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Ballet du Capitole de Toulouse
18 juin 2014 : Valser (Catherine Berbessou), à la Halle aux grains
Takafumi Watanabe, Valerio Mangianti, Demian Vargas et Nicolas Rombaut dans Valser
L’approche
de l’été dans l’agglomération
toulousaine invite à une programmation décalée. La
chaleur revenue, les longues soirées de juin où on
s’attarde aux terrasses des cafés, les dérivatifs
recherchés par les étudiants en pleine période
d’examens se prêtent à toutes sortes
d’expériences nouvelles. Pour sa première saison
comme directeur de la danse au Théâtre du Capitole, Kader
Belarbi avait proposé l’an dernier Oyster,
drôlatique monstre dû à l’imagination de Inbal
Pinto et Avshalom Pollak. Il a fait appel cette fois-ci à la
chorégraphe française Catherine Berbessou pour
clôturer de manière différente la saison culturelle
du Capitole.
Catherine Berbessou se passionne depuis le début des
années 1990 pour le tango et son univers. Elle a
étudié ce langage très spécifique et toute
la culture qui l’environne auprès des meilleurs
maîtres argentins, et a conçu plusieurs pièces
chorégraphiques autour du tango. Valser,
spectacle pour huit danseurs, a été créé
à Sceaux en 1999. C’est bien, malgré ce titre
ironique fait pour accrocher («valser» est à
comprendre comme «envoyer valdinguer»), une illustration du
monde du tango, avec ses attitudes provocantes, ses corps à
corps, sa sauvagerie, son sens du duel, tout ce qui le rapproche au
fond de la tauromachie. Les rapports homme-femme sont tout
particulièrement explorés avec une grande richesse
d’analyse. Dans une société réputée
machiste comme la société argentine, cette idée
donne forcément lieu à une variété de
rapports de force, les confrontations pouvant aller
jusqu’à la brutalité et la violence.
Takafumi Watanabe, Pascale Saurel et Demian Vargas dans Valser
Des
mots du poète argentin Jorge Luis Borges résument
à merveille le propos : «Nombreux sont ceux qui ont
souligné le caractère sexuel du tango, mais peu ont
remarqué son caractère bagarreur. Parler du tango
bagarreur n'est pas assez, j'irais jusqu'à dire que le tango et
les milongas expriment directement quelque chose que les poètes
ont souvent cherché à dire avec les mots: la conviction
que le combat peut être une fête». C’est ce
sens de la bagarre et de la fête qui va se mettre à
l’œuvre sous nos yeux.
Le dispositif
scénique s’adapte parfaitement à la salle hexagonale de la Halle aux
grains. Des palissades de toile, tendues à des mâts par des cordages
définissent un espace circulaire. Le sol recouvert d’une fine terre
ocre nous rapproche d’une arène. Ce choix s’avèrera le plus discutable,
car la terre, s’élevant en poussière, masque à chaque instant les pieds
des danseurs, ce qui peut engendrer une certaine frustration pour le
spectateur.
Takafumi Watanabe, Juliette Thélin, Valerio Mangianti, Eukene Sagues Abad
Nicolas Rombaut, Julie Loria, Demian Vargas et Pascale Saurel dans Valser
La bande-son, réalisée par Anita Praz, mêle
adroitement divers compositeurs de tango, espacés en interludes
par ses propres compositions. Au moments clés les
bandonéons laissent la place à un extrait de la Messe en si
de Bach, ou bien aux formidables tambours du Burundi. Pour
l’occasion, la voix de Carlos Gardel aurait été
bienvenue, puisque natif de Toulouse. A sa place on entend le peu
subtil Dario Moreno, à petite dose heureusement.
Les
huit danseurs, en tenue décontractée, forment des
couples, puis les défont, multipliant les combinaisons. Ils
suggèrent ainsi une dramatisation, sans narration trop explicite
toutefois. Les danseurs du Capitole ont adopté avec un
enthousiasme visible ce style sauvage et pourtant tellement
écrit, codifié. Les arrêts, les enlacements, les
contorsions frénétiques, les brusques voltes, semblent ne
pas avoir de secret pour eux. Il faut noter plus spécialement
Julie Loria et Valerio Mangianti, qui frappent par l’intelligence
de leur composition et leur dramaturgie tellement juste. Après
une fausse sortie, l’œuvre se termine dans une harmonie
retrouvée par un splendide tango du couple principal, sur la
belle musique d’Osvaldo Pugliese. Juliette Thélin et
Valerio Mangianti remplacent ainsi avec une aisance étonnante le
couple de la création formé par Catherine Berbessou
elle-même et Federico Rodriguez Moreno. Celui-ci dirigea les
répétitions avec Isabelle Teruel. Au vu du
résultat, on ne peut que les féliciter pour leur travail,
et remercier le Théâtre du Capitole pour cette
passionnante entrée au répertoire.
Eukene Sagues Abad et Demian Vargas dans Valser
La
première du spectacle fut quelque peu perturbée par
l’interminable conflit social impliquant le monde de la culture,
autour de ce qu’on appelle le statut des intermittents.
Banderoles, barrage des forces de l’ordre, proclamation sur
scène et feux de Bengale ont provoqué un petit retard.
Manque-t-il tellement de bonne volonté pour qu’on ne
puisse pérenniser dignement un maillage culturel et artistique
en France?
Jean-Marc Jacquin © 2014, Dansomanie
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Julie Loria et Nicolas Rombaut dans Valser
Valser
Musique : Jean-Sébastien Bach, Les Maîtres-tambours du Burundi, Dario Moreno
Giù per la mala via (louange anonyme du XVe siècle), Tango
Chorégraphie : Catherine Berbessou
Scénographie et lumières : Marc Oliviero
Costumes : Cidalia Da Costa
Bande-son : Anita Praz
Avec : Eukene Sagues Abad, Demian Vargas
Juliette Thélin Valerio Mangianti
Julie Loria, Nicolas Rombaut
Pascale Saurel, Takafumi Watanabe
Ballet du Capitole de Toulouse
Musique enregistrée
Mercredi 18 juin 2014, Halle aux grains, Toulouse
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