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critiques et comptes rendus
Ballets de Monte-Carlo

06 juin 2014 : Lac (Jean-Christophe Maillot) au Théâtre National de Chaillot (Paris)


Lac JC Maillot
Lac (chor. Jean-Christophe Maillot)



La création de Lac de Jean-Christophe Maillot remonte à 2011, mais l’arrivée du ballet au Théâtre de Chaillot a sans doute été, pour de nombreux balletomanes parisiens, l’occasion de découvrir l’ouvrage, déjà présenté en tournée en de nombreux lieux en France et à l’étranger. S’il s’agit d’une relecture – sur pointes -, et non d’une reprise «classique» de l’ouvrage de Tchaïkovski et Petipa (ou plus exactement Julius Reisinger, en 1877), elle n’aura 
néanmoins pas dérouté ceux qui sont familiers d’interprétations «psychanalytiques» du célèbre ballet. Nouréev ou Neumeier s’y étaient risqués, de manière plus ou moins radicale – même s’il ne faut pas non plus exagérer cet aspect du travail de Jean-Christophe Maillot et de son complice, le dramaturge Jean Rouaud.

L’humour, le théâtre tiennent eux aussi une place de choix dans ce Lac, où le chorégraphe monégasque n’hésite pas a recourir aux artifices du dix-neuvième siècle : pantomime, virtuosité, pour servir un propos qui n’a pourtant rien de suranné - bien au contraire. Aujourd’hui, un Jean-Christophe Maillot ou un Thierry Malandain remplissent de vastes salles, là où d’autres se produisent devant des fauteuils vides. Tenants d’une esthétique abusivement qualifiée de «néoclassique», leur position est encore relativement marginale en France, alors que leurs collègues allemands ou britanniques dominent la création  chorégraphique de leurs nations respectives. Mais les lignes bougent. Le public du Théâtre National de Chaillot, pourtant friand d’un avant-gardisme bien plus radical, a accueilli avec enthousiasme cette production où les pointes ont droit de cité.

Lac JC Maillot
Lac (chor. Jean-Christophe Maillot)

Le Théâtre de Chaillot offre un cadre architectural idéal au Lac de Jean-Christophe Maillot. Le style art-déco du palais conçu par Carlu, Boileau et Azéma s’accorde parfaitement à la scénographie du premier acte, qui déploie au lointain une colonnade monumentale et épurée, tracée par Ernest Pignon-Ernest. On se prendrait presque à imaginer une transplantation de l’ouvrage dans le vaste foyer, qui s’ouvre sur le bassin et les jardins du Trocadéro.

La distribution de la représentation à laquelle nous avons assisté faisait la part belle à l’Amérique du Nord, avec April Ball en «Reine de la Nuit», Noelani Pantastico en Cygne Noir, et surtout Lucien Postlewaite, récent transfuge du Pacific Northwest Ballet.

Les «stars» féminines de la compagnie, telles Bernice Coppieters ou Mimoza Koike, étaient absentes de l’affiche lors de la seconde soirée. Le rapport de force entre les sexes s’est donc quelque peu rééquilibré en faveur des hommes, même si la figure matriarcale et autoritaire, traverse ce Lac d’une rive à l’autre. Lucien  Postlewaite a fait montre de brio, de glamour, de superficialité délibérée, mais aussi de la faiblesse et de l’indécision qui caractérisent un Prince tenaillé entre les injonctions contradictoires : celles des deux «Archanges des ténébres», les excellents Christian Tworzyanski et Ediz Erduc, les appels à la raison de son confident (Joseph Hernandez), et les fallacieuses démonstrations de charme, non seulement du Cygne noir, mais aussi de Sa Majesté de La Nuit (qu’on ne peut s’empêcher de rapprocher de la fourbe héroïne de Mozart et de Schikaneder) et de son quintette de succubes au caractère bien trempé, telles Francesca Podini (ancienne du Ballet de la Scala), Gaëlle Riou (venue du Capitole de Toulouse), ou encore la Canadienne Maude Sabourin.

Lac JC Maillot
Lac (chor. Jean-Christophe Maillot)


Mais ce qui retient encore et toujours l’attention, c’est, au-delà de la mise en valeur de fortes individualités, la capacité de Jean-Christophe Maillot à régler avec maestria de grandes masses chorégraphiques. La valeur des créations du Monégasque tient d’abord à son appréhension du corps de ballet, et à sa capacité d’utilisation des forces humaines à sa disposition pour occuper l’espace scénique. Le Bolchoï vient de lui tendre les bras, espérons que l’Opéra de Paris saura un jour en faire de même. Nul n’est prophète… dit l’adage…



Romain Feist © 2014, Dansomanie

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Lac JC Maillot
Lac (chor. Jean-Christophe Maillot)



Lac
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky - Bertrand Maillot (musiques additionnelles)
Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot
Argument / dramaturgie : Jean Rouaud
Scénographie : Ernest Pignon-Ernest
Costumes : Philippe Guillotel
Lumières : 
Jean-Christophe Maillot et Samuel Théry

Le Roi –  Gabriele Corrado
La Reine – Mi Deng

Sa Majesté de la Nuit – April Ball
Le Prince – Lucien Postlewait
Le Cygne blanc – Anjara Ballesteros
Le Cygne noir – Noélani Pantastico

Le Confident du prince – Joseph Hernandez
Les Archanges des ténèbres – Christian Tworzyanski, Ezid Erguc
La Vaniteuse – Francesca Podini
La Fausse indifférente – Gaëlle Riou
Les Libertines – Frances Murphy, Anne-Laure Seillan
La Dévorante – Maude Sabourin   


Ballets de Monte-Carlo
Musique enregistrée

Vendredi 06 juin 2014 , Théâtre National de Chaillot, Paris


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