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critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

16 décembre 2012 : La Belle au bois dormant au Grand Théâtre de Bordeaux


belle au bois dormant
La Belle au bois dormant (chor. Charles Jude)


Parmi les ballets classiques, la Belle au bois dormant est probablement celui qui exige le plus de moyens pour être produit dans des conditions satisfaisantes. L’évocation des fastes de la cour de Versailles au Grand Siècle ne supporte pas la demi-mesure, quand bien même une transposition est toujours possible. De plus, Petipa a parsemé son ballet d’une multitude de rôles secondaires qu’il est impossible de mal distribuer sous peine de décevoir. Le défilé des contes de Perrault ou de Grimm au troisième acte est un passage attendu par le public de tous âges. Le balletomane averti ne saurait être privé du redoutable pas de deux de l’Oiseau bleu, dont les interprètes sont salués à l’égal des personnages principaux et qui sert souvent de tremplin pour des danseurs en devenir.

Pour ces raisons, cette Belle se fait rare, notamment en France où l’Opéra de Paris la laisse en sommeil depuis de longues saisons. Le Ballet de l'Opéra National de Bordeaux a relevé le défi pour une série de représentations pendant la période magique du mois de décembre en remontant sa production, chorégraphiée en l’an 2000 par Charles Jude.

belle au bois dormant
Igor Yebra (Désiré)Oksana Kucheruk (Aurore)

Dans le magnifique mais exigu écrin du Grand Théâtre, le plateau de scène est utilisé au maximum de ses capacités. Les effets de perspectives au palais du roi Florestan, dans les astucieux décors de Giulio Achilli, scénographe attitré du théâtre, le font paraître plus grand qu’il ne l’est en réalité. L’effectif nominal du ballet de Bordeaux étant de 38 danseurs, il a été fait appel à une quinzaine de danseurs supplémentaires, dont certains se révèleront précieux, ainsi qu’à de jeunes élèves du conservatoire de Bordeaux. Un certain nombre d’autres artistes assurent la figuration. Choix plus discutable, ce sont des danseurs invités qui investissent les deux rôles principaux pour l'une des trois distributions.

Liudmila Konovalova et Robert Gabdullin, respectivement première soliste et soliste du Ballet de l’Opéra de Vienne, sont Aurore et Désiré pour trois représentations. Sans rien retirer aux mérites réels de Marie-Lys Navarro, délicate fée des Lilas, le ballet prend une autre dimension à l’entrée de Liudmilla Konovalova. Son incarnation de la jeune princesse vient manifestement de quelqu’un qui connaît le rôle sur le bout des pointes. Du côté de la technique, on est stupéfait par l’assurance et la solidité dont elle fait preuve dans ses tours-attitude, dans l’Adage à la Rose, puis à nouveau dans le pas de deux de la Vision. Son travail de bras n’est jamais pris en défaut, comme on le loue à juste titre chez les danseuses venues de Russie.


belle au bois dormant
Oksana Kucheruk (Aurore)

Originaire de Iekaterinbourg, Robert Gabdullin, visage typé à la Noureev, ou à la Nijinski, est un excellent partenaire. Davantage que sa variation du grand pas de deux final, où il semble quelque peu inhibé par l’étroitesse de la scène, on retiendra de lui son long solo qui succède à la scène des chasseurs au deuxième acte. Ici Charles Jude s’est probablement souvenu du passage similaire de la version Noureev. Gabdullin y est captivant grâce à ses mouvements précis est déliés. Bien qu’elle n’intervienne que dans le prologue, et dans une moindre mesure dans le premier acte, le troisième personnage principal est celui de Carabosse. Incarnant les forces du mal, et d’une manière plus psychanalytique la peur du passage à l’âge adulte, le rôle est à la fois mimé et dansé, dans une conception très moderne qui fait l’originalité de cette version de la Belle au bois dormant. Stéphanie Gravouille y est pleinement convaincante, grâce à une danse large et expressive.

L’Oiseau bleu et la Princesse Florine sont superbement interprétés par Neven Ritmanic et Sara Renda, très complices dans l’adage, parfaitement synchrones dans la coda. Elle est pleine d’engagement et de vivacité. Lui est très précis dans sa petite batterie, parfaitement silencieux dans ses réceptions, et on est surpris d’apprendre qu’il n’est pas titulaire dans le corps de ballet. Autre moment de grande qualité, le pas de quatre des Pierres Précieuses où l'on retrouve avec plaisir l’aérien Marc-Emmanuel Zanoli, quelque peu en difficulté cependant dans sa trop complexe variation.

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Marc-Emmanuel Zanoli (Carabosse)

Parmi les autres rôles, relevons une Chatte blanche transformée en vamp hollywoodienne, que deux matous malhabiles se disputent, et un grand méchant Loup, tout droit venu de chez Tex Avery. Mais l’évocation du dessin animé a ses limites, et l’affreux petit nuage en carton d’où le Roi et la Reine assistent au divertissement final est incongru, d’autant qu’ils en descendent pour l’apothéose finale. Tous les moyens ne sont pas bons pour gagner de la place.

L’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine est dirigé avec énergie par le jeune chef américain Nathan Fifield, jouant savamment avec les alliances de couleurs que Tchaïkovski recherchait dans ses musiques de ballet. 




Jean-Marc Jacquin © 2012, Dansomanie

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La Belle au bois dormant
Musique : Piotr Illiytch Tchaïkovski
Chorégraphie : Charles Jude, d'après Marius Petipa
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Philippe Binot
Lumières : François Saint-Cyr

Aurore –  Liudmila Konovalova
Désiré – Robert Gabdullin
Fée des Lilas – Marie-Lys Navarro
Fée Carabosse – Stéphanie Gravouille
Fée Candide – Claire Teisseyre
Fée Fleur de farine – Giada Rossi
Fée Miettes qui tombent – Laure Lavisse
Fée Canari – Darélia Bolivar
Fée Violente – Pascaline di Fazio

L’Adage à la rose – Kase Craig (Prince allemand), Take Okuda (Prince indien)
Ludovic Dussarps (Prince italien), Davit Gevorgyan (Prince espagnol)
Les Pierres Précieuses – Marc-Emmanuel Zanoli (Diamant)
Alice Leloup (Emeraude), Claire Teisseyre (Saphir), Laure Lavisse (Rubis)
L’Oiseau bleu –  Neven Ritmanic, Sara Renda
Le Chat botté –  Take Okuda, Davit Gevorgyan, Giada Rossi
Le Chaperon rouge – Louise Djabri , Guillaume Debut

Ballet National de Bordeaux
Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir.  Nathan Fifield

Dimanche 16 décembre 2012,  Grand Théâtre de Bordeaux


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