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Le Béjart Ballet Lausanne au Théâtre National de Chaillot
06 juin 2013 : Light par le Béjart Ballet Lausanne au Théâtre de Chaillot (Paris)
Light (chor. Maurice Béjart)
Comment une compagnie de danse peut-elle survivre
à son chorégraphe - celui qui l’a fondée, celui qui lui a donné tout à
la fois son nom, son identité artistique, sa raison d'être? La question
s’est posée dès 2007 à la compagnie de Béjart, le BBL, comme elle se
pose aujourd’hui, avec la même acuité, à d’autres. Nul ne sait ce que le
BBL deviendra à long terme, mais force est de constater que, jusque-là,
Gil Roman, successeur désigné de Maurice Béjart en tant que directeur
et chorégraphe, a su maintenir et même affermir, avec une intégrité et
un succès certains - tout au moins vus de l'extérieur -, l’héritage et
l’identité de la troupe. Au prix, sans aucun doute, d’un délicat travail
d’équilibriste – ou de jonglage - entre créations, maintien du
répertoire existant et reprises.
Light (chor. Maurice Béjart)
Pour fêter
l’an dernier les vingt-cinq ans du Béjart Ballet, Gil
Roman avait choisi de remonter à Lausanne Light,
ballet quelque peu oublié, créé par Maurice Béjart en 1981 à la Monnaie
de Bruxelles. A l’époque, la compagnie s’appelait encore le Ballet du
XXe siècle et ses étoiles étaient Jorge Donn et Shonach Mirk, deux héros
d'une époque. Mais trêve de nostalgie, la venue en 2013 du BBL à
Chaillot – lieu qu’il a déjà croisé dans son histoire – vient nous
confirmer et la rumeur globalement positive qui courait sur l’état
actuel de la compagnie et la bonne impression qu’elle avait laissée lors
de sa venue au Palais Garnier en 2010.
Light (chor. Maurice Béjart)
Light
trouve son inspiration initiale dans la figure de Vivaldi – le Prêtre
Roux comme il était surnommé. Une inspiration très vague en réalité, car
l’argument y est traité d’une drôle de manière – à la manière
suprêmement éclectique de Béjart. De San Francisco à Venise, du Golden
Gate à un paysage de Tiepolo, de la puritaine Amérique à la libertine
Italie, les tableaux qui le composent ne cessent d’alterner, voire de
croiser, les époques, les cultures, les références, les musiques. La
trame est erratique, la partition l’est tout autant, entre musique
sacrée et musique profane, cocktail vivaldien et rock progressif
californien, ressuscitant à l’occasion des groupes aux noms ignorés –
les Residents ou les Tuxedomoon – on aurait pu vivre sans les connaître.
Du côté des personnages, c’est le même éclectisme qui domine : autour
de la figure du Prêtre Roux apparaissent un saint François, un
Casanova, un Polichinelle démultiplié, une femme enceinte vêtue en
pionnière de la Conquête de l’Ouest, un ensemble anonyme de Couleurs,
aux allures très années 80… et puis Light, lumineuse héroïne en
académique blanc, abstraction pure, surgie de nulle part, pont
symbolique entre tous ces univers. Ce ballet, auquel on ne comprend
finalement pas grand-chose, consacre en quelque sorte le syncrétisme
béjartien, en le poussant à son paroxysme. Intellectuellement, voilà ce
qu’il y a de plus agaçant chez Béjart, voilà ce qui fait indéniablement
sa limite, voilà ce qui nous paraît aujourd'hui si superficiel, pour ne
pas dire kitsch, chez lui. Mais chorégraphiquement, voilà aussi ce qui
fait son charme, ce qui fait que, connaisseur ou néophyte, on adhère
immédiatement, encore et toujours, à ses chorégraphies - a fortiori
emballées dans un joyeux patchwork d'oeuvres de Vivaldi, bien
appropriées à la danse. Cela ne va pas du reste sans quelques longueurs
dans ce ballet-ci et à dire vrai, on se passerait fort bien des tableaux
californiens du début, moins danse pure que danse théâtre – clairement
pas le point fort du chorégraphe.
Light (chor. Maurice Béjart)
Plutôt que comme un ouvrage à décrypter, Light
se regarde donc avant tout comme un hymne généreux à la danse et aux
danseurs. Tout le monde sur le plateau y trouve de quoi se nourrir,
aussi bien les solistes – hommes et femmes –, que le corps de ballet. La
troupe dans son ensemble est à cet égard un vrai bonheur, un plaisir de
chaque instant. Les garçons sont bondissants, enthousiastes et précis,
les solistes magnétiques et habités, qu’ils appartiennent à l’ancienne
génération, comme Julien Favreau et Elisabeth Ros, ou à la plus récente,
comme Oscar Chacon et Katerina Shalkyna. Face à la splendeur terrienne
d'Elisabeth Ros, "la" Shalkyna, avec ses lignes déliées et infinies, est
bien cette présence magique, d'une féminité tout à la fois
bienveillante et sensuelle, cette « lumière » qui, littéralement,
sublime et justifie le ballet.
B. Jarrasse © 2013, Dansomanie
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Light
Musique : Antonio Vivaldi, The Residents, Tuxedomoon
Chorégraphie : Maurice Béjart
Costumes : Henri Davila d'après Nuno Côrte-Real
Lumières : Dominique Roman
Light – Kateryna Shalkina
La Femme – Elisabet Ros
Venezia – Lisa Cano
Poverello – Julien Favreau
Le Marquis – Gabriel Arenas Ruiz
Le Prêtre roux – Oscar Chacon
Giraluce – Marco Merenda
Les Couleurs – Keisuke Nasuno, Masayoshi Onuki, Laurence Rigg
Hector Navarro, Harrison Wynn, Kwinten Guilliams, Denovane Victoire
Pulcinella – Angelo Morducco, Jasmine Cammarota, Cosima Munoz
Duetto – Masayoshi Onuki, Laurence Rigg
Béjart Ballet Lausanne
Musique enregistrée
Jeudi 6 juin 2013 , Théâtre National de Chaillot, Paris
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