aventure, assisté de son fidèle Sancho Pança, et illuminé par ses idéaux de chevalerie. Le premier acte du ballet respecte le déroulement traditionnel avec les entrées successives des nombreux personnages de la comédie qui va se jouer.

Le dispositif scénique est adapté à la salle plutôt exiguë du Grand-Théâtre. Les décors et costumes sont allégés. Les couleurs rouge et violet dominent, agréablement mises en valeur par le noir de beaucoup de costumes. Des réminiscences de la peinture espagnole, de Goya à Dali, apparaissent çà et là. L’ensemble est frais et reste dans le climat joyeux qui convient. On remarque immédiatement que Kitri a troqué la provocante et traditionnelle robe rouge à volants pour une petite robe noire très seyante. Elle arborera un tutu mauve pour l’acte du mariage. Par contraste, les dryades de l’acte du rêve apparaissent en robe longue couleur ivoire et non pas en tutus.

Pour ne pas faire reposer le ballet sur un couple de danseurs solistes, Charles Jude a développé un grand nombre de rôles secondaires. Ainsi,  Espada et la Danseuse des rues brillent au premier acte. Dans l’acte des Gitans, le duo nocturne que Noureev a intercalé dans la version de l’Opéra de Paris, est remplacé par un brillant pas de deux entre le Chef Gitan et Mercédès, qui n’est pas la Danseuse des rues. C’est la principale innovation de cette version, car les deux personnages dansent au son de la danse russe du Lac des cygnes, jouée par un violon solo de l’orchestre mêlé aux Gitans sur la scène. Le moment est superbe. A noter aussi que dans l’acte du mariage, ce sont les deux Amies de Kitri qui dansent la variation de la Demoiselle d’honneur.

Don Quichotte
Igor Yebra (Basilio) - Oksana Kucheruk (Kitri)

L’œuvre est servie par un grand nombre de danseurs solistes de première qualité, curieusement mieux mis en valeur ici que dans la version maison de La Belle au bois dormant où pourtant les rôles dansés sont également nombreux. Dans le rôle principal, l'Ukrainienne Oksana Kucheruk, étoile de la compagnie, est une habituée du rôle de Kitri. Elle déploie beaucoup de charme et la technique ne lui fait jamais défaut,  notamment dans les spectaculaires séries de fouettés, ainsi que dans les grands développés pleins d’assurance, avec cependant moins de cambrure « flamenco » que beaucoup d’interprètes y mettent. L’entente avec le Basilio de Igor Yebra, à la gestuelle ample et moelleuse, est parfaite. Les impressionnants portés à une main, les équilibres dans le grand pas de deux du mariage déclenchent de justes applaudissements.

Le couple gitan révèle aussi deux splendides solistes de tempérament, avec la fougueuse Stéphanie Roublot, première danseuse de la compagnie, et un stupéfiant Oleg Rogachev à l’incroyable saltation.

Parmi les autres solistes il faut distinguer la belle Danseuse des rues de Marie-Lys Navarro et le piquant Cupidon de Diane Le Floc'h. Du côté des caractères, qui font la vie de ce ballet, on salue la sobre prestation de Ludovic Dussarps en chevalier errant, et les fort comiques Vladimir Korek et Guillaume Debut, qui campent des personnages burlesques, mais sans excès de cabotinage. On n’en dira pas autant du Lorenzo de Kase Craig, visiblement trop inspiré par Jim Carrey, le roi américain de la grimace. Dans la fosse, l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine était placé sous la direction de Ermanno Florio. La partition et la conduite d’un ballet n’ont aucun secret pour lui. Ce n’était pas la moindre des contributions à un spectacle de haut niveau, qui peut faire la fierté de la ville.




Jean-Marc Jacquin © 2014, Dansomanie

Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 

Don Quichotte
Don Quichotte (chor. Charles Jude)


Roméo et Juliette
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie : Charles Jude
Décors : Philippe Miesch
Costumes : Pierre-Jean Larroque
Lumières : François Saint-Cyr

Kitri –  Oksana Kucheruk
Basilio – Igor Yebra
La Fille des rues – Marie-Lys Navarro
Espada –  Marc-Emmanuel Zanoli
Amies de Kitri  – Stéphanie Gravouille, Laure Lavisse
Le Chef Gitan – Oleg Rogachev
Mercédès – Stéphanie Roublot
La Reine des Dryades – Mika Yoneyama
Cupidon – Diane Le Floc'h
Don Quichotte – Ludovic Dussarps
Sancho Pança – Vladimir Korek
Lorenzo – Kase Craig
Gamache – Guillaume Debut

Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. Ermanno Florio

Dimanche 29 juin 2014 - 15h00,  Grand Théâtre de Bordeaux


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page