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Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
24 mars 2013 : Quatre tendances (4) au Grand Théâtre de
Bordeaux
Petite mort (chor. Jiří Kylián)
Il
s’agit déjà de la quatrième édition
de ce programme mixte, qui, selon un principe désormais bien
rodé, se propose de faire connaître au public bordelais
quatre pièces dansées de notre époque,
d’inspirations et de styles suffisamment divers pour
prétendre embrasser un vaste panorama. Les apparentements
permettent des perspectives étonnantes, surprenantes, toujours
intéressantes.
Evénement remarquable, peut-être pour équilibrer
une saison largement consacrée aux grands ballets classiques,
l’édition 2012/2013 de ces quatre tendances ne propose pas
moins de deux créations mondiales, œuvres de
chorégraphes ayant déjà travaillé avec le
Ballet de l’Opéra de Bordeaux.
Itzik Galili nous avait déjà présenté en 2010 le trio The Sofa,
hilarante pochade autour d’un canapé jaune. Sa relation
avec la compagnie ayant été jugée fructueuse, il a
voulu lui rendre hommage avec un ballet spécialement
écrit pour elle. Le titre «Il est de certains cœurs…»
est le reflet des relations affectives que le chorégraphe a
noué avec les danseurs. Plus largement, il s’agit aussi,
la compagnie étant vue comme un microcosme de la
société, de dépeindre les rapports des individus
entre eux et face au groupe.
Il est de certains cœurs (chor. Itzik Galili)
Sur les accents très lyriques du cinquième quatuor
à cordes de Philip Glass, les lumières conçues par
Itzik Galili lui-même font partie intégrante du ballet.
Des éclairages constamment changeants dessinent des motifs et
des espaces sur la scène, traçant tantôt un chemin
que les danseurs s’efforcent de suivre, tantôt les
repoussant dans l’obscurité, et modifiant en permanence
notre regard. La gestuelle est très dynamique,
privilégiant les mouvements de grande amplitude, avec un
désordre apparent savamment calculé. Malgré des
baisses de tension au milieu de la pièce, la beauté
visuelle est incontestable.
Deux danseurs et une danseuse émergent particulièrement,
sans pourtant être distingués nommément par un
rôle soliste. Marc-Emmanuel Zanoli, Guillaume Debut, puis Yumi
Aizawa représentent l’individu face à la foule.
Cette dernière clôt joliment la pièce par des
mouvements de plus en plus erratiques, au hasard des dessins lumineux
et des apparitions de ses partenaires, illustrant ainsi la note
d’intention du chorégraphe : «cette pièce est
une manifestation de notre complexité en tant qu’individus
au sein de la foule».
Parfois une hirondelle (chor. Claude Brumachon)
Autre création, avec un titre tout aussi chargé poétiquement, Parfois une hirondelle...,
de Claude Brumachon, présente un langage très
différent. Plus statique, alternant des mouvements vers la terre
et vers le ciel, la pièce se caractérise en premier lieu
par une remarquable utilisation de l’espace scénique. Les
filles en robes jaune d’or, quelques-unes en pantalon pour
alléger l’effet visuel, les garçons en tenues
sombres sont d’abord disposés en groupes
séparés. Ils se fondent par la suite en
différentes combinaisons, toujours superbes plastiquement. Les
mouvements des derniers quatuors de Beethoven sont entrecoupés
de bruits de nature, dominés par les cris des hirondelles.
Empreinte de sensualité, cette vision de l’amour ne se
départit jamais d’une certaine mélancolie,
accentuée par l’étrange effet final : alors
qu’un couple se détache vers l’avant-scène,
la musique de Beethoven se fond soudain au silence et
l’obscurité envahit l’espace, laissant le spectateur
quelque peu dérouté. Précisons que Benjamin
Lamarche, complice de toujours de Claude Brumachon et qui ne revendique
jamais le titre de chorégraphe, est cette fois-ci cité
comme assistant-chorégraphe. La pièce sera certainement
reprise et révèlera d’autres subtilités.
Tam-tam et percussion (chor. Itzik Galili)
Le programme débutait par une reprise de la pièce de Félix Blaska, Tam-tam et percussion.
