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critiques et comptes rendus
Alban Richard / Ensemble L'Abrupt / Les Percussions de Strasbourg

13 février 2013 : Pléiades (I. Xenakis / A. Richard) au Théâtre de Chaillot (Paris)


Pléiades
Pléiades (chor. Alban Richard)



Revoir un ouvrage dont on a assisté à la création quelque trente-quatre ans plus tôt est une expérience peu banale, et empreinte d’une certaine émotion, même si les souvenirs de l’adolescence sont fugaces, et que la chorégraphie originelle qui accompagnait la partition célèbre de Iannis Xenakis a été oubliée depuis fort longtemps. Si Pléiades a connu une belle carrière au concert et au disque, notamment grâce aux Percussions de Strasbourg, qui l’avaient porté sur les fonds baptismaux en 1979, peu se souviennent qu’il s’agissait d’une musique de ballet. L’initiative du Théâtre de Chaillot, qui a permis de restituer à Pléiades sa fonction première, doit à cet égard être saluée.

La présence dans la salle, lors de la Première, de Béatrice Massin nous aura opportunément rappelé que lors de la Première de l’ouvrage, à Mulhouse, les danses, réglées par Jean Sarelli, regretté directeur du Ballet du Rhin, étaient de style… baroque et exécutées en costumes Grand Siècle.

Pour cette reprise, le Théâtre de Chaillot, dans le cadre d’une co-production avec Montpellier Danse, a fait appel à Alban Richard, chorégraphe actuellement en résidence au sein de l’institution. Si les perruques poudrées et les souliers à boucle ont été remplacés par de sobres chemises et pantalons noirs, l’artiste fait néanmoins indirectement référence aux origines de l’œuvre, en se cantonnant à des enchaînements de petits pas rapides, sans aucun grand saut, organisés selon le principe de la marche ou de la course. La vivacité et la précision dans l’exécution de ces pas sont d’ailleurs les principales qualités à porter au crédit des interprètes réunis sur la scène de Chaillot, Céline Angibaud, Arnaud Cabias, Mélanie Cholet, Max Fossati, Laurie Giordano et Kevin Jean. Ils apparaissent en quelque sorte comme les «doubles dansants» des percussionnistes, eux aussi au nombre de six. Ce choix est capital dans «Silence», où la première partie de Pléiades, «Mélanges» est réinterprétée sous forme chorégraphique. Alban Richard prend soin de retranscrire pour les danseurs les différentes «entrées» de la partition musicale, ainsi que les niveaux d’intensité sonore, qui conditionnent la célérité de la danse.

On connaît l’obsession de Xenakis l’architecte – il fut collaborateur du Corbusier – pour les mathématiques et l’ouvrage tout entier est bâti autour du chiffre six. Six danseurs (qui décomptent les «temps » mezza voce) six instrumentistes (les six membres fondateurs des Percussions de Strasbourg) qui sont les pendants des sept filles d’Atlas et de Pléioné, Alcyone, Astérope, Céléno, Electre, Mérope, Taygète et Maïa – «la mère», l’«intruse» – Xenakis (ou la figure allégorique du compositeur) lui-même. (Xenakis livre à ce sujet une autre lecture : «L'une des sœurs, Electre, aurait disparu sous forme de comète, rongée de chagrin après le siège et la destruction de la ville de Troie construite par son fils Dardanus, victime du célèbre stratagème du cheval de Troie. La blancheur et le brouillard dans lesquels les pléiades apparaissent seraient le résultat des pleurs versés par les six sœurs abandonnées par Electre»).


Pléiades
Pléiades (chor. Alban Richard)

La pièce elle-même se divise en trois parties correspondant aux trois familles d’instruments à percussions (claviers, métaux, peaux), elles-mêmes dédoublées par la chorégraphie (2x3 = 6!), et précédés d’un «prologue», «Mélanges» / «Silence», où toute la constellation des Pléiades se trouve réunie avant sa désintégration progressive. Pour «Métaux», Xenakis est allé jusqu’à concevoir un instrument spécifique, le Sixxen (Six-Xen[nakis]) sorte de vibraphone à grandes lames, dont la sonorité est censée évoquer les gamelans balinais. Là, Alban Richard n’a malheureusement pas poussé aussi loin qu’on aurait pu l’espérer l’analogie avec la riche culture chorégraphique et théâtrale indonésienne, que suggère pourtant fortement la musique. Dans «Claviers» en revanche, le minimalisme subtil de la partition a été bien traduit dans les pas, tout comme l’exubérance (en apparence) anarchique de peaux, qui tient lieu de «final».


On noter que si l’ordre des numéros retenus pour ces représentations au Théâtre de Chaillot correspond à celui de la création de Pléiades, qui renvoie à un processus de dissociation progressive, Xenakis avait également prévu la possibilité de jouer l’ouvrage dans un agencement différent (Métaux – Claviers – Peaux – Mélanges), le spectateur / auditeur assistant cette fois à l’agglomération des composantes de la constellation.



Romain Feist © 2013, Dansomanie

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Pléiades
Musique : Iannis Xenakis
Chorégraphie : Alban Richard
Costumes : Corinne Petitpierre
Lumières : 
Valérie Sigward

Avec : Céline Angibaud, Arnaud Cabias, Mélanie Cholet
Max Fossati, Laurie Giordano, Kevin Jean


Ensemble L'Abrupt
Les Percussions de Strasbourg (Jean-Paul Bernard, Claude Ferrier, Bernard Lesage
Keiko Nakamura, François Papirer, Olaf Tzschoppe)

Mercredi 13 février 2013 , Théâtre National de Chaillot, Paris


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