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Ballet National de Bordeaux
22 décembre 2013 : Roméo et Juliette (Charles Jude) au Grand Théâtre de Bordeaux
Ashley Whittle (Mercutio) - Roman Mikhalev (Roméo) - Alexandre Gontcharouk (Benvolio)
L’Opéra
National de Bordeaux a pris l’heureuse habitude de programmer un
grand ballet dans l’ambiance festive de la fin de
l’année. Plus d’une douzaine de
représentations d’une grande pièce
chorégraphique du répertoire sont ainsi à
l’affiche du Grand Théâtre au mois de
décembre. Le succès semble au rendez-vous puisque le
public, tous ages confondus, est venu en cette matinée de
dimanche garnir le moindre strapontin. C’est Roméo et Juliette
que Charles Jude a choisi de reprendre cette année, dans une
version qu’il a montée en 2009 dans ce même
théâtre. Peu importe en vérité que
l’histoire tragique des amants de Vérone nous rapproche ou
non de l’esprit de Noël. La transposition dansée du
mythe de l’amour impossible entre ennemis opère toujours
son effet magique.
Basée
sur la splendide partition de Prokofiev, donnée dans sa
quasi-intégralité sous la direction efficace du jeune
chef américain Nathan Fifield, cette version bordelaise se situe
dans la droite ligne de celle de Noureev, à qui par ailleurs le
spectacle est dédié. Cela dit, Charles Jude a connu au
cours de sa carrière bien d’autres chorégraphies de
Roméo et Juliette,
dans lesquelles il interprétait selon le cas soit Roméo
soit Tybalt. C’est donc une œuvre qu’il connaît
assurément et à laquelle il peut apporter sa conception
personnelle. La sienne se distingue de la version Noureev, que les
habitués de l’Opéras de Paris connaissent bien, sur
un certain nombre de points. En particulier l’atmosphère
sombre, morbide, cruelle de la version « parisienne » est
à Bordeaux nettement éclaircie, épurée,
aussi bien dans les décors de Philippe Miesch (les scènes
de foule ouvrent sur un grand espace lumineux, inspiré de la
place principale de Rhodes), que dans les évolutions des
danseurs. Roméo danse souvent avec ses deux acolytes Mercutio et
Benvolio, dans une figuration triple du même personnage, à
laquelle répond une Rosaline également
démultipliée grâce à deux amies. Pâris
est absent du tombeau de Juliette et l’action se concentre
à la fin sur les deux amoureux qui se rejoignent dans la mort.
Les rebondissements de l’action sont cependant conformes à
la pièce de Shakespeare.
Vanessa Feuillatte (Juliete) - Roman Mikhalev (Roméo)
Le
corps de ballet, qu’il soit le peuple de Vérone, les
invités du bal, saltimbanques, membres des deux clans…,
est largement sollicité tout au long du drame, dans des danses
d’ensemble constamment renouvelées. Exprimant tantôt
l’orgueil, l’agressivité, la gaieté, la
colère, ils font montre dans chaque situation
d’alignements impeccables et d’une grande justesse
stylistique. On reste réservé cependant sur la
présence des acrobates de cirque lors de la scène du
carnaval, qui font perdre par instants le fil du drame.
Cette reprise nous a permis de découvrir en Ashley Whittle un
nouvel interprète de Mercutio, rôle très
développé et caractérisé, à la fois
frivole et querelleur. Vif, brillant, virtuose, il manie
l’épée avec agilité et révèle
une batterie fine et précise, des sauts spectaculaires, des
réceptions moelleuses. Ashley Whittle est sans conteste un
danseur à suivre à l’avenir. Davit Gevorgyan est
pour sa part un magnifique Tybalt, hautain et sombre à souhait,
peut-être un peu univoque.
Ashley Whittle (Mercutio, alongé) - Roman Mikhalev (Roméo) - Alexandre Gontcharouk (Benvolio)
Charles
Jude a donné beaucoup d’épaisseur au personnage du
père de Juliette. Ludovic Dussarps est un Capulet très
fort dramatiquement, souvent touchant. Stéphanie Gravouille
apporte une touche comique nécessaire au rôle de la
nourrice, alternant danses sur pointes et sur talons.
On retrouve avec plaisir Vanessa Feuillate et Roman Mikhalev dans les
rôles des amants tragiques. Leurs parties sont
particulièrement exigeantes physiquement et techniquement.
Vanessa Feuillate déploie une force et une énergie
semble-t-il inépuisables dans ses séries de grand
jetés. Sa Juliette très volontaire est moins enfantine
que ce que l’on voit du personnage habituellement. C’est
peut-être une Juliette de notre temps.
Le Roméo de Roman Mikhalev, étoile du Ballet de Bordeaux,
démontre une fois de plus l’excellence de sa technique,
apprise à l’école Vaganova. Lignes bien tendues,
tours jetés ou pirouettes parfaitement exécutés,
il compose un jeune héros rêveur et passionné.
Cette production magnifique est propre à faire briller la troupe
bordelaise, grâce à ses ensembles et ses nombreux
rôles de solistes. Mais pour terminer sur un bémol, il
manque un travail purement théâtral. Les personnages
malgré la qualité de leurs prestations semblent trop
souvent concentrés sur eux-mêmes, et moins attentifs
à leur entourage, ce qui nuit à l’expression
dramatique, et à la conception d’ensemble. L’art de
la pantomime, qui se perd, était naguère encore si bien
retransmis par Michel Rahn à Toulouse. Pourquoi ne pas le
revaloriser?
Jean-Marc Jacquin © 2013, Dansomanie
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Roman Mikhalev (Roméo) - Vanessa Feuillatte (Juliete)
Roméo et Juliette
Musique : Serge Prokofiev
Chorégraphie : Charles Jude
Décors : Philippe Miesch
Costumes : Pierre-Jean Larroque
Lumières : François Saint-Cyr
Roméo – Roman Mikhalev
Juliette – Vanessa Feuillatte
Mercutio – Ashley Whittle
Tybalt – Davit Gevorgyan
Benvolio – Alexandre Gontcharouk
Rosaline – Laure Lavisse
La Nourrice – Stéphanie Gravouille
Pâris – Kase Craig
Le Père de Juliette – Ludovic Dussarps
La Mère de Juliette – Marie-Lys Navarro
Le Père de Roméo – Germano Trovato
La Mère de Roméo – Francesca Loi
Le Prince de Vérone / Frère Laurent – Vincent Dupeyron
Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir. Nathan Fifield
Dimanche 22 décembre 2013 - 15h00, Grand
Théâtre de Bordeaux
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