Créé en 1970, ce court ballet ne cadre pas exactement
avec l’objectif affiché des quatre tendances
d’aujourd’hui. De par son optimisme et sa vigoureuse
tonicité, il ouvre néanmoins joyeusement un programme de
danse. Sur la musique composée par Pierre Cheriza et Jean-Pierre
Drouet, jouée ici sur scène par Vincent Bauer et Artissou
Loko, l’œuvre se découpe en quatre parties. Tout
d’abord Marc-Emmanuel Zanoli nous fait une belles
démonstration de pas classiques, des sauts et sissones
jusqu’au manège de coupés-jetés. Des groupes
de danseurs, pour lesquels Charles Jude a demandé que
l’effectif soit doublé, surgissent alors en
déplacements rapides. Les filles traversent la scène sur
pointes, telles des frises picturales, en marquant la rythmique par des
battements de bras. Les garçons assortissent leurs
évolutions de mouvements plus acrobatiques. Après
l’intermède méditatif du pas de deux où Mika
Yoneyama et Marc-Emmanuel Zanoli font preuve d’une vraie
présence, tous les danseurs se rassemblent à
nouveau pour le déchaînement final. Inspiré par des
danses traditionnelles africaines, le ballet tentait à son
époque de renouveler et d’actualiser le vocabulaire
classique. On peut le voir aujourd’hui pour ce qu’il est :
une démonstration de joie de vivre.
Est-il encore besoin de présenter Petite mort
de Jirí Kylián ? De nombreuses compagnies se sont
approprié ce qui est devenu un classique du vingtième
siècle. On n’a pas fini cependant de chercher à
comprendre la mystérieuse alchimie que créent les
célèbres fleurets et robes à paniers qui,
par-delà leur fonction de prolongement érotique, semblent
vivre de leur vie propre. Les danseurs, malgré quelques
imprécisions dans les ensembles, sont à la hauteur de ce
chef-d’œuvre.
Soulignons d’une manière générale la
prestation d’ensemble du Ballet de Bordeaux qui a pu assurer huit
représentations en dix jours de ce programme exigeant où
les danseurs sont souvent présents dans plusieurs ballets.
Voilà une performance digne de Noureev, à qui le
spectacle est dédié.
Jean-Marc Jacquin © 2013, Dansomanie
Tam-tam et percussion
Chorégraphie : Félix Blaska
Musique : Pierre Chériza, Jean-Pierre Drouet
Avec : Mika Yoneyama, Marc-Emmanuel Zanoli
Petite mort
Chorégraphie, mise en scène, lumières
et costumes : Jiří Kylián
Musique : Wolfgang Amadeus Mozart
Costumes : Joke Visser
Lumières : Joop Caboort
Avec : Juliane Bubl, Davit Gevorgyan
Marina Guizien, Ashley Whittle
Vanessa Feuillatte, Roman Mikhalev
Yumi Aizawa, Guillaume Debut,
Stéphanie Gravouille, Ludovic Dussarps,
Oksana Kucheruk, Igor Yebra
Il est de certains cœurs... (création mondiale)
Chorégraphie et lumières : Itzik Galili
Musique : Philippe Glass
Costumes : Nastasja Lansen
Avec :Yumi Aizawa, Juliane Bubl, Pascaline Di Fazio
Stéphanie Gravouille, Laure Lavisse, Diane Le Floc’h, Sara Renda
Kase Craig, Guillaume Debut, Ludovic Dussarps, Take Okuda
Samuele Ninci, Ashley Whittle, Marc-Emmanuel Zanoli
Parfois une hirondelle (création mondiale)
Chorégraphie : Claude Brumachon
Musique : Ludwig van Beethovent
Costumes : Huguette Blanchard
Lumières : Olivier Tessier
Avec : Yumi Aizawa, Aline Bellardi, Juliane Bubl, Emilie Cerruti, Pascaline Di Fazio
Louise Djabri, Stéphanie Gravouille, Laure Lavisse, Diane Le Floc’h,
Nicole Muratov, Marie-Lys Navarro, Sara Renda, Stéphanie Roublot
Kase Craig, Guillaume Debut, Ludovic Dussarps, Roman Mikhalev
Samuele Ninci, Ashley Whittle, Marc-Emmanuel Zanoli
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
Vincent Bauer, Atissou Loko, percussions
Musique enregistrée
Dimanche 24 mars 2013, 15h00, Grand Théâtre de
Bordeaux
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