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critiques et comptes rendus
Nicolas Le Riche - Tournée d'adieux

26 avril 2014 : Itinérances, à l'Espace Odyssud, Toulouse-Blagnac


le riche itinérances
Nicolas Le Riche


Les danseurs de l’Opéra de Paris ne se déplacent guère dans les régions. Il pourraient y trouver pourtant des gisements de publics à conquérir que les grandes institutions négligent. Ce n’est probablement ni du désintérêt, ni de l’indifférence, mais le confort des grands théâtres parisiens où on a ses habitudes est tellement agréable qu’on en oublie que partout en France, ce public, également contributeur, mérite mieux que quelques diffusions en vidéo. Aussi, quelques mois après le passage des danseurs étoiles Alice Renavand et Karl Paquette sur la scène du Théâtre du Capitole, il faut saluer la venue pour trois soirées de Nicolas Le Riche et de ses amis dans l’agglomération toulousaine. Dans la grande salle de l’Espace Odyssud de Blagnac, et à l’heure où il prépare ses adieux à sa grande maison, Nicolas Le Riche, accompagné des deux étoiles Clairemarie Osta et Isabelle Ciaravola, ainsi que du danseur-chorégraphe Russell Maliphant, a offert à un public avide un programme «selon son cœur», fait de quatre duos et un solo. Il n’a pas cherché à se mettre en valeur de manière égocentrée, mais a conçu un ensemble équilibré où les interprètes servent les œuvres plutôt que l’inverse, et surtout font partager leur bonheur de danser.

Critical Mass se présente en deux parties. Nicolas Le Riche et Russell Maliphant apparaissent tout d’abord confinés dans un carré de lumière dont ils ne bougeront pas pendant toute la première section. Leurs mouvements, sur des rythmes de percussions africaines, sont pourtant d’une amplitude extraordinaire et d’une grande variété. Leur duo dégage beaucoup de puissance. Les deux silhouettes forment contraste. L’allure d’une modernité urbaine du chorégraphe anglais tranche avec la silhouette plus intemporelle de Le Riche, mais leur osmose est parfaite. Les deux se rejoignent dans la même souplesse.

Avec Annonciation, Angelin Preljocaj a mis en chorégraphie un épisode de l’Evangile de Luc, maintes fois représenté par les peintres de la Renaissance, soit la rencontre entre la Vierge Marie et l’archange Gabriel. A mi-chemin entre mysticisme et simplicité, Preljocaj a trouvé le ton juste pour se mettre à hauteur du message divin. Dans un espace clos d’où l’on perçoit les bruits de la ville, Marie est en profond recueillement. Son attitude face au discours de l’ange fait tout le mystère et toute la richesse de cette scène. Clairemarie Osta, féminine, délicate, précise, concentrée, déploie une lente gestuelle sinueuse en face des mouvements saccadés et des angles aigus de l’ange. Isabelle Ciaravola pour sa part ne réussit pas totalement à construire son personnage. Après sa spectaculaire danse initiale, elle semble en retrait, même au moment du magnificat où les deux figures se rejoignent dans la même danse. Il faut dire que l’androgynie lui est totalement étrangère. Le Ballet de Bordeaux a l’habitude de proposer un danseur masculin dans ce rôle si particulier et le résultat en est très heureux.


Après un long entracte, la deuxième partie du spectacle propose d’abord Odyssée, où Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta nous racontent rien moins que leur aventure conjugale. Imaginée sur le Trisagion de Arvo Pärt (compositeur préféré des chorégraphes d’aujourd’hui), l’œuvre est charmante, émouvante même. Les regards tournés vers l’horizon, les élans, les hésitations, sont traduits en un langage fluide qui ne manque pas d’éloquence. A nouveau, on ne quitte pas des yeux Clairemarie Osta, qui frappe par la finesse de sa gestuelle, elle qui n’a pourtant pas construit sa carrière sur le répertoire contemporain.

Le moment le plus attendu est le Jeune homme et la Mort. Première surprise, la grande passacaille de Bach nous est rendue dans la fraîcheur de sa version originale pour l’orgue. Les décors de Wakhévitch sont quant à eux réduits à l’essentiel. On retrouve le lit de fer, la table de bois, les chaises de paille. Mais point de mansarde miteuse du peintre, remplacée par un fond noir. La scène finale avec l’ouverture sur l’infini des toits de Paris s’en trouve affaiblie, d’autant que les deux personnages repartent vers le point d’entrée. C’était toute l’esthétique de Cocteau, auteur de l’argument, de donner à faire ressentir l’intemporel à travers une somme de détails réalistes. On ne peut que souhaiter au public de voir ce ballet dans sa version première.

isabelle ciaravola
Isabelle Ciaravola (La Mort) - Nicolas Le Riche (Le Jeune homme) 

Nicolas Le Riche danse avec la vigueur et l’enthousiasme d’un débutant ce rôle qu’il connaît par cœur. Isabelle Ciaravola est une parfaite garce aux yeux de feu, vindicative, cruelle, et qui rit de sa cruauté. Une interprétation de premier choix pour couronner une soirée de manière triomphale.



Jean-Marc Jacquin © 2014, Dansomanie

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Crttical Mass
Musique : Richard English, Andy Cowton
Chorégraphie : Russell Maliphant
Lumières : Michael Hulls

Avec : Nicolas Le Riche, Russell Maliphant

Annonciation
Musique : Stéphane Roy (Crystal music), Antonio Vivaldi (Magnificat)
Chorégraphie : Angelin Preljocaj
Lumières : Jacques Chatelet

Avec : Clairemarie Osta, Isabelle Ciaravola

Odyssée
Musique : Arvo Pärt
Chorégraphie : Nicolas Le Riche

Avec : Clairemarie Osta - Nicolas Le Riche

Shift
Musique : Arvo Pärt
Chorégraphie : 
Russell Maliphant

Avec : Russell Maliphant

Le Jeune homme et la Mort
Musique : Jean Sébastien Bach
Chorégraphie : Roland Petit, d'après Jean Cocteau
Décors : Emilio Carcano
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Vinicio Cheli

Le Jeune homme – Nicolas Le Riche
La Mort – 
Isabelle Ciaravola


Musique enregistrée

Samedi 26 avril 2014,  Espace Odyssud, Blagnac


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