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critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

03 juillet 2013 : Coppélia (Charles Jude) au Grand Théâtre de Bordeaux


coppélia
Charles Jude (Coppélius)


Le Ballet de l'Opéra National de Bordeaux a créé sa propre version de Coppélia en 1999. Souvent reprise depuis, elle déchaîne à chaque fois l’enthousiasme du public grâce à une scénographie astucieuse et un engagement total des interprètes jouant le jeu de la comédie.
Loin du conte sinistre et angoissant d’E.T.A. Hoffmann, qui avait été très édulcoré par Saint-Léon et Nuitter à la création du ballet en 1870, Charles Jude a transposé l’action dans le New York des comédies musicales des années 50. La place de village de Galicie est remplacée par un décor new-yorkais, coincé entre une terrasse de bar et une pompe à essence, où des marins en goguette sont réconfortés par des barmaids peu farouches.

Les noms mêmes des personnages sont changés. Swanilda est rebaptisée «Swanie» et Frantz laisse la place à «Fonzy», sans évoquer plus avant le héros de Happy Days, série TV qui institua en son temps la nostalgie des années baby-boom. Après un bref prélude sur une vue aérienne des gratte-ciel de New York, où on aperçoit Fonzy, puis Coppélius, nichés chacun au sommet d’un building, l’action se déroule selon l’argument traditionnel, et dans l’ordre de la partition de Delibes. Coppélius habite dans un immeuble Art Déco, où il faut prendre l’ascenseur lorsqu’on a subtilisé sa clé. Le téméraire Fonzy empruntera quant à lui l’incontournable échelle métallique, qui évoque irrésistiblement West Side Story. On s’apercevra que le vieux savant est avant tout un mordu de cinéma hollywoodien, en particulier de films d’horreur, et qu’en émule du docteur Frankenstein, il rêve de se créer sa propre Marilyn Monroe. Grâce à la collaboration de l’illusionniste Gérard Majax, le tableau chez Coppélius est un festival de tours de magie fort réussis et spectaculaires, où les robots téléguidés perdent leur tête et les automates parlent à leur miroir.


Coppélia
Igor Yebra (Fonzy)Oksana Kucheruk (Swanie)

On danse beaucoup dans cette version de Coppélia. Et on danse beaucoup en groupes, à la manière des comédies musicales. C’est même peut-être, parmi les grands classiques inscrits par Jude au répertoire du Ballet de Bordeaux, celui où les danses dévolues au corps de ballet sont les plus nombreuses et consistantes. Déhanchés et extensions s’inspirent du style de Broadway, certainement aussi du Jerome Robbins de Fancy Free. Les six Amies et les six Marins nécessitent des danseurs virtuoses et endurants, tant leurs parties regorgent de sauts et de portés sans temps mort. Dans le contexte de la transposition à New York, les accents mélancoliques et «gipsy» de la mazurka et de la csardas surprennent quelque peu quand on y danse du charleston, mais on se laisse prendre par l’énergie débordante qui est transmise par le plateau.

Les variations solistes sont composées sur une grammaire plus  académique. Vanessa Feuillatte sait mieux que quiconque allier la justesse de l’expression dans le mime à une grande assurance technique. Sa Swanilda est espiègle avec juste ce qu’il faut d’impertinence. La scène où elle passe de la valse au boléro, puis à la gigue écossaise, tout en changeant de robe instantanément, fait le régal du public. 

Coppélia
Oksana Kucheruk (Swanie) -  Igor Yebra (Fonzy)

A ses côtés Roman Mikhalev est un Fonzy tout à fait convaincant. Son élégance classique et sa technique irréprochable lui permettent de venir à bout sans aucune peine de l’époustouflante variation du deuxième acte sur la danse de la guerre. Ici on sent que c’est chez Noureev que Jude a puisé son inspiration pour des pas si compliqués.

Charles Jude s’est justement réservé le rôle de Coppélius. La silhouette toujours parfaite, il imprime du mystère à ce personnage inquiétant. Conçue pour un large effectif, cette version de Coppélia exige des solistes et un corps de ballet du meilleur niveau artistique. C’est assurément une carte de visite pour le Ballet national de Bordeaux.




Jean-Marc Jacquin © 2013, Dansomanie

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Coppélia
Musique : Léo Delibes
Chorégraphie : Charles Jude, d'après Marius Petipa
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr
Conseiller en effets de magie : Gérard Majax

Swanie –  Vanessa Feuillatte
Fonzy – Roman Mikhalev
Coppélius – Charles Jude

Six Amies – Stéphanie Gravouille, Laure Lavisse, Mika Yoneyama
Sara Renda, Darélia Bolivar, Diane Le Floc'h

Six Marins – Guillaume Debut, Davit Gevorgyan, Kase Craig
Take Okuda, Alexandre Gontcharouk, Ashley Whittle


Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir.  Ermanno Florio

Mercredi 3 juillet 2013 - 15h00,  Grand Théâtre de Bordeaux


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