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Bayerisches Staatsballett (Munich)
28 février 2014 : Le Songe d'une nuit d'été / Ein Sommernachtstraum (John Neumeier)
Lucia Lacarra (Titania) - Marlon Dino (Oberon)
Le propre des chefs-d’œuvre est qu’ils en
engendrent volontiers d’autres, et il n’y a sans doute pas d’œuvre
classique pour laquelle ce petit adage est plus vrai que pour Le Songe
d’une nuit d’été. De la Fairy Queen de Purcell à la musique de scène de
Mendelssohn, puis à l’opéra de Britten, la musique en a fait son miel ;
dans le domaine de la danse, trois versions en sont régulièrement
dansées – celle de Balanchine, le digest de Frederick Ashton sous le
titre The Dream, et la version de John Neumeier, mais on osera affirmer
que cette dernière seule est un chef-d’œuvre. Pour s’en convaincre, il
suffit de se rendre à Munich, où ce ballet créé en 1978 et entré au
répertoire en 1993 vient de faire son retour après une dizaine d’années
d’absence, avec quelques modifications de détail, et devant des salles
toujours pleines.
Marlon Dino (Oberon) - Ilia Sarkisov (Puck)
Au risque de tomber dans le cliché, on avouera avoir
redécouvert presque avec stupéfaction la modernité
étonnante d’une pièce qui, dans la carrière
de son auteur, précède de peu la célèbre Dame aux Camélias
et sa fidélité à l’esthétique
néo-classique de John Cranko. Le choix musical en particulier,
ce mélange détonnant entre Mendelssohn (pour le beau
monde), Ligeti (pour les êtres féériques) et de
musique de bastringue (pour les artisans), conserve trente-cinq ans
plus tard toute sa pertinence.
La
distribution possède toutes les qualités habituelles de
la troupe de Munich. On a beau bien la connaître, Lucia Lacarra
reste en scène un choc comme peu de danseurs peuvent en donner,
et on ne peut que plaindre les Parisiens qui ne la voient que par le
biais de galas formatés. Le rôle demande d’elle
toute l’hyperlaxité qu’on lui connaît, sa
légèreté, la fluidité de sa danse, mais il
faut voir, aussi, comment elle construit son rôle et comment elle
le vit en scène pour pouvoir pleinement apprécier cette
danseuse ; la différence entre la timide Hippolyta et
l’aérienne et hautaine Titania, parfois en quelques
secondes à peine, est stupéfiante.
Cyril Pierre (Zettel) - Ilia Sarkisov (Puck)
Son partenaire et mari, Marlon Dino, est techniquement solide avec un
travail de partenariat impeccable ; mais il n’a pas vraiment les
moyens de résister à son factotum Puck, alias Ilia
Sarkisov, dont le rôle est à vrai dire bien plus payant.
Le Puck de Neumeier est moins un clown voltigeant qu’un
être lunaire, et Sarkisov a à la fois toute la fantaisie
et toute l’intensité scénique nécessaires
pour ce rôle qui donne en quelque sorte sa cohérence au
ballet en unissant les trois mondes qui s’y rencontrent.
Lucia Lacarra (Hippolyta) - Marlon Dino (Theseus)
Les couples d’amoureux aristocratiques ont, c’est
certain, moins d’occasions de briller ; on y retrouve les solistes de
grande qualité qui font l’ordinaire munichois, avec une préférence cette
fois pour Lisa-Maree Cullum en Hermia – autre exemple de la capacité de
Neumeier à dessiner les rôles sans tomber dans la caricature, ce
personnage souvent tourné en dérision étant ici dessiné avec humour mais
surtout avec tendresse. Gardons le mot de la fin pour Cyril Pierre, qui
ne danse plus les grands rôles classiques, mais reste une personnalité
indispensable au ballet de Bavière : on se souvient avec émotion de son
Tybalt noir et minéral ; dans le rôle purement comique de ce soir, cette
concentration expressive est mise à profit : on se souviendra longtemps
de son réveil, après la scène d’amour asinesque avec Titania, cette
manière de redécouvrir son corps. L’émotion derrière la bouffonnerie,
c’est la définition même d’un grand acteur comique.
Dominique Adrian © 2014, Dansomanie
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Lucia Lacarra (Titania) - Cyril Pierre (Zettel)
Le Songe d'une nuit d'été / Ein Sommernachtstraum
Musique : Felix Mendelssohn Bartholdy, György Ligeti
Chorégraphie et mise en scène : John Neumeier
Décors et costumes : Jürgen Rose
Hippolyta/Titania – Lucia Lacarra
Theseus/Oberon – Marlon Dino
Helena – Lisa-Maree Cullum
Demetrius – Javier Amo
Hermia – Zuzana Zahradníková
Lysander – Lukáš Slavický
Philostrat/Puck – Ilia Sarkisov
Zettel (Pyramus) – Cyril Pierre
Bayerisches Staatsballett
Orchester der Bayerischen Staatsoper, dir. Michael Schmidtsdorff
Vendredi 28 février 2014, National Theater, Munich
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